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FIN DU MONDE


annoncer la création de nouveaux cieux et d’une nouvelle terre pour remplacer les anciens. Dans leurs oracles, le verbe « créer » ne doit pas être pris à la lettre et entendu d’une création ex nihilo. Isaïe, qui a fourni le terme, employait un langage poétique, imagé, qui indiquait par cette création un simple renouvellement du passé, du royaume messianique, d’Israël ou des justes au ciel. Le texte plus rigoureux de saint Pierre ne doit pas être entendu d’une destruction complète du monde corporel ; les éléments des corps matériels seront sans doute dissociés par la chaleur de l’incendie universel, ils ne seront pas anéantis, et on peut penser qu’ils rentreront, comme nous dirions en termes modernes, dans la composition chimique et physique des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, qui seront conformes à l'état des justes ressuscites, leurs habitants.

Ce renouvellement de la création matérielle à la fin des temps est annoncé dans d’autres passages de l'Écriture. La ua>, iyi'£vsCT£a, dont parle Notre-Seigneur, Matth., XIX, "28, et dans laquelle il récompensera ses apôtres qui ont tout quitté pour le suivre, désigne la rénovation générale qui suivra le jugement dernier et qui sera introduite par le bouleversement où s’abimera le monde actuel. Cf. A. Loisy, Les Évangiles synoptiques, Ceffonds, 1908, t. ii, p. 221. Dans un discours prononcé au temple de Jérasalem après la guérison du boiteux, saint Pierre a déclaré que Jésus-Christ était remonté aux cieux jusqu’aux temps de la restauration de toutes choses dont Dieu a parlé par la bouche de ses anciens prophètes. Act., m, 21. Cette àTro/aTaTTacri ; TiâvTwv est l’instauration physique et morale du monde entier dans son état de perfection auquel il est destiné. Crelier, Les Actes des apôtres, Paris, 1883, p. 44 ; H. J. Holtzmann, Die Apostelgescliiclite, 3e édit., Tubinguc et Leipzig, 1901, p. 41-42 ; H. Wendt, Die Apostelgeschichte, Gœttingue, 1899, p. 111-112. Une interprétation fondée voit la raison de la restauration finale de toutes choses exposée par saint Paul, Rom., viii, 19-22. Toute la création matérielle attend et désire d'être délivrée de la corruption à laquelle elle a été assujettie, pour un temps et malgré sa nature, par Dieu qui a maudit le monde et l’a soumis à l’altération et au dépérissement à cause du péché d’Adam. Cette création, personnifiée par l’apôtre, garde l’espérance d'être affranchie de cette servitude et d’avoir part un jour à la liberté et à la gloire des hommes devenus fils adoptifs de Dieu. De corruptiple qu’elle était, elle deviendra incorruptible. En attendant la réalisation de son espérance, elle gémit et elle souffre les douleurs de l’enfantement ; mais elle formera plus tard un monde nouveau, incorruptible et glorieux. Beelen, Comment, in Epist. S. Pauli ad Romanos, Louvain, 1854, p. 2.51-257 ; R. Cornely, Comment. in Epist. ad Romanos, Paris, 1896, p. 423-434 ; F. Godet, Commentaire sur V É pitre aux Romains, Neuchatel, Paris, 1890, t. II, p. 180-191 ; B. Weiss.Dcr Briej an die Rômer, Gœttingue, 1899, p. 360-366 ; F. Prat, La tliéologie de saint Paul, t. ii, p. 527-528 ; C. Toussaint, É pitres de saint Paul, Paris, 1913, t. ii, p. 209, 223-224. Plusieurs commentateurs entendent encore dans le sens de la rénovation future du monde entier la restauration que Dieu voulait faire de toutes choses en Jésus-Christ. Eph., i, 10. Cf. L. Atzberger, op. cit., p. 372-374.

II. ENSEIGNE.ME.XT TRADITlO ?fXEL. — 1° Pères apostoliques. — Il ne semble pas que la tradition apostolique de la fin du monde et de la rénovation future ait été fixée dans tous ses détails de façon à imposer à tous les chrétiens un enseignement absolument uniforme. Le pseudo-Barnabe entend le changement du soleil, de la lime et des étoiles dans le sens

millénariste et il voit dans le septième jour de la création un symbole de ce règne terrestre dans un monde renouvelé. Epist., xv, 5, Funk, Patres apostolici, t. i, p. 84. L’auteur de la /i-' Cor., xvi, 3, ibid., p. 204, fait remarquer à ses lecteurs que le jour du jugement vient déjà comme une fournaise ardente, et il ajoute, en s’inspirant d' Isaïe, xxxiv, 4, et de saint Pierre, II Pet., iii, 10 : xa TaxoTo/raî i : iv£ ; T(r)v oùpavàiv -/.ai Trîca ^j '^i] mc, (ioXiêoç Èni ir-jp’t Tr|y.O ! J£vo ;. Il restreint déjà, si la leçon Tiveç est authentique, la désagrégation des cieux à quelques-uns seulement. Hermas avait vu une bête ayant sur la tête quatre couleurs : du noir, du feu et du sang, de l’or et du blanc. Vis., IV, i, 10, ibid., p. 460. Or, la vierge qu’il rencontra ensuite lui exphqua la signification de ces quatre couleurs : le noir représente le monde et la couleur de feu et de sang indique que ce monde périra par le sang et le feu, iii, 2, 3, p. 464. Dans sa I" vision, iii, 4, p. 422, il avait retenu une parole que lui avait dite la femme descendue du ciel : le créateur du ciel et de la terre transfère les cieux, les montagnes, les colhnes et les mers et il aplanit toutes choses pour les élus, afin de réaliser les promesses qu’il leur avait faites. Cf. L. Atzberger, Gescbichfe der christlichen Eschatologie, p. 109-110.

Pères apologistes.

Ils enseignent que le monde

doit périr par le feu. Il y aura donc, à la fin des temps, un embrasement universel. Saint Justin sait que la consomption de toutes les choses périssables par le feu a été annoncée par la Sibylle et par Hystaspe. Apol., i, 20, P. G., t. VI, col. 357. Mais Moïse, Deut., xxxii, 22, Malachie, iv, 1, et Isaïe, xxx, 28, 30, ont aussi prédit cet embrasement futur. S. Justin, Apot., I, 60, col. 420 ; S. Théophile d’Antioche, Ad Autolyc., 1. II, 38, col. 1117. Les Pères apologistes connaissaient la doctrine stoïcienne sur la conflagration finale, mais ils ne l’adoptaient pas, quand elle était en désaccord avec la doctrine chrétienne. Ainsi, alors que les stoïciens croyaient que le monde serait purifié par le feu à diverses périodes, Tatien remarque que la conflagration générale n’aura lieu qu’une fois. Adversus Grœcos, 6, col. 817. Pour les stoïciens, l’embrasement du monde était, à chaque période, la conséquence nécessaire de la loi du cours variable des choses, saint Justin l’attribuait directement à Dieu et le considérait comme une punition du monde. Apol., II, 7, col. 456. Quelques stoïciens pensaient que Dieu lui-même serait dissous par l’embrasement du monde. Saint Justin, Apol., i, 20, col. 357, savait bien que Dieu était inaltérable. Le mênie^j_docteur semble dire, dans sa II « Apologie, 7, que le feu du jugement détruira tout pour faire disparaître les impies, anges et hommes, comme le déluge, qui n’a laissé aucun homme en vie, sauf Noé et sa famille. Il s’inspirait de saint Pierre et non pas des stoïciens, mais, quand il dit que, pour sauver les chrétiens, la conflagration universelle est reculée, Apol., i, 28, 45 ; II, 7, col. 372, 396, 456, il n’entend pas que l’embrasement final entraînait la ruine totale du monde. D’ailleurs, il sait que Dieu le Père renouvellera le ciel et la terre par le Christ, Dialogus cum Tryphone, 113, col. 737, mais peut-être est-ce seulement pour le règne de mille ans. Il voit encore dans la nuée du désert une figure d’un nouveau peuple. Ibid., 131, col. 780-781. Athénagore pense que, dans le monde glorifié, il n’y aura plus d'êtres inintelligents et inanimés. De resurrectione, 10, col. 992. Saint Théophile d’Antioche semble dire, au contraire, " que tous les animaux reviendront à leur première nature et qu’ils seront inofîensifs et qu’ainsi l’homme sera ramené à son premier état et qu’il ne péchera plus. Ad Autol., 1. II, 17, col. 1080-1081. Cf. L. Atzberger, op. cit., p. 162-163.