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FIN DERNIÈRE


ardentes aspirations d’une nature faite pour l’ordre, le bien, la béatitude ; sans compter comme corollaires, pour les premiers la possession de tous les biens créés, et pour les seconds le châtiment venant de ces mêmes créatures autrefois objet d’affreux abus. Et tous, d’une façon ou d’une autre, formellement par amour ou matériellement comme spectacle d’ordre divin, chanteront Dieu, pendant l'éternité.

3. Eschatologie cosmique.

Les créatures propter alia provisse ou le monde matériel, lorsque le monde spirituel sera au ciel ou en enfer ou aux limbes, que deviendront-elles ? Quelle sera la fin dernière du monde matériel ? Saint Paul a dit que ce monde est, lui aussi, en état de voie, attendant une glorification, Rom., VIII, 22 ; saint Pierre, II Pet., iii, 7-13, a annoncé une transformation, qui aboutira à des cieux nouveaux et à une terre nouvelle. Cf. Apoc, xxi, 1 sq. Voir Fin du

MONDE.

III. Applications pratiques.

Étant à la base de la morale, la doctrine de la fin dernière est évidemment une doctrine éminemment pratique. Logiquement, nous aurions pu indiquer plus haut les plus importantes de ses applications en traitant précisément de la fin dernière fondement de la morale ; mais cet exposé aurait interrompu nos développements doctrinaux. Nous allons en esquisser ici quelques-unes.

Vie individuelle.

1. Vie morale et ascétique. —

a) Tout est pour la fin dernière. — Il faut bien comprendre cette proposition. D’abord, rien ne doit être fait contre la fin dernière, rien contre Dieu, pas de péché quelconque. Et puis, il faut tendre positivement vers cette fin, vers Dieu. Mais nous avons vu qu’on peut être attiré à sa fin dernière par pur amour de charité ou par amour « intéressé » d’espérance ; et de plus, que l’intention de la fin peut être explicite ou implicite. Il est donc exagéré de dire que toute la perfection ascétique découle du principe de la fin dernière bien compris. Comme principe et comme devoir, la fin dernière est la base, qui exige la fuite du péché mortel et du péché véniel ; elle n’est pas l'édifice de la perfection. La perfection cependant consistera dans une union de plus en plus complète, moralement complète ici-bas, absolument complète dans l’autre vie, avec Dieu. Or notre fin dernière, qu’est-ce, sinon Dieu parfaitement communiqué, donné, uni ? La fin dernière est donc le but de tout travail de perfection, non pas comme but obligatoire, mais comme but à réaliser plus ou moins parfaitement. Et ne sufiit-il pas de penser sérieusement que nous pouvons « prétendre » à Dieu, pour nous dégoûter de tout le reste et pour nous animer d’une ardeur grandissante vers le sommet des communications divines, vers la perfection de l’amour de Dieu, vers la perfection de notre fin dernière ?

/)) Objet essentiel de vie morale et de vie ascétique, la fin dernière doit en être encore la principale source. On prend des résolutions pour éviter le péché, pratiquer la vertu ; et puis on oublie de se procurer la force de tenir ces résolutions. Or où est la principale source de cette force ? La force de la volonté est dans son amour, c’est-à-dire dans le bien qui l’attire et la soulève. On peut aimer la vertu, la perfection comme son bien, il est vrai ; mais au fond, cette ascétique de la perfection personnelle, puissante à ses jours, bonne dans son ordre, n’est pas l’ascétique de la sainteté. La perfection est un bien créé, en définitive, que d’autres biens créés peuvent contrebalancer. Il faut monter plus haut et travailler à l’ascétique de l’amour de Dieu, à l’ascétique de la fin dernière parfaite. Là est la force qui soulève et sanctifie. Voir W. Faber, Le créateur et la créature, 1. III, c. iv.

2. Activités inférieures.

« ) Évidemment, l’homme n’a, en droit, qu’une fin dernière, absolue et relative. II n’est pas, d’autre part, un animal ni un ange, il est

un homme. Impossible donc de concevoir une séparation qui laisserait la préoccupation de Dieu, de la fin dernière, de la religion, etc., à l’ange immortel qu’est notre âme, pendant que dans son ordre on donnerait à « notre animal » tout ce qu’il désire. Sans aller même jusqu'à ce principe de séparation absolue, il est impossible de ne pas admettre cet autre principe absolu d’union et de subordination : rien qui soit contre la fin dernière, rien qui ne soit pas pour la fin dernière, avec les nuances exposées plus haut.

Rien qui ne soit pour la fin dernière : qui ne voit l’intransigeance d’un pareil dogmatisme, et les conséquences infinies qu’elle doit entraîner ? Et cependant quel catholique, quel philosophe logique le pourrait contester ?

b) Toutefois le principe ou plutôt l’idée plus ou moins précise de séparation entre la fin dernière et quelque chose en nous qui serait pour nous définitivement, ou du moins, l’aspiration à cette séparation, n’est-elle pas le fond de toute cette mentalité libérale, source de presque toutes les erreurs de doctrine et de conduite des catholiques, depuis la Révolution et ses formules « émancipatrices » ? Tout est subordonné à la fin dernière ; donc tout, en tant qu’il doit aller à la fin dernière, est subordonné essentiellement à la morale, à la religion, à l'Éghse.Voir Libéralisme.

c) Tout est subordonné à la morale, à la religion, à la fin dernière ? Qu’est-ce donc que ces théories de l’art pour l’art, de la science pour la science, de la vertu même pour la vertu dont beaucoup ont tant de peine à se débarrasser ? Incohérence et contradiction toujours, car c’est, avec la foi en une fin dernière, vouloir associer l’idée d’une partie de nous-mêmes émancipée, autonome, fin en soi : faculté esthétique, perfection intellectuelle et même perfection morale partielle. Le kantisme, le rationalisme ont donné aux contemporains cette hantise de l’homme fin en soi, ayant quelque part des droits absolus, pleine liberté, enfin autonomie. Par leur objet formel, l’art et la science ou même telle vertu de bienfaisance, de chasteté, etc., n’ont pas à s’occuper de la fin dernière, c’est vrai, et à ce point de vue on peut donner un sens acceptable aux formules : l’art pour l’art, la science pour la science, surtout lorsqu’eUes sont opposées à un grossier utilitarisme. Voir, par exemple, H. Poincaré, La valeur de la science, part. III, c. xi. Mais l’exercice privé ou social qu’en fait l’homme, comme l’homme lui-même, est subordonné essentiellement à la fin dernière. Concrètement, l’homme ne peut donc faire de l’art exclusivement pour faire de l’art ; ni des recherches scientifiques, historiques, etc., exclusivement pour savoir ; a fortiori, il ne peut publier tout cela exclusivement pour manifester telle beauté ou telle vérité ; enfin il ne peut pas plus vouloir être chaste exclusivement pour être chaste, comme les bonzes bouddhistes ; tout cela est pour la fin dernière, pour Dieu exphcitement ou implicitement. Voir Ami du clergé, 1912, p. 449 sq.., 529 sq., f125 sq. ; D-- Oscar Renz, Die Synderesis nach dem heiligen Thomas von Aquin, Munster, 1911, p. 108, 123 ; A. D.Sertillanges, L’art et la morale, Paris, 1900 ; F. Brunetière, Discours de combat, Paris, 1900, i"et ii<' conférences ; F. Klein. Autour du dilettantisme, 3e édit., Paris, 1895 ; J. H. Newman, The idea of a iinivcrsity, 6e édit., Londres, 1886, c. V, p. 99-124.

Théologie pastorale et apologétique appliquée.


1. La pastorale est la science ou l’art de conduire les hommes à leur fin dernière. Chaque art, plus ou moins scientifique, a quelque fin particulière. A diriger les hommes à leur fin dernière, il y a la morale et l’ascétique au point de vue individuel et la pastorale au point de vue social. Celle-ci a donc comme centre doc-