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FIN DERNIÈRE


matière. Tout aiitro, en effet, est la façon de regarder la même fin pour Dieu et pour la eréalurc.

La fin dernière absolue et Dieu.

1. Pour Dieu,

il n’y aucune fin au sens strict, c’est-à-dire aucune cause finale. En elTet, rien en dehors de Dieu ne peut le mouvoir, l’influencer, l’attirer ; et en Dieu lui-même tout est identité et infinie simplicité. Donc, pour Dieu, pas de cause finale.

a) Par conséquent, pour lui, pas de finis opcrationis strictement, car toute l’action divine est formellement immanente et ne produit d’abord rien en Dieu luimême (pas même dans la vie de l’auguste Trinité, voir Processions divines) ; puis lorsque, par une surabondance incompréhensible, cette action infinie, formellement immanente, ou dirigée de soi au seul Bien infini, se termine intentionnellement à un bien limité pour l’aimer, le vouloir, le créer ad extra, ce ne peut être qu’une direction virtuellement transitive. Formellement, l’action divine n’est jamais de soi dirigée ad extra pour être la perfection de son patient ; jamais, de soi, elle ne tend, comme à son terme propre et spécificateur ou à sa fin, à l’effet qu’elle produit ; Dieu n’a pas de relation réelle à la créature ; de soi, son action ne regarde que l’infini et en lui le fini. Donc en Dieu, il n’y a pas d’opération formellement transitive, pas de finis opcrationis au sens strict. S. Thomas, Si/m. theol., 1% q. xlv, a. 3 ; Contra gentes, 1. III, c. xxiii, xxxi ; pourtant voir une autre explication, Création, t. iii, col. 2134-2135.

Cependant l’action divine, comme toute autre, doit précontenir déterminément son efl’et, tout l’ordre actuel ; celui-ci est donc le terme prédétermmé que regarde de quelque façon l’action divine, terme auciuel elle tend, en un certain sens, qui en ce sens est sa fin. Mais ce sens est réellement impropre et ne sert qu'à exprimer imparfaitement le mystère de cette action formellement toute divine, de principe et d’objet, et cependant apte à se rapporter aussi, par une relation de raison, par surabondance d’infinie vertu, à des objets limités contenus dans l’illimité que Dieu aime.

b) En Dieu, strictement, il y a encore moins de finis operantis. Ni au dehors, ni au dedans, il n’est pas de bien qui puisse réellement attirer la volonté divine, réellement la pousser à agir : ni finis qui ou bien attirant, ni finis quo ou possession du bien qui attire, ni finis cui ou personne pour l’amour de qui on est mû à vouloir tel bien. Au dedans de Dieu, en efîet, tout est simplicité. Au dehors de Dieu, rien ne lui est bon comme un bien qu’il n’aurait pas et qu’il chercherait ; rien ne peut ajouter à sa perfection infinie ; non ad aiigendam siiam beatitudinem, nec ad ucquircndam… perfcctioncni suam… condidit creaturam, comme dit le concile du Vatican. Que Dieu se décide à créer ou à ne pas créer, rien absolument n’est changé pour lui, l'éternel immuable. Il faut donc écarter absolument de Dieu dans la création toute recherche personnelle quelconque ; non. Dieu ne recherche pas plus ce bien créé qu’on appelle sa gloire extrinsèque, que tout autre bien créé, non ad acquircndam perjectionem. De sa création. Dieu n’est certainement pas finis cui, si on définit celle-ci la personne pour l’amour et l’utilité de cjui on fait cjuelque chose ; et il faudra bien y prendre garde en expliquant la formule : Dieu a tout fait pour sa gloire. Cette gloire n’est donc pas pour Dieu finis operantis qui ou quo, bien à acquérir, Dieu ne pouvant se prendre lui-même comme finis cui ulilitatis. Voir S. Thomas, Suni. tlicol., 1% q. xix, a. 5. Sur ces points, la terminologie, au moins, de plusieurs auteurs est défectueuse.

Néanmoins, il faut se rappeler que, dans toute volition, il y a un bien aimé pour lui-même, raison de l’amour de tous les autres biens secondaires et par conséquent raison des actions quelconques qui ont

ceux-ci pour objets. C’est de l’essence des choses et cela doit se vérifier en Dieu. Et c’est encore de l’essence de l’amour cju’il y ait une personne, un autre être ou soi-même, pour qui en dernière analyse on veut les divers biens qu’on aime. Oui, tout cela est en Dieu, mais connue cause ou raison formelle, nullement comme cause finale. Tout ce qui chez nous est distinct, bien aimé, personne aimée, personne aimante et coiiséquemment ce qui est mutuellement cause et efiVt, fin et attraction, acte et puissance et actuaticii, tout cela en Dieu devient simple identité formelle d’acte infini. Le bien unique qu’il aime comme son bien propre et pour lequel il aime tout autre bien, c’est lui-même pour lui-même. Ce bien, il le possède et n’a pas à le chercher. Il ne peut rien lui ajouter. Les biens créés ne lui sont donc aimables cjue pour ce bien infini, non pas pour ce bien à la façon de moyens nécessaires à l’acquérir, mais à la façon de simples reproductions et communications. Dieu n’aime pas la créa- ' turc parce qu’elle est bonne, car, avant la volition aimante et productrice de Dieu, la créature n’est rien ; mais il l’aime simplement pour qu’elle soit et elle est bonne parce que Dieu l’aime et dans la mesure où il l’aime. Comment Dieu la veut-il et l’aime-t-il ? Parce cju’elle est chose, partie, participation de son bien infini et pour cela quekjue chose d’aimable, objet capable d'être aimé : il est possible, convenable, digne que Dieu s’aime dans ses images. De fait, Dieu s’aime ainsi, si librement cela lui plaît ; et il n’y a pas d’autre raison à cette libre détermination. Voir Élection, t. iv, col. 2240. Pour qui aime-t-il alors cette créature ? Pour lui-même évidemment, non pour son utilité, mais pour son amour. Et ainsi la volition divine est totalement expliquée, c’est-à-dire analysée ; elle n’a pas d’autre cause, fin ou raison. Voir S. Thomas, Cont. genles, 1. I, c. lxxxvi, lxxxvii.

2. Il reste à considérer la finis operis.

a) L'œuvre divine sera parfaite, ordonnée, et conséquemment avec une fin dernière proportionnée essentiellement à la nature même de cette œuvre. Dieu réalisant cette œuvre devra donc la diriger à cette fin, finis operis. Diriger une œuvre à sa fin essentielle, c’est simplement la produire totalement et parfaitement ; mais ce n’est pas, par le fait même, tendre soi-même à cette fin. Ceci n’est vrai que dans le cas où l’on agit ad acquircndam perjectionem. Mais si l’on produit uniciuement ad communicandam pcr/cclioncm, diriger son œuvre à sa fin propre, c’est hii comnmniquer successivement toute la perfection qu’on a résolu de lui donner et rien autre ; ce n’est pas chercher pour soi cette fin de son œuvre : cela semble très clair ; la finis operis dans ce cas-là n’est donc pas et ne peut pas être finis operantis. Et c’est évidemment le cas de l'œuvre divine.

Dieu pourra donc et il devra diriger toute la création à le connaître et à l’aimer ou à le faire connaître et aimer : finis operis ; lui-même ne le cherche pas, comme une fin personnelle, finis operantis, qu’il poursuivrait : non ad acquirendam, sed ad communicandam perjectionem condidit. Et c’est le sens de cette lumineuse formule de saint Thomas, Sum. tlieol., I", q. XIX, a. 5 : Deus non propter hoc vult hoc. Dieu ne veut pas une chose, la création même tout entière, à cause d’autre chose, par exemple, à cause de la gloire que cette création doit lui procurer, car la volonté divine, cet article de la Somme le démontre, n’a pas de cause ; sed vult hoc esse propter lioc, il dirige cependant, en ordre, chaque chose à sa fin, à la participation intégrale, décrétée pour elle, du Bien infini que seul finalement Dieu aime. L’ne difiiculté peut être opposée à ces explications : ne cherche-t-on pas couramment les raisons des œuvres divines, par exemple, de l’incarnation, de l’immaculée conception, etc., et si la volonté divine n’a pas de cause, ne peut-elle donc pas