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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS)


du concile de Latran n’est qu’une opinion ; qu’on la suive, si on veut, mais qu’on ne prétende pas l’imposer à l’égal d’un article de foi. On voit où ce nominalisme sceptique, disons plutôt cet antithomisme, conduit le réformateur allemand. La philosophie et la dialectique en particulier sont inutiles au dogme ; la grammaire, par contre, et la connaissance de la nature constituent des auxiliaires précieux pour l’étude de la théologie. L’étude d’Aristote est inutile. Op. cit., t. VI, p. 29. Tendance à la méthode philologique, dédain du raisonnement abstrait, amour des explications mécanicistes, chères au nominalisme matérialiste, toute l’inspiration scientifique et littéraire des hommes de la Réforme transparaît dans les conclusiones quindccim Iraclanles an libri pliilosophorum sint utiles aut inutiles ad theologiam. A Sj’lvestre de Prierio, un des plus vaillants adversaires du réformateur, celui-ci reproche de ne connaître que la théologie scolastique, d’être peu versé dans les Écritures, alors que la matière des indulgences, sur laquelle il est appelé A juger son adversaire, exigerait des juges in sacris lilteris et ecclesiasticis Patribus instructissimos. Appellatio a Cajelano ad papam, Werke, t. ii, p. 30-3L Prierio riposte que Luther cite les Écritures copiosissime quidem, sed tanien more declamatorio, sans àpropos et d’une manière incohérente. Les citations de Luther se tiennent sicut catus et siniia in culeo. Quoi d’étonnant 1 L’Écriture est obscure, pleine d’analogies, nécessitant ces distinctions thomistes, qu’il traite si dédaigneusement : Sed neque illud miraculo adscripserim, quippe qui me et tliomasiros (ut [tuo utar irrisorio vocabulo) et Thomam ipsum irrideas et crimineris, quod distinctionibus assueti lus crebro ulimur. Lac. cit., p. 52. Il est naturel que Luther dédaigne Thomas, cette lumière du monde ; ne méprise-t-il pas aussi Aristote, quem iota natura (ut ita dixerim) miratur, ei dont Luther parle en ternies qui devraient le faire rougir de son langage. Aussi, quand, en 1520, l’université de Louvain condamne l’édition des œuvres latines de Luther, éditée par Jean Froben, l’année précédente, elle a raison de qualifier l’ouvrage : insignem dctractioncm philosopinæ et omnium dociorum qui fuerunt ab annis qiiadrinqentis. L’hérésiarque répondit par de nouvelles bordées d’injures contre Aristote et sa philosophie. Responsio ad condemn. doclrin. per Lovan. et Colon, factam, Werke, t. vi, p. 186-187. Toutefois, il sait recourir au besoin aux doctrines de ceux qu’il appelle les sophistes. Dans le colloque de Marbourg avec Zwingle et Œcolompade, sa thèse de l’impanatioii le conduit à soutenir la thèse de Duns Scot et des scotistes, expressément rejetée par saint Thomas : un corps peut être présent en plusieurs lieux à la fois : Deo non sohim possibile sed et levé esset unum corpus in multis locis, ruisumquc nuilta corpora in une loco, conscrvare… sophistas etiam hoc concessisse. Werke, t. xxx, p. 138. Darwell Stone se trompe quand il voit une thèse thomiste dans l’impossibilité de la compénél ration réelle, A hislory of tlie doctrine o[ the Iiohj eucharisi, Londres, 1909, t. ii, p. Il ; Luther admet la possibilité avec saint Thomas. In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, q. ii, a. 2, sol. 3’, ad 2° « ’; Quodlib., I, a. 22, adl » ">. Il ne faut pas exagérer les sympathies scotistes du chef de la Réforme. La haine de l’École le conduit à rejeter la transsubstantiation et la thèse des accidentia sine subjecto et à les remplacer par la thèse de l’inipanation : le sacrement de l’autel est verum corpus et vcrus sanguis Domini nostri Jesu Christi sub pane et vino, ab ipso Cliristo ideo inslilulum ut christiani id manducarent et bibercnl. Petit cntéclnsme, trad. latine, Werke, t. ceci, p. 314. Et Luther renvoie à Matthieu, Marc, Luc et Paul. Toujours le même procédé : le recours aux textes de l’Écriture ; l’autorité doctrinale de

l’Église et des définitions conciliaires ne comptent pas.

De transsubstantiatione, déclare le 6^ article de Smalkalde, subtilitatem sophislicam ni lui curamus, qua fîngunt panem et vinum relinquere et amittere naturalem suam subsiantiam et tantum speciem et colorem panis et non verum panem remanere. La raison de cette négation est fournie aussitôt : Opiime enim cum sacra Scriptura congruit, quod panis adsit et maneat sicut Paulus ipse nominal : Panis quem frangimus. Et : ita edat de pane. Confessio Augustana, Leipzig, 1756, p. 330. Ces articles ont été élaborés en 1537, par Luther, Mélanchthon et d’autres théologiens protestants en vue d’un prochain concile à tenir avec les catholiques. Leur teneur indiquait quid recipere vel concedcre possumus, quid non. Ibid., p. 298. Dans VEpitome des articles controversés parmi les théologiens de la Confession d’Augsbourg, la croyance catholique est rejetée en ces termes : Rejicimus atque damnamus… papisticam transsubstemtiationem : cum videlicet in papatu docetur panem et vinum in sacra cœna subsiantiam atque naturcdem suam essentiam amittere et ita anniliilari : atque elementa illa ita in Christi corpus transmulari, ut præter externas species nihil de ils reliquum maneat. Ibid., p. 602. De son côté, le point de vue catholique s’exprime admirablement dans les réserves faites au sujet de l’article 10’^ de la Confession d’Augsbourg, par la Confulatio arliculorum ponlificia, qui fut lue à la réunion même, en présence de l’empereur Charles-Quint : Adjicitur unum lamquam ad Imjus Confessionis arliculum valde necessariunj, ut credanl Ecclesiæ potius, quam nonnullis aliter maie docenlibus, omnipotenti verbo Dei, in consecratione eucharistiæ subsiantiam panis in corpus Christi mutari, ita enim in concilio générait deflnitum est, c. Firmiler, de sancta Trinitate et fide catholica. Ibid. Appendice, p. 10.

Les conciles de Cologne et de Trente.

L’année

précédente, le concile de Cologne, rassemblé sous la présidence de l’archevêque Herman de Wied, qui devait, plus tard, passer à la Réforme, avait aiïirmé à nouveau les doctrines traditionnelles de l’Église romaine : celui qui reçoit le Christ sous une seule espèce reçoit autant que le prêtre qui le reçoit sous les deux ; l’Église, à laquelle on doit soumission, a sagement exclu les laïques de la participation du calice ; le Christ est tout entier sous chacune des deux espèces : Quid enim panis vinique species aliud sunt post consecralionem quam species sacramentales et accidentia sine subjecto. Canones concil. prov. colon, celebr. an. 1536, Cologne, 1538, fol. 27. On voit combien étroitement le concile de Cologne se rattachait à celui de Constance. Dans i’Enchiridion christianx doclrinæ, dont l’archevêque annonçait au concile la publication prochaine, la même doctrine est affirmée à plusieurs reprises. Loc. cit., fol. xciii sq. C’est un admirable résumé de la doctrine catholique sur l’eucharistie, tout à l’honneur du théologien qui en est l’auteur.

Les théologiens du concile de Trente, dans leurs travaux préparatoires aux canons et aux décrets de la session XIH", alfirmèrent] à plusieurs reprises la règle de foi catholique. Laynez émit l’avis : Ille sensus qui lenetur a Patribus omnibus pro catholico est recipiendus, quia credi débet Spirilum Sanclum eum .suggessisse ; et secundum eum sensum omnes hsereses haclenus damnatæ sunl. Jac. Laynez, Disput. trident., édit. Grisar, Inspruck, 1886, t. ii, p. 194 ; Prat, Histoire du concile de Trente, Bruxelles, 1864, t. i, p. 293. D’autres théologiens, tels que Martin Olave, Antoine Arias, Jean Aize, Sigismond Phedrius et Diruta, affirmèrent également ce principe, qui était le véritable objet du^désaccord avec les réformateurs.