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FILS DE DIEU


2. C’est là une génération. En effet, on définit celle-ci : origo viveniis a vivenle principio conjuncio. in simililudinem naturæ, l’origine pour un vivant d’un autre vivant, son principe consubstantiel en quelque manière (conjoint en substance individuelle, totalement ou partiellement identique), et de façon qu’il y ait similitude de nature entre les deux, en vertu même du mode d’origine. Cette notion n’est pas une su !)tilité d'école, qu’on introduirait ensuite indûment dans les formules révélées ; c’est la simple formule des notions du bon sens vulgaire universel ; pour tout le mondi'. il n’y a jamais eu de vraie génération, de vrai enfant sans tous les caractères énumérés. Le plus important de ceux-ci est le dernier ; il faut que l’opération tiui fait le second vivant soit de sa nature tout entière ordonnée à communiquer la nature même de celui qui engendre ; la définition pour cela dit ;  ;  ! similitiidinem naturæ et non pas ; /i simililudinc naliiræ. Ainsi, si Dieu pouvait jamais donner à un homme le pouvoir d’en produire un autre en parlant, en façonnant quelque matière, etc., il n’y aurait pas là génération, comme il n’y en eut pas dans la production d’Adam ou d’Eve.

Or, la procession du Verbe en Dieu vérifie-1-elle cette notion de la génération ? Oui. Il y a d’abord origine : le Verbe procède du Père qui l’exprime ; origine d’un vivant : le Verbe n’est pas une opération vitale, mais le parfait, terme de la pensée exprimée du Père, Dieu intelligé procédant, terme substantiellement subsistant et vivant de la nature divine, puisque évidemment en Dieu tout est Dieu et Vie infinie ; origine d’un vivant consubslanlicl en quelque manière avec son principe : le Verbe a du Père non seulement son origine d’une façon quelconque, mais sa réalité physique ou sa substance individuelle ellemême, bien plus, toute sa substance, puisque celle-ci c’est la nature divine identique du Père avec la formalité spéciale de reçue et de connuuniquée, communiquée comme à un Verbe divin exprimé et donc engendré ; en elïet, il y a finalement origine d’un vivant consubstantiel avec son principe et de même nature que lui et cela en vertu expressément de son mode d’origine : le Verbe procède ratione operationis intellectualis, c’est là l’intime de son esse’nce ; mais à quoi tend l’opération intellectuelle, que produit-elle dans son terme, ou, pour parler une langue applicable à Dieu, qu’exigc-t-clle dans le terme qu’elle pose et contemple (dicit et inttlligit)1 Essentiellement, elle produit ou exige une image, une représentation, une copie, parfaite autant que possible, de la chose à connaître ; coiiie de celui qui connaît lorsqu’il se connaît lui-même ; le Verbe procède donc bien in simililudinem naturæ vi sux originis. En résumé, en Dieu, il y a une véritable génération du Verbe Fils de Dieu, parce que celui-ci, relatif parfait distinct connue pensée exprimée, vient de la substance même du Père qui l’exprime, ayant la même nature que lui précisément parce qu’il est pensée ou image de lui en acte de se connaître.

Et nous comprenons ainsi que le Verbe soit Fils monogène ou unique et que la procession du Saint-Esprit ne soit pas une génération ; car il y a bien en elle origo viveniis a vivenle principio conjuncto in simililudinc naturæ, mais non in simililudinem naturie : l’opération de la volonté, l’amour, ne prétend pas du tout, en elïet, à reproduire en soi une copie de l’objet aimé, mais à attirer celui-ci, ou à incliner vers lui et alors à produire dans la volonté une force, une impulsion amoureuse, virtus amali in amante. Si le Saint-Esprit a, de fait, la même nature que le Père et le Fils, c’est qu’en Dieu tout est Dieu, même cette vertu amoureuse procédant en quelque manière de l’Amant ; cette Vertu en tant que divine est Dieu, ncn en tant

que Vertu amoureuse, non vi originis. Cf. Th. Pègues, op. cit., p..57-68.

3. On objecte à ce sujet : a) On doit dire de même que le Verbe est Dieu non vi originis, mais parce qu’il est divin ; l’agir intellectuel, en effet, exige pour terme une représentation de l’objet connu, mais intentionnelle et non pas naturelle ; la procession intellectuelle donne donc de soi esse inlentionale. non esse naturæ, et ainsi ne peut être raison formelle d’une origine in simililudinem naturæ. Cette difficulté provient d’une conception incomplète de la procession intellectuelle ; nous exprimons un verbe, en effet, ut cognitum sit in cognoscenle, iixudls que l’amour incline vers l’aimé pour s’unir à lui ; mettre le connu en soi, c’est en faire une partie de son être scientifique intentionnel, si on peut s’exprimer ainsi, mais aussi et essentiellement de son être physique conrplet, parfait, carl'êtrescientifiqueest d’abord être humain. En effet, voici comment cela se fait ; en connaissant une pierre, un ange, je ne me change pas en pierre, en ange, mais, au contraire, je fais mienne une représentation humaine de la pierre, de l’ange ; et plus cette représentation pénètre à l’intime de mon action humaine physique, plus elle est parfaite pour moi, plus je me suis assimilé son objet. L’opération intellectuelle tend donc de toute sa force non pas seulement à produire une image représentative quelconque, disons : en l’air, mais une assimilation physique vitale, base de cette représentation intentionnelle. Plus celle-là est intime, avons-nous dit, plus celle-ci est parfaite pour le connaissant. Et c’est un argument pour prouver la consubstanlialité du Verbe divin vi originis et ainsi sa génération. Précisément parce que le Verbe procède ratione operaiionis intellectualis, comme objet connu, il doit être identique à tout l'être physique de Dieu connaissant, autrement l’intellection divine serait imparfaite comme intelleclion. Mais cela n’est pas : l’esse Verbi, outre son dici relatif, c’est son intelligi et Vintelligi en Dieu ou sa science, c’est son esse subsistens. Voir S.TI ornas, Cont. génies, 1. IV, c. xi, § 3, 4.

b) Autre difiiculté : la révélation parle de Fils engendré ; la génération sur la terre, nous savons ce qu’elle est ; d’autre part, personne ne s’est jamais avisé de trouver une génération dans notre acte d’intelligence. Il ne reste donc qu'à prendre les mots révélés dans un sens métaphorique, une génération comme les hommes la connaissent ne pouvant se trouver en Dieu et n’aj’ant aucune raison qui nous force à trouver à tout prix une génération incompréhensible dans l’action intellectuelle de Dieu.

Répondons que ce processus est antilhéologique et, dans le cas, hérétique. Il y a un vrai Fils, une vraie génération en Dieu : c’est révélé, c’est un dogme. Évidenunent, la génération divine ne peut se faire par division matérielle comme la génération corporelle. On pourrait cependant noter combien celle-ci s'élève merveilleusement par degrés admirables, de l’infime scissiparité jusqu'à la génération humaine, vers une intimité toujours plus grande et même une certaine immatérialité. Mais il faut chercher plus haut. Or, au-dessus de la génération matérielle, acte essentiellement végétatif, il y a reproduction de semblable dans la connaissance sensitive, la faculté fécondée par l’objet, produisant l’image de celui-ci, mais dans une autre faculté, par exemple, dans l’imagination pour le sens externe. Plus haut encore, l’intelligence, fécondée de nouveau par l’objet, en forme l’image en ellemême et comme dans son propre sein ; lorsque cet objet est la propre substance du connaissant, surtout directement intelligible comme chez les anges, celui-ci se reproduit alors en lui-même et engendre en lui un verbe vivant tout entier son image. Or il y aurait là une vraie génération, comme elle doit formellement se