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FILS DE DIEU


été mise en pleine lumière contre le sabellianisme - — vont s’élever ces discussions ardentes et se poursuivre ces études persévérantes sur sa nature divine de Fils de Dieu. Toutefois, c’est encore en Occident que nous devrons revenir pour avoir sur cette question le dernier mot de la foi et de la raison.

3° L’école d’Alexandrie et la théologie grecque jusqu’à Arius. — A Alexandrie, comme à Lyon, à Rome et à Carthage, il faut lutter contre le gnosticisme (essentiellement unitarien), puis contre le sabellianisme, au sujet de la nature de Dieu, du Fils de Dieu et de leurs rapports avec le monde. Mais bien plus que chez saint Irénée et saint Hippolj’te, plus même que chez Tertullien et Novatien, on trouve joint à la controverse l’essai d’une synthèse théologique positive sur ces questions débattues, d’une synthèse fondée sur la foi et la philosophie. On connaît la philosophie qui régnait alors à Alexandrie, voir Alexandrie (École d’}, t. i, col. 807-812, ainsi que la foi et les essais théologiques de Clément sur Dieu et son Logos. Ibid., col. 812-813, 821-823 ; Clément d’Alexandrie, t. iii, , col. 158161. Il suffira, pour montrer l’enchaînement des doctrines, de résumer son enseignement avant d’exposer Celui d’Origène et de ses disciples immédiats.

1. Clément d’Alexandrie.

a) Divinité et consubstaiiiialité du Verbe. — Il n’y a pas de doute que Clément ait cru à la vraie Trinité chrétienne : distinctions hypostatiques et unité de nature divine. Pœd., 1. I, c. ii,

VI, P. G., t. VIII, col. 280, 300 ; L III, c. xii, col. 680681 ; Strom., V, c. xiv, t. ix, col. 156 ; VI, c. viii, col. 280 ; Quis dives, 34, t. ix, col. 640. Cela est spécialement évident pour le second terme de cette Trinité, appelé parfois Fils de Dieu, mais le plus souvent et continuellement Logos : la raison en est facile à saisir. Le Logos donc, le Fils est Dieu, strictement Dieu, dans la complète consubstantialîté de l’unique divinité. Dans Protrept., 1. I, P. G., t. viii, col. 61, Clément fait une splendide présentation du vrai maître de l’humanité, le Logos Dieu incarné. Dieu et homme, l’être dans l’être, etc. ; c. x, col. 228, il l’appelle vraiment Dieu, o’vT(.) ; Oco ;, et égal au Père ; mêmes affirmations, Pœd., l. I, c. ii, col. 252 ; c. iii, col. 257 ; c. vii, col. 312, 317, 230 ; c. viii, col. 325 ; un même Dieu, une unique cliose, avec le Père dans lequel il est et qui est en lui, év yip aycpw, ô &i^ :, 1. III, CI, Col.557 ; C. XII, col. 680681, l’hymne magnifique au Pédagogue Dieu, Strom., V, c. VI, t. IX, col. 65 ; VII, c. xii, col. 500-501, etc. ; plus de cent fois Clément appelle le Logos ou le Christ Dieu et non pas Œo ; mais i 0 ; o ;. La consubstantialîté ne peut guère être affirmée plus fortement, au point que l’on a pensé au sabellianisme (mais il faut sûrement rejeter cette pensée) devant certains textes, comme Pœd., 1. I, c. viii, col. 325, 333, 336 : Dieu bon, c’est le Père, Dieu juste, c’est le Fils, et juste et bon, c’est le même Dieu = Dieu Père, avec en lui son Fils, et 1. III, c. xii, qui chante son hymne au Pédagogue « Fils et Père tout ensemble, Seigneur unique…, Dieu unique. Père et Fils, Fils et Père…, Dieu absolument un. »

b) Génération éternelle. — Ces derniers textes ne sont pas sabcUiens, car consubstantiel au Père, le Logos en est engendré, distinct de lui et engendré de toute éternité. Strom., V, c. i, P. G., t. ix, col. 9 ;

VII, c. II, col. 409-412 ; Adumbral., col. 734. Jamais à Alexandrie on n’a parlé de génération temporelle du Verbe. C’est sans doute parce que, dès le principe, on y a repoussé toute assimilation du Logos divin avec le logos Tipo^iofty-ôç humain ; une telle assimilation, proclame le même c. i du V^ Strom., col. 16, ne peut s’accorder avec la nature de sagesse, de bonté, de pouvoir tout-puissant et strictement divin du Logos ; le Logos, c’est l’idée, la sagesse, l’intelligence du Père : Clément insiste fréquemment sur ce sujet, c’est-à dire qu’il voit le Logos non hors de Dieu, mais en Dieu comme faisant partie immanente de l’être infini qui est Dieu. On peut interpréter, faisant partie par identité absolue et distingué par la seule relation de génération, ou bien voir là une expression de cette « conception grecque » de la Trinité, mise en lumière par le P. de Régnon, Études de théologie positiue, 4 in-8°, Paris, 1892-1898, étude VI, t. i ; étude XX, t. iii, déjà discutée par saint Augustin, De Trinitate, 1. VI, n. 1, 2, P. L., t. xlii, col. 923 sq., et qui fait de la personne du Fils la perfection absolue elle-même du Père, lequel n’est sage que par la sagesse qu’il engendre. Nous retrouverons de fait cette conception tout le long de la patristique grecque. Voir J. Souben, Nouvelle théologie dogmatique, II, Les personnes divines, Paris, 1903, p. 99 sq. ; Chr. Pesch, Theologische Zeitfragen, 11’= série : Deux conceptions différentes de la théologie trinitaire.

Clément dit encore, il est vrai, que lô Verbe s’avance pour son œuvre de création, TtpùE/.fJwv, Strom., V, c. iii, col. 33 ; mais ce n’est qu’une métaphore passagère, car le Logos en réalité n’a pas à quitter sa sublimité d’élévation, ni à sortir de son ubiquité, VII, c. ii. col. 408.

Il faut avouer que tout ceci est à un point de vue bien au-dessus de ce que peu auparavant avait publié saint Irénée et de ce que bientôt allait écrire Tertullien, a fortiori au-dessus des docteurs antérieurs. Et pourtant dans la théologie occidentale, obscurcis par quekpies superfétations malheureuses, nous trouvons, semble-t-il, plus de principes vrais qu’à Alexandrie, les principes de la théologie trinitaire scolastique, l’unique vraie à nos yeux.

c) Subordincdianisme. — On a voulu d’ailleurs trouver à Alexandrie aussi une des principales tares de la spéculation jusqu’ici étudiée. Photius, Bibl., cod. 109, P. G., t. ciii, col. 383, accuse Clément d’avoir admis surtout dans les Hijpotijposes, aujourd’hui perdues, un double Logos, celui du Père, et un Logos inférieur, vertu divine qui illumine les hommes, qui s’est incarnée et qui est le Fils ; maïs Photius a dû cc^iprendre trop littéralement des passages où Clément parlait du Logos avec les sens divers de logos subsistant et participé sans toujours les distinguer ; ce qu’il fait d’ailleurs en d’autres textes. Voir Clément d’Alexandrie, col. 160-161. Photius accuse encore Clément d’avoir fait du Logos une créature ; Rufin avait vu la même affirmation dans plusieurs textes qu’il déclare interpolés. Epiiog. in Apolog. S. Pamphili, dans Origène, édit. Lommatzsch, xxv, 383 ; cf. S. Jérôme, Apol. adv. libr. Ru fini, ii, 17, P. L., t. xxiii, col. 439. Sans recourir à l’interpolation, Bull, Bossuet, Freppel ont tâché d’interpréter dans un sens orthodoxe tous les textes difficiles ; J. Schwane trouve que la chose est impossible, loc. cit., p. 146 ; cependant J. Tixeront, loc. cit., et A. de la Barre, ai’t. Clément d’Alexandrie, col. 159, passant pardessus des imprécisions et des impuissances de simple langage, croient la mentalité antisubordinatienne de Clément suffisamment démontrée. C’est la position que nous adoptons. Les principaux textes inquiétants sont d’abord Strom., VII, c. i, P. G., t. ix, col. 404 ; c. II, col. 408-416 ; V, c. xiv, col. 132 ; VI, c. vii, col. 278 ; Adumbral. in II Joa., 1, col. 735-736, qui appelle le Verbe et l’Esprit : primitive virtutes ac primo creatæ. Cependant les premiers peuvent se comprendre au point de vue de cette synthèse sut generis que poursuit Clément dans son milieu philosophique : après Dieu l’inefïable (le Père) connu des néo-platoniciens, notre foi admet un second, un être ( ?j(71ç = réalité) qui est le Fils, touchant intimement le premier principe, sans dire ici comment ces croyances se concilient, ce qu’il fait ailleurs. Enfin les dert