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FILS DE DIEU


peut être plutôt dans les mots que dans la pensée ; les deux termes^sont, en effet, toujours distingués et il semble bien que c’est le même Verbe personnel, subsistant, conseiller…, puis engendré au dehors et ainsi changeant d'état, mais ne commençant vraiment pas d’exister (comme réalité distincte). Voir plus haut les textes sur le Verbe éternel. D’ailleurs, il faut observer que les apologistes, îpar tendance philosophique et nécessité apologétique, ont surtout étudié le Verbe dans ses relations avec le problème cosmologique ; ils ont donc fait moins attention à la vie éternelle intime de la Trinité qu’ils croyaient et il ne faut pas trop presser des expressions non évidemment erronées.

b. Subordination. — Il y a un subordinatianisme qu’il faut admettre : le Père est le principe premier et unique de la divinité ; le Fils procède, reçoit, dépend de dépendance purement originelle. Comment énoncer cette doctrine en langage humain en distinguant toujours la pure origine, de la causalité? Ici encore, il ne faudra pas trop presser des expressions qu’on retrouve même chez les docteurs les plus éclairés, si leur doctrine est par ailleurs connue. Ainsi les apologistes auraient pu parler du Fils intermédiaire entre le Père créateur et le monde, son aide, son ministre obéissant et fidèle (nous ne parlons pas maintenant du Fils incarné), le second après le Père, etc., tous ces termes pourraient ne signifier qu’unité de nature et d’agir et origine substantielle. Malheureusement, chez les apologistes, ces expressions sont très fréquentes et, pour quelques-uns, sans suffisante correction au moins assez dire-te. Nous croyons qu’on peut mettre ici à part Athénagore qui, plus que tous, a les yeux fixés sur la Trinité elle-même, celle de la foi, moins bon platonicien et meilleur théologien, qui par conséquent accentue l’unité du Père et du Fils, même dans l’agir créateur. Voir plus haut les textes. Les autres semblent avoir une idée bien plus imparfaite de la consubstantialité divine. Cela ressort d’abord de leur théorie générale de l’invisibilité essentielle et exclusive du Père et de sa transcendance absolue (même locale), qui fait que le Verbe est un ministre nécessaire, un intermédiaire essentiel et d’allure inférieure au Père pour la création et la révélation : on ne peut nier qu’ici le Logos chrétien n’ait été influencé par le Logos philonien, voir col. 2383 sq. ; l’art. Dieu (Nature d’après les Pères), t. iv, col. 1031-1035, et ici de nouveau l’appropriation ne sufitt pas à expliquer les textes absolument personnels. Puis, c’est cette autre théorie générale du Verbe engendré (comme Fils) par la volonté du Père, Dial. cum Tnjph., 61, 100, 127, 128 ; Tatien, Oral., 5 ; or, cette volonté n’est pas une volonté de nature, mais une volonté personnelle et même, semble-t-il parfois, libre, car c’est d’après son bon plaisir que le Père a créé et qu’alors aussi il a proféré son Verbe au dehors comme Principe créateur, vair plus haut les textes sur la génération temporelle ; c’est d’après son bon plaisir aussi qu’il l’envoie ensuite comme révélateur. Cf. S. Théophile, Ad Aul.,

11, 22, et plus loin les textes sur le Verbe ministre. Enfin c’est leur insistance à mettre le Verbe au-dessous du Père créateur de toutes choses, S. Justin, Apol., i,

12, 32 (le Verbe, le prince le plus puissant et le plus juste après le Dieu qui l’a engendré), 13 ; Apol., ii, (5, 13, 60 ; DiaI. cum Tryph., 56 ; S. Théophile, A(/ Au/., II, 22 ; leur insistance à le montrer le ministrc-né de celui qui, personnellement, est seul créoteur et père de toutes choses, S. Justin, Apol., i, 63 ; DiaL cum Tryph., 56, 58, 60, 61, 106, 120-128 ; Tatien, OraL, 7 : le Verbe, une Puissance au sens hypostatique, voir J. Martin, Philon, p. 65, 66, et la noie de J. Lebreton sur les Puissances, op. cit., p. 437-440 : nom d’allure subordinatienne, comme ayys), oç précédemment cité, non pas que les apologistes identifient le Verbe avec

un ange ou une puissance proprement dite, mais ils ne semblent pas les séparer assez en tous ordres. Enfin, lorsque saint Justin veut indiquer, après leur distinction àp16|jiw, en quoi le Père et le Fils sont un, il dit simplement YV(ôjj.r, carie Verbe « n’a jamais rien fait ni dit que ce que l’auteur du monde, au-dessus de qui il n’y a pas d’autre Dieu, a voulu qu’il fasse ou qu’il dise. » DiaL cum Tnjpb., 56 ; or il s’agit ici du « second Dieu » , non du Verbe comme incarné, et la conception des missions divines purement originelles ne semble pas, ici encore une fois, s’adapter aux textes.

Les apologistes philosophes reçurent donc de la tradition et du magistère ecclésiastique une foi qui est bien substantiellement la foi orthodoxe de la Trinité chrétienne ; ils eurent le mérite d’essayer les premiers de comparer cette foi avec leur philosophie pour les unir dans une seule synthèse théologique. Pour les raisons indiquées et dans la mesure décrite, ils n’ont pas réussi pleinement en cette synthèse. Mais — et ceci démontre péremptoirement l’origine strictement chrétienne de leur foi, de leur conception du Logos dans son fond — malgré leur philosophie imparfaite et les attractions qu’elle exerça fatalement sur eux pour les tirer en bas, par exemple, vers le Logos alexandrin, ils restèrent attaches au Verbe à la fois vraiment Dieu, et personnalité très précise, au moins comme Fils de Dieu, de plus vraiment engendré du Père par une génération unique (intellectuelle en quelque manière, bien que volontaire aussi), enfin au Fils, seconde personne de la Trinité chrétienne.

Cette foi des docteurs en la divinité de JésusChrist Fils de Dieu se trouvait aussi et se vivait chez les plus humbles fidèles, comme cet Alexaménos raillé par la célèbre caricature du Palatin, comme ces morts obscurs dont les tombeaux attestent parfois la croyance en formules émouvantes. Voir Épigraphie, col. 328-329, 332. Quelques-uns de ces textes appartiennent au ive siècle, mais plusieurs aussi sont du III* et même du iie siècle. De semblables renseignements, et combien suggestifs aussi, pourraient être tirés des Actes des martyrs ; mais ce que nous appelons la foi substantielle orthodoxe de l'Église touchant le Fils de Dieu ne peut être l’objet d’aucun doute, au iie siècle comme au i*'. On pourra lire les témoignages des martyrs sur ce sujet rassemblés par H. Hurter, Sanctorum Patrum opuscula sclecla, Inspruck, 1870, t. xiii, p. 10-16, 18-26 ; en consultant, sur la valeur critique des documents cités, l’art. Acta (Marlyrum), t. i, col. 320-321.

Ouvrages généraux : Pctau, Tlieol. dogniala, De Triniiaie, præf., c. ii, m ; I. [, c. m ; J. Tlxeront, op. ci(., l. i, p. 232239 ; J. Rivière, Sai/ ! ( Ji ;, s/i ; i et les apolo(jisles dn n<e siècle, Paris, 1907, p. 178-194, 2 : 50-249 ; de Paye, La christoloyie des Pères apologèies, Paris, 1906 ; J. Scliwane, op. cit., t. i, p. 90-116 ; L. Duclicsne, les lémoins anlénicèeiis du dogme de la Trinilé, Amiens, 1883 ; Freppel, Les apologistes chrétiens au IIe siècle, 2 in-S » , Paris, 1859-1860, t. i, p. 310-375 ; t. ii, pcissim ; voir aussi Ilaraacl » , Dogmengeschichte, t. i, p. 455-, 507 ; Bardenhewer, op. cit., p. t30-19l> ; A. Puecli, Les apologistes grecs du iie siècle de notre ère, Paiis, 1913.

Sur saint Justin, R. P. Pcder, . Jiistins des Màrlijrers I.elue uon Jésus Clirislas deniMessias und ilein Menscligeworendenen Sohne Gottes, l’ribourg-on-Brisgau, 1906 ; les iutroductions aux Apologies par L. Pailigny, Paris, 1904, et au Dialogue, par G. Arcliaaibault, Paris, 1909, dans la collection HemmerLejay ; Leblanc, Le logos de saint Justin, dans les Annales de philosophie chrétienne, t. cxlvu (1904), p. 191-197 ; dom Pfâttisli, Dcr Einfluss Plntos au/ die Théologie Justins des .Màrlijrers, Paderborn, 1910, p 53-92, et dans Der Katliolik, 1909, t. i, p. 401-419 ; L. Paul, Ueber die Logoslehre bei .Justinus M(U-tijr, dans les Jahrl ûclier jiir protestant. Théologie, t. XVI (1890), p. 5.50 578 ; t. xvii (1891), p. 124-148 ; .. Aal, Gc.'ichichle der Logosidee in den christl. Litteratur, Leipzig. 1899 ; A. I3ery, Saint Justin, sa vie et sa doctrine, Paris, l’Jll.