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FILS DE DIEU


la filiation naturelle de la personne divine ; encore ne faudrait-il pas être trop sévère dans l’interprétation de quelques expressions. On dira qu’Hennas ne parle pas de cette fdiation naturelle divine ; mais il ne l’exclut pas davantage, si nous l’avons bien compris ; de plus, il n’en parle pas dans ce texte, peut-être, bien qu’il soit dit fds avant d'être envoyé ; mais il en parle ailleurs assez clairement (voir plus haut) et c’est bien toujours le même Fils de Dieu, « cet homme est le Fils de Dieu, » Sim., IX, XII, 8, le Fils de Dieu qui vient d'être décrit préexistant, créateur et puis manifesté à la fin des temps pour être l’unique porte du royaume de Dieu. Ibid., XII, 2, 3. Cette interprétation, au fond orthodoxe, dut être celle de l'Église orientale et occidentale qui, dès la fin du iie siècle, tint en si haute estime le Pasteur, P. G., t. ii, col. 819-834, et c’est un nouvel argument extrinsèque en sa faveur.

A. Lelong, Les Pères apostoliques, Paris, 1912, t. iv (avec bibliographie abondante), p. lxxviii-lxxxi, théologie trinitaire ignorante » d’un petit bourgeois sans instruction, » hétéiodoxe. Sont de même pour l’hétérodoxie du Pasteur, J. Tixeront, op. cit., p. 127-128 ; O. Bardenhewer, Les Pères de r Église, trad. GodetVerschaffel, Paris, 1898, p. 94 ; Harnack, Dogmengeschichlc, 4e édit., t. i, p. 211-221 ; Rauschen, ÊUmenls de patrologie, trad. Ricard, 2e édit., Paris, 1911, p. 56-57. l^our l’orthodoxie, B. Heurlier, op. cit., après Hefele, Patruin apostol. opéra, p. 386 sq. ; Dorner, EntwicUlungsgeschichle der Lchre von der Person Christi, 2e édit., 1845, t. I, p. 190-205 ; Ginouilhac, Histoire du dogme catholique, Paris, 1852, t. ii, p. 505-507 ; Seeberg, Lehrbuch der Doginengeschichte, 1895, t. i, p. 22 ; Freppel, Schwane, Th. Zahn, Der Ilirl des Hermas, 1808, p. 253-282, etc. ; Weine !, dans les Neutestamentl. Apocnjphen d’E. Ileanecke, 1904, p. 217-229, conclut à la confusion indéchiffrable de la christologie du Pasteur. Voir encore Scherer, Zur Christologie des Hermas, dans Der Kalholik, 1905, t. xxxii, p. 321-331.

5. Nous nous sommes suffisamment rendu compte de la foi de l'Église postapostolique au sujet du Fils de Dieu ; nous ne nous arrêterons donc pas sur le témoignage trinitaire très important, étudié ailleurs, du symbole des apôtres. Voir Apôtres (.Symbole des), t. i, col. 1670-1680 ; Denzingcr-Bannwart, Enchiridion, 11e édit., 1911, p. 1-10. Il ne sera pas non plus nécessaire de rechercher ici les traces de cette foi dans les apocryphes orthodoxes, Actes, Apocalypses, Évangiles, dont plusieurs remontent au i<="' et au iie siècle. Citons seulement Ascensio Isaiæ, qui fait voir au prophète la trinité, l’incarnation, le Verbe, par exemple, III, 13, voir E. Tisserant, L’Ascension d’Isaïe, Paris,

1909, p. 108 sq., et les Odes de Salomon récemment découvertes (livre chrétien des environs de l’an 100-120, cf. P. BatilToI et J. Labourt, dans la Revue biblique,

1910, p. 483 sq. ; 1911, p. 5 sq., 161 sq.), dont on consultera, pour la cliristologie et l’incarnation du Fils de Dieu, les odes vii, 5-8 ; viii, 24 ; xix, 1-4 ; xxii ; xxiii, 16, 20 ; xxviii, 14-16 ; xxix, 6 ; xli, 8-17. Pline le Jeune n’avait donc pas été trompé, lorsque, comme il le rapportait à Trajan en 112, x, 97, on lui avait dit que le résumé de la vie chrétienne consiste à chanter des hymnes Christo quasi Deo.

Pères apologistes.

Les témoignages que nous

venons d'étudier, comme ceux de l'Église primitive, descendent directement de la foi trinitaire ou des explications de saint Paul. Sauf peut-être deux ou trois textes de saint Ignace (et les Odes de Salomon), aucun ne semble influencé par la théologie johannine ; en tout cas, pour aucun la question de l’hellénisme ou du philonisme ne se pose, pas même pour l’Alexandrin qu'était le pseudo-Barnabe. Il en est tout autrement pour les Pères apologistes qui n’affirment plus seulement leur foi, mais la mettent en rapport avec leur philosophie : ce sont les premiers philosophes chrétiens. Nous aurons donc désormais à examiner si leurs écrits, bien différents des précédents, d’essence

apologétique et en partie philosophiques, apparus dans l'Église de 125 à la fin du ii » siècle, contiennent réellement la foi en la divinité du Verbe Fils de Dieu, si cette foi n’est pas telle qu’elle soit au fond antitrinitaire et qu’elle soit plus dérivée de l’alexandrinisme que du christianisme. Les remarques générales à faire sur l'état de cette question ont été esquissées à l’art. Saint-Esprit, col. 696-698. En résumé, nous allons constater que la foi en la divinité du Verbe Fils de Dieu existe indubitablement au 11e siècle, comme au I'"', dans l'Église chrétienne, sans solution de continuité parce que, de fait, la foi du ii'e siècle dérive, au moins substantiellement, de celle du I'=^ c’est-à-dire de l’enseignement ecclésiastique et ainsi finalement de la révélation et non pas de la philosophie quelle qu’elle soit : fait dont d’ailleurs les apologistes ont pleinement conscience, cf. Tixeront, op. cit., t. i, p. 227-230 ; Mgr Batiflol, introd. au livre de M. Rivière, Saint Justin et les apologistes du iie siècle, p. xix-xxix ; enfin que cette foi n’e.st pas antitrinitaire, car elle le serait, ou bien si elle niait la personnalité distincte du Fils de Dieu et elle ne l’a jamais fait, ou bien si eUe niait sa vraie et stricte divinité et elle ne l’a pas fait non plus en définitive.

Les apologies ne sont pas des sommes dogmatiques, mais des exposés très incomplets du christianisme. Elles furent écrites pour écarter des objections et présenter des raisons persuasives pour les païens du We siècle. Parmi les objections et les raisons, quelques-unes concernent la doctrine de Dieu-unité et trinité. Voir P. Batift’ol, toc. cit., p. xxii-xxiv.

1. Relevons d’abord les traces certaines de la foi traditionnelle et orthodoxe : personnalité distincte de Jésus, Fils de Dieu, Dieu, le Dieu unique du monothéisme.

a) L'Épître ad Diognetem, écrit apologiste plutôt qu’apostolique, dit, c. vii, 4, 8, 9 ; ix, 2 ; x, 2, Funk, Patres apostolici, t. i, p. 322, 326, que Dieu a envoyé non pas un ange, un prince préposé au gouvernement du monde, mais le créateur même et l’organisateur du monde entier par qui il a fait les cieux, « comme un roi envoie le roi son fils, comme un Dieu. » Dieu nous a donc donné son Fils, son propre Fils en rançon, et l'œuvre de celui-ci, dans les martyrs en particulier, « n’est pas l'œuvre d’un homme, c’est la puissance de Dieu et le signe de son apparition ; » un mot, xi, 4, 5, fait peut-être allusion à une génération temporelle du Fils de Dieu, car « Verbe toujours, il est devenu Fils aujourd’hui ; » mais cette finale est probablement de saint Hippolyte.

L’Apologie d’Aristide renferme ce texte remarquable, n. 2, édit. de Rendel Harris, Texts and studies, Cambridge, 1891, t. i, fasc. l<'^p. 36 : « Les chrétiens reconnaissent que leur religion a commencé avec Jésus-Christ, qui est appelé le Fils du Dieu tout-puissant ; et ils disent que Dieu est descendu du ciel… et que le Fils de Dieu a habité dans une fifie des hommes ; » la version arménienne, après un passage à peu près identique, poursuit : « Il est le Verbe qui, de la race juive selon la chair, est né de la Vierge Marie, mère de Dieu. » Ibid., p. 29, 32. Cf. dom Pitra, Analecta sacra, 1882, t. IV, p. 8, 284.

b) Quant aux autres apologistes, pour plus de clarté et de brièveté, le développement chronologique étant ici à peu près nul, nous présenterons leur doctrine synthétiquement comme pour les Pères apostoliques.

a. Comme signes de la foi traditionnelle, nous rappellerons d’abord les formules trinitaires déjà mentionnées, art. Esprit-Saint, col. 698-701, par exemple, S. Justin, Apol., 1, 6, 13, 61, 68, etc. ; Athénagore, Légat., x, « nous affirmons un Dieu Père, un Fils Dieu et un Saint-Esprit et nous démontrons leur puissance dans l’unité et leur distinction dans leur