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FILS DE DIEU


do la parole de Dieu, guerrier terrible, et il ne peut encore nous ouvrir ses profondeurs theologiques plus lard découvertes ; en tout cas, il n’a aucun rapport avec le philonisme.

b) Prologue et ÉpUres. — Enfin vers la fin du i"'e siècle, dernier survivant de ceux qui virent, entendirent, touchèrent le Christ Jésus, en qui, de l’Orient à l’Occident, dans le monde juif, syrien, grec et romain, on croj’ait maintenant et de qui on avait le concept exposé dans les Évanailes, les Actes, les Épîtres de saint Paul, saint Jean fut prié encore une fois d’afllrmer contre des hérésies naissantes sa vraie nature et sa vraie histoire. L’apôtre bien-aimé le fit en mettant en relief quelques-uns des traits de la vie et de la doctrine du Maître adoré où resplendissait particulièrement sa gloire incomparable de Fils de Dieu. Voir plus haut, col. 2390 sq. Bien plus, profitant de toutes les explications provoquées dans la foi par l’Esprit depuis plus de soixante ans, en face de la fausse philosophie qui tentait de pervertir cette foi, avec les mots mêmes qui étaient peut-être dans le vocabulaire de cette philosophie, mais qu’il ne tirait pas d’elle, il donna d’autorité dans un prologue et dans une lettre-préface la quintessence de l’Évangile et la vraie formule du Christ : Fils unique qui éternellement est dans le sein du Père comme son Verbe et puis qui s’incarna et fut Jésus-Christ, mort pour nous sauver. Ainsi au Logos gnostique (èon secondaire) saint Jean oppose le Verbe éternel. Fils unique de Dieu ; au Logos alexandrin (idéal abstrait), le Verbe consubstantiel à Dieu le Père dont il est réellement distinct ; au dualisme général philosopliique, spécialement docète, le Verbe omnicréateur et incarné.

a. D’abord le Père a un Fils, Fils unique éternellement engendré, Joa., i, 14 (y, ’jvoY£vriç), 18 qjiovcl-ivi,

6 ; 6 ; OU jtfj ;) ; I Joa., très souvent
i, 3, 7 ;

II, 22-24 (le Père et le Fils absolument) ; iii, 8, 23 ; IV, 9, 10, 14 (par trois fois : le Père nous a aimés jusqu’à nous envoyer son Fils unique, iJ.ovoycVT, ;, cf. Rom., VIII, 32), 15 ; v, 5, 9-13, 20 (nous serons dans le véritable, dans son Fils Jésus-Christ, qui est le Dieu véritable et la vie éternelle) ; II Joa., 3, 9 (qui abandonne la foi ne possède plus Dieu ; qui y persévère possède et le Père et le Fils). Le résumé de la foi chrétienne, c’est donc, d’après la lettre-préface (c’est aussi le résumé du prologue), de croire que le Père a un Fils éternel et qu’il l’a envoyé comme notre Sauveur et comme notre vie pour l’éternité. Sur cette dernière expression, observons que le Fils est vie surtout par rapport à nous, comme dans l’Évangile, mais de quelque façon aussi en lui-même, substantiellement. Joa., I, 4 ; 1 Joa., i, 1, 2 ; v, 11, 12, 20.

b. Nous voilà donc de nouveau en face de ce mystère de génération divine ; le Fils, en effet, son nom l’indique (nom de Fils et nom de monogène), est un engendré. Comment Dieu peut-il engendrer ? Par quelque fécondité purement intellectuelle, avons-nous déjà dit, et c’est ainsi que les anciens sages virent en Dieu, engendrée en quelque façon, sa sagesse. Mais le mot sagesse désigne de soi un attribut divin absolu et n’exprime donc qu’imparfaitement une réalité engendrée, même intellectuellement. Quel est le mol qui va désigner cette réalité du Fils engendré intellectuellement en Dieu, et par là achever de le révéler, en réunissant les deux courants de la révélation antique et" néo-testamentaire’? Saint Jean dit ce mol, entrevu à Patmos, affirnié maintenant avec une pleine conscience de sa valeur : c’est le Verbe, le Logos. I Joa., i, 1 ; Joa., i, 1, 14. « Au commencement (allusion à Gen., i, 1, comme on la trouve dans Prov., Eccli., Sap., voir plus haut) était (du commencement nous ne descendons pas vers les créatures, mais

nous remontons, c’est-à-dire nous entrons dans l’élernité) le Verbe (la Parole intérieure ou Pensée exprimée, voir plus loin), et le Verbe était auprès de Dieu (le Père, Dieu avec l’article), et le Verbe était Dieu » (sans article, donc le Dieu unique identifié à la fois en plusieurs distincts qu’on nommera personnes). Redescendanl maintenant vers la création et les hommes, il faut continuer : « Tout a été fait par lui (le Verbe) et sans lui rien n’a été fait de ce qui a été fait… Et le Verbe s’est fait chair (le même Verbe éternel, tellement sa personnalité est distincte, est devenu homme) et il a habité (comme sous la tente) parmi nous, et nous avons vu sa gloire, gloire comme celle que reçoit un fils unique de son père » qiovoyivo-jç ny.çi’a. Ttaipô ;, sans articles).

Nous n’étudierons pas ici plus longuement ces textes et cette conception du Verbe divin. Voir Logos et Verbe. Ce que nous avons dit suffit à faire connaître la phase dernière et capitale de la révélation du Fils de Dieu.

Quant à l’enchaînement des doctrines, il suffire de rapprocher les études faites plus haut sur li personnification de la parole divine, sur la Memra et sur le Logos de Philon pour voir immédiatement que le Logos de saint Jean, vrai Dieu consubstantiel au Père et en même temps personnalité nettement distincte, jusqu’à s’incarner seule, n’a pas davantage pu sortir de ces notions que la science ne sort des rêves d’un enfant. Tout au plus, avons-nous dit, le vocabulaire, soit juif (la parole, la demeure, la gloire, voir plus haut), soit surtout hellénique-alexandrin (certainement répandu à Éphèse), peut donner lieu à quelques rapprochements de similitude, sinon de dépendance ; et encore cela même n’est pas sûr. En tout cas, pas de dépendance, ni de rapprochement possible dans les doctrines. L’origine vraie de la foi de saint Jean, c’est partiellement la révélation antique, mais c’est surtout la personne et la doctrine de Jésus ; lui-même l’atTume, 1 Joa., i, 1-4 ; nous n’avons qu’à le croire et quiconque interprète sans parti pris toute l’histoire néo-testamentaire n’y éprouvera aucune difficulté.

J. Lebreton, op. cit., p. 382-397, et n^te J, p. 515-52.’{ (Philon et saint Jean) ; F. Prat, art. Logos, dans le Dictionnaire de la Bible, t. iv, col. 323-329 ; A. Brassac, Mannai biblique, Paris, 1910, t. iii, p. 2(51-273 ; M. Lepin, La ira/eur historique du qualriènte Ëuunjile, Paris, 1910, t. ir, p. 305327 ; Th. Calmes, lituiic sur le prologue du quatrième Évangile, dans la Revue biblique, 1899, p. 151 sq., 232 sq. ; 1900, p. 5-30, 378-400 ; 1901, p. 512-521 ; Corluy, Spicilegiuni dognialico-bibliciwi, t. i, p. 138-155 ; t. ir, p. 51-64 ; A. Lolsy. Le prologue du quatrième Évangile, dans Études cvangâliques, Paris, 1902 ; V. Baldensperger, Der Prolog dot vierten Eimngeliums, Fribourg-en-Brisgau, 1898 ; Fouard, Vie de N.-S. J.-C, t. i, appendice ii, et tous les commentateurs du quatrième Évangile, spécialement ceux qui ont été cités plus haut, surtout Th. Zahn, p.77-107 (origine du Logos) ; W. Sanday, p. 185-201, et encore les belles élévations de Bossuet, Élévations sur les mystères, W et xii* semaines, etc. Voir Création, t. ii, col. 2115.

Résumons en quelques traits cette révélation progressive du Fils de Dieu dans l’Écriture sainte. Laissant de côté des allusions plus ou moins problématiques à une certaine pluralité de personnes divines, qu’on cherclie dans l’ancienne histoire d’Israël (nous parlons du sens déterminé formel des textes), i ! semble que Dieu attira d’abord l’attention de son peuple sur son Messie, son Fils de filiation toute spéciale, parce qu’il était de nature supérieure, transcentlante, divine même, afhrment quelques textes, toujours dans une certaine obscurité. Puis le messianisme s’obscurcissant dans un nationalisme de plus en plus exaspéré, Dieu porte les regards des âmes justes, saintes, sages vers lui-même, ec