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FILS DE DIEU


position de Franzcliii, DcVerbo incarn(ilo, Uies. ii, ii.2, p. 16-25, qui prend partout dans l'Évangile Fils de Dieu pour Fils de Dieu éternel et par nature, et tous s’accordent à voir dans nombre de « vous êtes le fils de Dieu « de simples synonymes de « vous êtes le Messie » ; peut-être même tous les textes synoptiques seraient dans ce cas, F. Prat., loc. cit., p. 208 ; Fils de Dieu est-il donc synonyme de Messie, oui ou non ? Comparer dans J. Lebreton, op. cit., p. 246 et 248.

[i. Pour résoudre cette antinomie et ainsi donner immédiatement à nos textes leur vraie valeur, il faut dire, nous semble-t-il, que jamais Fils de Dieu dans l'Évangile n'équivaut simplement à Messie, mais qu’il ajoute toujours quelque chose sur la nature supérieure, mystérieuse, plus ou moins surhumaine de Jésus, par de la sa mission ; en disant plus ou moins surhumaine, nous admettons une gradation dans ces textes jusqu'à ceux qui s’adressent clairement à la nature divine de Jésus. Si on demande pourquoi cette impression ou intuition de nature surhumaine se traduit par l’expression Fils de Dieu, il faudra dire que cela dut tenir sans doute aux circonstances historiques du baptême de Jésus, de la prédication du précurseur, de la façon même de parler du Maître, etc. Comme nous ne cherchons que les textes qui vont jusqu'à la divinité du l'"ils de Dieu, nous laisserons de côté les témoignages des démons que nous ne pouvons vérifier ; ceux des ennemis du Christ qui ne font que citer ; celui du centurion et celui du précurseur que nous ne pouvons critiquer ; tous ceux des disciples qui restent trop vagues, même celui de saint Pierre à Césarée, cf. M. Lepin, op. cit., p. 282287 ; J. Lebreton, p. 229-231, qui mettent bien en relief l’importance de cette scène ; E.Mangenot, /oc. cit., p. 297 ; F. Tillmann, Biblische Zeitschrijt, 1910, p.253260 ; V. Rose, £/udes éya/jjé/zçucs, p. 185-197, qui trop étroitement ne voient que le messianisme là où, comme nous l’avons dit, il faut voir une aflirmation de la nature transcendante du Messie, révélée spécialement par le Père, mais non encore strictement divine. Les témoignages de l’ange, cf. A. Durand, L’enfance de Jésus-Christ, Paris, 1908, p. 156-157, et du Père céleste peuvent certainement s’entendre du Fils éternel de Dieu et suggèrent mîme cette interprétation ; mais ces textes seuls, croyons-nous, ne pourraient être décisifs.

y. Restent donc les affirmations de Jésus-Christ lui-même. De Marc, xiii, 32, nous retiendrons que Jésus place le Fils au-dessus des anges, c’est-à-dire de toute créature, primauté absolue du moins morale et qui pourrait bien être métaphysique. Plusieurs ont douté du sens des déclarations faites au sanhédrin ou même n’y ont vu qu’une affirmation de messianité. Batiffol, L’enseignement de Jésus, p. 236-237 ; V. Rose, op. cit., p. 179 ; F. Tillmann, loc. cit., p. 260-262 ; A. Loisy, L' Évangile et l' Église, p. 76-77 (avec admission de l’authenticité). Mais il nous semble beaucoup plus sûr de distinguer, avec les trois Synoptiques et surtout avec saint Luc, les deux affirmations nullement équivalentes de messianité et de filiation divine : l’accusation de blasphème (cf. dans leTalmud, traité Sanhédrin, vii, 5), visant certainement celle-ci et non la première. Cf. A. Loisy, Les Évangiles synoptiques, t. II, p. 604-605 (mais texte inauthentique) ; E. Mangenol, op. cit., p. 289-291 ; M. Lepin, op. cit., p. 287-290, qui cite Dalman, J. Weiss, W. Bousset, N. Schmidt, etc. ; J. Lebreton, op. cit., p. 248-250 ; A. Steitz, Das Evangelium von Gottessohn, p. 287-295 ; Wcil, Le judaïsme, ses dogmes, sa mission, t. iii, p. 472, etc. Quant au sens précis du texte, il nous semble très bien rendu par ces lignes de M. Lebreton : « Sans vouloir préciser davantage la pensée de

Caïplic, il faut convenir que ce titre de Fils de Dieu, qu’il n’empruntait pas à la tradition juive, mais à la prédication de Jésus, devait exprimar une relation si intime, si transcendante avec la divinité qu’un homme ne pût y prétendre sans blasphème. » La parabole des vignerons homicides est plus clairement concluante : le fils unique opposé à tous les serviteurs, fils avant d'être envoyé (cf. les nombreux textes où Jésus se dit « venu, envoyé, » etc., M. Lepin, op. cit., p. 302-304), l’héritier naturel, Y.lripo//ip.o ;, semble bien être le fils au sens strict du Maître de la vigne et l’application de la parabole n’est pas douteuse ni obscure. Cf. E. Mangenot, loc. cit., p. 286289 ; J. Lebreton, op. cit., p. 243-245 ; F. Burkitt, The parable of the wicked husbandmen, dans Transaction of the third international congress of the history of religions, Oxford, 1908, t. ii, p. 321 sq. ; M. Lepin, op. cit., p. 307-314. Enfin nous avons deux textes d’une clarté absolue, inéluctable, de l’avis unanime : la formule baptismale et la confession de Jésus : nemo novit Filium. Tout commentaire ici est inutile ; on reconnaît sans peine, par exemple, A. Loisy, Les Évangiles synoptiques, t. i, p. 909, que la théologie johannique ne pourra rien ajouter à ces paroles, cf. Joa., i, 18 ; on y trouve, en efiet, implicitement, mais assez clairement, la distinction et la consubstantialité divines du Père et du Fils, celle-ci raison de rapports intellectuels et de causalité surnaturelle uniques, essentiels, égaux. Cf. A. Loisy, L Évangile et l'Église, p. 41-47. Aussi les rationalistes n’ont-ils ici que la ressource de nier l’authenticité de ces deux textes. On la trouvera victorieusement défendue : pour le premier, dans J. Lebreton, op. cit., note E, p. 478-479 ; E. Riggenbach, Der trinitarische Taufbefehl, Matth., XX VIII, 19, nacli seincr urspriinglichen Textgestalt und seiner Authentic untersucht, Gutersloh, 1903 ; F. -H. Chase, 2'he Lord' s command to baptize, dans The journal of theological studics, t. vi (1905), p. 481521 ; contre surtout F. C. Conybeare, The Ensebian form of the text, Malih., xxviii, 19, dans Zeitschrift fur neutestam. Wissenschafl, t. ii (1901), p. 275-288 ; pour le second, dans G. de Grandmaison, Études, janvier 1903, p. 163-169 ; J. Lebreton, op. cit., note D, p. 470-477 ; M. Lepin, op. cit., p. 314-332 ; E. Mangenot, loc. cit., p. 282-285 ; P. Batifiol, op. cit., p. 216-220 ; J. A. Robinson, Tlie study of the Gospels, Londres, 1902, p. 103-117.

En résume, en dehors même des controverses hiérosolymitaines plus directement dogmatiques, et des épancliements plus intimes laissés de côté par les Synoptiques, on ne peut douter que Jésus-Christ ait déjà assez clairement suggéré l’origine de ses pouvoirs vraiment divins et de nature transcendante divine, se donnant plus ou moins distinctement comme le Fils par nature de Dieu le Père.

Notons enfin que le concept de Fils de Dieu enferme implicitement le concept de préexistence, que cette préexistence est d’ailleurs insinuée directement en plusieurs textes où Jésus se dit « venu, envoyé en ce monde, sur la terre, ' etc., cf. surtout Luc, xii, 49 ; Matth., IX, 13 ; Marc, i, 38 ; Lepin, op. cit., p. 302, enfin que le Fils insiste sur le côte intellectuel de ses rapports avec le Père, Matth., xi, 25-27, et Luc, x, 21, 22 : nemo novit, et les textes où Jésus semble s’approprier le langage de la sagesse dans les livres sapientiaux, cf. Matth., xxii, 1-4, et Luc, xiv, 16-17, avec Prov., ix, 1 sq. ; Matth., xi, 28-30 ; xxiii, 10, avec Prov., i, 23 ; viii, 4-10, 32-36 ; Eccli., vi, 23-26 ; XXIV, 26-27 ; li, 23-26 ; Matth., vii, 24-26 ; Luc, xiii, 25-27, avec Prov., i, 24-33 ; viii, 32-36. La sagesse est encore identifiée parallèlement avec Dieu, Matth., xxiii, 34-36, et avec le Christ, Luc, xi, -49-51 ; ou Matth., xi, '19, et Luc, vii, 35. Cf. Lepin, La valeur