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FILS DE DIEU


éthique. Le caractère essentiel de ce logos à tous ces points de vue, c’est qu’il est un intermédiaire entre la divinité transcendante et le monde et surtout l’homme. « Au degré suprême, dit Philon, In Exod.. II, 68, édit. Auclicr, p. 516, est Dieu ; au deuxième degré, le logos ; au troisième, la puissance créatrice ; au quatrième, la puissance royale ; au cinquième, sous la créatrice, la puissance bienfaisante ; au sixième, sous la ro j’aie, la puissance punissante ; au septième enfin, le monde des idées, au-dessous duquel viendra le monde sensible. En sens inverse, dims les élévations de l’homme vers Dieu, il faudra parcourir les mêmes degrés, contemplant Dieu d’abord dans le monde sensible, puis dans les puissances inférieures et supérieures, puis dans le iogos, enfin en lui-même. » De confusione lingiianim, 97, édit. Mangey, t. i, p. 419 ; De fuga, 97 sq., ibid., i. 560 ; Legum allégorie, iii, 100, ibid., p. 107 ; cf. l.ebreton, op. cit., p. 172-183. Ces puissances dont parle Philon et qu’assez souvent il assimile aux Il démons » de la mythologie grecque et mieux encore aux anges bibliques. De plantatione Noe, 14, édit. Mangey, t. i, p. 331 ; De somniis, i, 141, 142, ibid., p. 642, etc., sont plus souvent décrites par lui comme des forces et des idées : les idées exemplaires de D ! eu (platonisme judaisant), Despecial. leg., i, 46-48, 329, édit. Mangey, t. ii, p. 218-219, 261 ; De opific. numdi, 17 sq., ibid., t. i, j). 4, etc., les forces par qui Dieu façonne le monde intelligible parfois ou ordinairement le monde sensible, particulièrement les êtres mélangés de bien et de mal (platonisme stoïc : sant). De opific. mundi, 72, édit. Mangey, t. i, p. 16 ; De confusione lingiianim, 179, ibid., p. 432 ; De jiiga, 69, ibid., p. 556, etc. ; ou enfin les forces tendues à travers le monde pour en maintenir l’harmonie (pur stoïcisme). De confusione linguarum, 136, édit. Mangey, t. i, p. 425 ; De migratione Abraliam, 180 181, ibid., p. 464, etc. D’après ces divers rôles, Philon distingue parfois deux, trois, quatre, cinq puissances ; parfois il en affirme le nombre infini. Cf. Lebreton, op. cit., p. 179.

b) Parmi ces puissances, la première est le logos. Nous avons vu plus haut la doctrine de la parole de Dieu développée soit dans les livres inspirés, spécialement dans le livre alexandrin de la Sagesse, col. 2369, soit dans le judaïsme palestinien (inteiméd’aires, Mcmra), col.2374. A Alexandrie, avant Philon, de semblables spéculations avaient été poursuivies ; Eusèbe nous en a transmis quelques témoignages. Prscpur. evangel., IX, 29, P. G., t. xxi, col. 741 ; XIII, 12, 5, col. 1097. D’après le premier texte, qui est d'Ézéchiel le tragique, c'était le logos divin qui avait apparu à Moïse dans le buisson ardent ; d’après le second, Aristobule citait comme vers d’Orphée la sentence suivante : « Le logos ancien luit avant le monde, mais il subsiste par soi et tout subsiste par lui ; il circule partout et aucun des mortels ne le voit, mais lui nous voit tous deux. » Cf. Pliilon, De sonuiiis, I, 118 sq., édit. Mangey, t. i, ]). 638. Mais s’il n’en est pas le créateur, Philon aclieva sans doute de systématiser cette doctrine du logos.

Le logos devint donc comme la suprême puissance. Lu conséquence, Philon l’appelle le premier ange, l’archange ; c’est lui l’ange du Seigneur dont parle l’Ancien Testament, voir plus haut, col. 2355 sq. ; les théophanies anciennes étaient non des apparitions (lu Dieu invisible, mais des apparitions du logos, et celui-ci est alors appelé Dieu, explique Pliilon en atténuant, non pas le vrai Dieu, 6 Œo ;, mais par catachrèse Dieu, Osô :, parce qu’il représente Dieu. De somniis, i, 228-239, édit. Mangey, t. i, p. 655-656 ; De cherubim, 3, ibid., p. 139 ; De fuga, 5, ibid., p. 547 ; Quis diuin. rcr. liirres, 201-205, ibid., p. 501.

a. A la manière platonicienne, le logos, par rapport au monde, est une idée exemplaire, mais l’exemplaire total du monde, et donc la synthèse, l’ensemble, le lieu, etc., et aussi la source de toutes les idées

particulières (Xriyot) qui sont les modèles des différents êtres ; c’est le monde tout entier à l'état intelligible pur. De opificio mundi, 24-25, édit. Mangey,

1. 1, p. 6 ; De mutatione nominum, 135, ibid., p. 598 ; De

i fuga, 12, ibid., p. 547. Par conséquent, par rapport à Dieu, le logos est le plan de l’architecte divin, le vojv ou entendement divin en acte de concevoir le monde, l’ombre (représentative) de Dieu, son image naturelle et essentielle, en ce sens un second Dieu, z-iooi, ôsjTEprj ; 6coç, le sceau encore par lequel Dieu imprime sur toutes choses son image participée, spécialement sur l’homme, De spccialibus legibus,

I I, 81, édit. Mangey, t. ii, p. 225 ; iii, 83, ibid., p. 313 ; De confusione linguarum, 97, t. i, p. 419 ; De plantatione Noc, 18, ibid., p. 332 ; Legum allegoriæ, iii, 96, ibid., p. 106 ; De execralionc, 163, t. ii, p. 435, etc., enfin le logos est aussi le principe par lequel Dieu divise (Àoyfjç TÔuE-jç) et spécifie les êtres dans la matière amorphe (platonisme en langue d’Heraclite). Quis divinar. rcr. hseres, 130-140, t. i, p. 491-492 ; cꝟ. 166, 214, 215, 225, 235, etc. Cf. Lebreton, op. cit., p. 190193. Mais comment l’idée exemplaire influe-t-elle sur le monde ? F^laton n’en avait rien su dire. Philon profite là-dessus des théories stoïciennes.

b. A la manière stoïcienne, le logos comme les puissances, n’est donc pas seulement une idée, mais il devient une force, une idée-force, la loi puissante qui régit le monde non abstraitement, mais physiquement, et donc le lien qui en enchaîne les éléments et la force, l'énergie qui tout entière en chaque partie remplit tout, 71/, T|, oï) ; iXo ; 61' clÀo/v, pour être la cause de tout ce qui se produit de bien dans le monde et dans l’homme, Quis divin, rcr. hæres, 118-119, édit. Mangey, t. i, p. 489 ; 217, ibid., p. 503 ; 230-233, ibid., p. 505 ; De plantatione Noe, 8, 9, ibid., p. 330331 : « C’est lui qui, tendu du centre aux extrémités et des extrémités au centre, dirige la course infaillible de la nature, maintenant et reliant fortement entre elles toutes les parties ; car le père qui l’a engendré en a fait le lien infrangible de l’univers. » Cette force qu’est le logos, comme pour les stoïciens, devient dans l’homme loi et force morale. De vita Moijsis, I, 48, édit. Mangey, t. ii, p. 88 ; Quod omnis probus liber, ibid., p. 452, 455 ; De migratione, 130, t. i, p. 456, etc. Cf. Lebreton, op. cit., p. 194-197.

c. Enfin au point de vue religieux qudaïsme influencé par les conceptions religieuses égyptiennes, le mysticisme néo-pythagoricien et la philosopliie), le logos devient révélateur et intermédiaire de culte, d’ascension vers Dieu. Le tout de l’homme, c’est, en effet, la piété envers Dieu et sa perfection se trouve dans la contemplation de l'être parfait. Mais dans la piété envers Dieu et dans la contemplation, il y a trois degrés : celui des sages qui ont atteint Dieu directement, dans l’extase, lorsque Dieu veut la leur donner, et qui n’ont donc plus besoin d’intermédiaire. De Abraham, 122, édit. Mangey, t. ii, p. 19 ; Legum allegorias, iii, 100, t. i, p. 107 ; celui des sages qui cherchent Dieu et, ne pouvant arriver jusqu'à lui, s'élèvent du moins au delà du monde sensible jusqu'à ses puissances, législative ou bienfaisante, royale ou créatrice, et même jusqu’au logos. De somniis, i, 117, t. I, p. 638 ; 228-239, ibid., >. 655-056, etc., et c’est ici que le logos est vraiment intermédiaire, par lui les sages rendent leur culte à Dieu, et personnifié il devient le grand-prêtre, le grand suppliant du monde, àp/tëpEJ ;, i-.'.éxr, ;  ; enfin vient la foule qui s’arrête au monde sensible, même pour l’adorer, ce qui est une impiété. Notons avec soin que le logos intermé-