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FILS DE DIEU


o. Logos d’Ilérncliic et des stoïciens. — Heraclite avait déjà parlé du feu vivant, éternel, intelligent, dieu immanent au monde, logos ou raison qui le guide et loi qui le gouverne, principe donc à la fois matérialiste, panthéiste et intellectualiste de l’unique et éternel devenir.

Deux siècles après Heraclite, le Portique ressuscita la philosophie du feu divin intelligent et universel artisan, 7rv£ij[j.a voEpov xa’t TrupûSe ;, îiOp Tj/vtxôv. Que ce feu créateur soit intelligent : cela est rendu évident par l’ordre du monde et sa finalité, cf. tout le 1. II du Dcnatura dcoriim de Cicéron, et les travaux d’Aristote sur la 9 Joiç sont ici largement utilisés : manifestement il y a de la raison, du Àoyo ; dans le monde. Ce logos, les stoïciens, sans autre preuve, l’afrument panthéiste, immanent au monde, principe et donc vie, lien, unité, vérité, loi physique et morale, source, force de tout ; c’est sous cet aspect de principe d’où tout sort qu’il s’appelle àôyoç (T7t : p[j.aTiy.6 ;. Comme il évolue fatalement, il se partage en Xoyot partiels qui sont comme les membres du grand organisme cosmique ((j-sYa Çcôov) ; c’est le même principe vital intelligent, mais ici et là avec des effets divers : force minérale, é'hç, nature des plantes, cpJcic, vie animale, 4J"/.0> enfin dans l’homme (et dans les dieux) raison, vo-jç, et vertu, âpetr, , complet épanouissement du logos. Dans la raison de l’homme, il faut de plus distinguer l’exercice intérieur de cette raison, Àôyo ; âvSiâOsTo ;, et son expression extérieure, ).oyo ; Tipoçopiy.oç. En résumé, le logos stoïcien, c’est le principe panthéiste (et de plus matérialiste) en tant que raison, loi efllciente et finale, physique et morale de tout, fatalement produisant tout en ordre et en liarmonie parfaite, cela d’ailleurs en palingénésies sans fin répétées.

Pour s’adapter à l’histoire et au peuple, le stoïcisme dut s’exprimer en termes mythologiques et c’est ainsi que le logos devint un dieu personnel, Zeus ou Cronos ou Pan ou Héraclès, mais surtout Hermès, un Hermès évidemment bien transformé. Hermès était anciennement le dieu de la parole et secondairement de la raison, de la raison humaine, le messager des dieux, donc un dieu inférieur, mais un dieu très populaire. Le changer en logos divin, raison universelle panthéiste, c'était un peu violent et il fallait de la subtilité pour voir, comme Cornu tus, Theologiæ grœcæ compendium, édit. C. Lang, Leipzig, 1881, p. 20-22, dans notre logos-raison un messager des dieux, parce qu’il est une parcelle du Logos-Zeus universel. Il est clair que cela ne dut pas avoir beaucoup de succès en dehors du clan philosophique stoïcien. Pour la foule, Hermès resta le messager, le logos-parole, intermédiaire entre la divinité et riiomme, et par là il se rapproche du logos alexandrin, parole de Dieu, autant qu’il s'éloigne du logos stoïcien, raison du monde.

Cependant une fusion se produisit à la longue ; laissant dans l’ombre le pantliéisme, on s’attacha à rapproclier et finalement à réunir dans le personnage d’Hermès les deux aspects de la parole et de la raison ; on trouve ce travail et ces résultats dans Varron, Cornutus, pseudo-Heraclite, Allegoriee homericæ, Plutarque, Sénèque, Plotin, Porphyre, etc. Cf. Lebreton, op. cit., p. 58-59 ; S. Justin, Apol., r, 21. Hermès finit donc par être le dieu du logos divin, parole et raison, intermédiaire qui gouverne et révèle, et sous cette forme encore il dut influencer l’alexandrinisme juif.

b. Courant platonicien. — Si le stoïcisme imposa à la philosophie grecque un sentiment très vif de la force intelligente (appelée par lui logos) qui gouverne chaque parcelle du monde, c’est dans le courant platonicien qu’il faut cliercher la théologie qui nous intéresse.

Cependant, il faut d’abord dire qu’il n’y a pas de logos proprement platonicien. Platon n’a jamais parlé de logos divin, comme on l’a cru et répété si souvent, de Petau à E. Havet ou aux manuels de théologie même récents. Cf. Bergier, Dict. de tliéologie, art. Trinité, t. viii, p. 218-228, pour l'état de la controverse sur le logos platonicien au milieu du xix'e siècle. C’est un résultat acquis de l’histoire de la pliilosophie grecque. Cf. Lebreton, op. cit., p. 4344 ; A. Aal, op. cit., p. 69. La méprise si longtemps répandue fut créée et entretenue par la confusion du platonisme avec le néo-platonisme et celle-ci remonte très haut, aux premiers siècles, lorsque les néo-platoniciens, selon les mueurs du temps, écrivirent une foule de traités apocryphes signés des noms illustres de leurs maîtres, ou, plus simplement, par une exégèse complaisante surent trouver dans les ouvrages autlicntiques de ces maîtres la formule de toutes leurs théories. Du vrai Platon la thèse du dualisme : Dieu et matière ; celle du monde des idées exemplaires, Y.61yi.ot ; voï, To ;, intermédiaire entre Dieu et la matière ; celle encore de l'âme du monde et des puissances, ô-jvdi|j.et :, ayant un rôle de nouveau intermédiaire, exerceront une influence réelle sur les spéculations du logos.

c. Syncrétisme alexandrin. — Aucune thèse plus que celle du logos n’a participé aux études syncrétistes, surtout alexandrines, qui marquèrent le crépuscule de l'ère ancienne et l’aurore de l'ère chrétienne. On arriva à fusionner en lui, sous forme dualiste platonicienne ou panthéiste stoïcienne, l’exemplaire ou les idées de Platon mais transportées en Dieu, l’arithmétique ou les nombres de Pythagore devenus surtout lois de l’origine des êtres (unité et dualité), enfin la physique rationalisée des stoïciens avec son logos universel ; puis tout cela subit le contre-coup au point de vue religieux de la piété juive, de l’ascèse pythagoricienne et des mythes égyptiens (Tlrôt, Horus, Hermès Trismégiste, Isis et Osiris) ; de là, ces conceptions à allures si difficiles à analyser parfois, mais qu’il est inutile d'étudier ici en détail. Cf. Lebreton, op. cit., p. 60-73 ; A. Moret, Le Verbe créateur cl révélateur en Egypte, dans la Revue de l’histoire des religions, 1909, p. 279-298 ; Reitzenstein, Poimandres.

En résumé, laissant la direction néo-stoïcienne de Chérémon, Apion, Hécatée d’Abdère, cf. Bréhier, Les idées pliilosophiques et religieuses de Philon d’Alexandrie, p. 137 sq. ; de Posidonius, cf. A. Scliniekel. Die Philosophie der mitllcrcn Stoa, Berlin, 1892, p. 238-290 ; de Musonius, Cornutus, Sénèque, Épictète, Marc-Aurèle, cf. Lebreton, op. cit., p. 69-73, peu importante ici, la conception néo-platonicienne du logos, comme elle se trouve, par exemple, dans Plutarque qui nous conduit directement à Philon, Lebreton, op. cit., p. 63-68, se ramène à ceci.

Le logos stoïcien était en même temps loi intelligente et force cosmique fatale, cela d’une façon immanente ou pantliéiste. Les néo-platoniciens gardent cette conception formelle du logos, mais ils la réalisent avec un Dieu de plus en plus transcendant et dans un système dualiste. La matière éternelle, indépendante de Dieu, est seulement organisée par lui en un monde ciu’ensuite il gouverne. De ce monde il a l’idée exemplaire ou le modèle intellectuel, loi de tout ce qu’il fera ; cette idée de Dieu, c’est le logos divin universel, d’abord caché, puis rendu visible, Plutarque, De Isi et Osiri, 62 ; on trouve ici une des premières esquisses de la théorie du logos âvSiâOsToi ; et Trpo^jopixôç. La force organisatrice du monde vient aussi de Dieu, mais par des agents intermédiaires, les S’jvàij.î. ;, dont la première qui régit toutes les autres est encore le logos. Cf. Lebreton, op. cit., note A, p. 437-440. Dans le monde, il y a donc la matière avec sa nature, Djatç, principe de