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FILS DE DIEU


certaine par les causes les plus profondes), soit morale (et alors concrétisée dans la loi mosaïque qui enseignait l’ordre de la fin dernière éternelle), à la sagesse divine. Celle-ci est la sagesse suprême spéculative et pratique, connaissance parfaite de tout, puisque idéal et archétji ^e éternel de tout, et en même temps science et providence parfaite dirigeant tout, peuples et individus, vers la fin dernière de l’ordre divin. Cette sagesse divine est un attribut essentiel de Dieu ; mais, en outre, par une raison qui nous est absolument incompréhensible, il y a une émanation consubstantielle, engendrée en Dieu parallèlement pour ainsi dire à la sagesse absolue, qui constitue la sagesse hypostase. Le Nouveau Testament et la théologie nous en expliqueront quelque peu la nature ; les derniers sages inspirés de l’Ancien Testament en ont entrevu la mystérieuse génération. Cf. J.-B. Pelt, op. cit., p. 408-410.

2. La parole divine et les relations entre la sagesse, la parole, le Fils de Dieu, le Messie et l’ange de Jahvé.

— a) En Dieu, il n’y a pas de distinction entre la volonté et la puissance executive. Cf. S. Thomas, Si(77 !. theol., V q. xxv, a. 1. Dieu veut et ce qu’il veut est fait. Un ordre, imperium, s’exprime parmi nous par la parole ; c’est donc une métaphore courante pour exprimer l’ellicacité immédiate d’une volonté de dire : il dit et ce fut fait. Cette métaphore, qui n’est plus vraie de nul autre que de Dieu, lui est appliquée fréquemment par les livres inspirés : Gen., i, 3 sq. ; Ps. XXXII, 6-9 : Verbo Domini eœli flrmati sunt, et spiritu oris ejus omnis virtus eorum…, ipse dixil et facta sunt… cxlviii, 8 ; Ose., vi, 5 ; Ezech., xxxvii, 4 ; Eccli., XLii, 15 ; xliii, 26 ; cf. xlviii, 3 ; Sap., ix, 1.

Cette métaphore devient plus hardie, lorsque la parole efficace de Dieu est représentée comme un messagerde ses ordres, Is., ix, 7 ; Ps. cvi, 20 ; cxlvii, 15, 18 ; Zach., v, 1-4, et surtout Is., lv, 11 ; Sap., xviii, 1516, où la métaphore plus soutenue devient prosopopée : Cum no.v in suo cursu médium iter ageret, omnipotens sermo tuus, de cœto a regalibus sedibus, durus debellator, in mediam extermina terrani prositivit (il s’agit de la dixième plaie d’Egypte) et cette parole d’extermination est représentée « remplissant tout de mort, atteignant le ciel et se tenant sur la terre. »

Il n’y a sans doute en tout cela que des figures de langage, tout au plus des personnifications, non des h3rpostases.

Cependant la parole de Dieu semble quelquefois très intimement rattachée à la sagesse, décrite plus haut, comme dans Eccli., i, 5 (s’il est authentique) : t la source de la sagesse, c’est la parole de Dieu au plus haut des cieux ; » xxiv, 3 : « Je suis sortie de la bouche du Très-Haut ; » surtout dans Sap., ix, 1-4, 10 ; xviii, 14-15. Le premier texte dit :

Dieu des Pores…, Seigneur de miséricorde, Qui avez fait l’univers par votre parole Et qui par votre sagesse avez établi l’homme, Donnez-moi la Sagesse, assise prés de votre trône,

et le second texte, déjà donné plus haut, représente la parole venant elle aussi des trônes royaux du ciel, i.-K’oopavwv £x Opôvtov [iacriAEiiôv. On ne peut nier ici un enchaînement remarquable de textes : Prov., VIII, en parlant des origines de la sagesse, se référait à la parole créatrice de la Genèse ; à sa suite, de plus en plus clairement, l’Ecclésiastique et la Sagesse développent cette orientation que reprendra saint Jean exposant sa théologie du Logos, les yeux fixés, lui aussi, sur la première page de la Genèse. Cf. Th. Calmes, Étude sur le prologue du quatrième Évangile, dans la Revue biblique, 1900, p. 18-19.

b) Sagesse et filiation divine sont à leur tour, bien que plus obscurément, mises en regard dans quelques

textes : Prov., viii, 22-31, voir plus haut ; et plus explicitement dans ce chapitre récent, xxx, 2-4, constitué par les paroles d’Agur : « Je n’ai pas appris la sagesse, et je ne connais pas la science du saint ; qui monte au ciel et qui en descend ? qui a recueilli le vent dans ses mains’?… qui a affermi toutes les e.xtrémités de la terre ? quel est son nom et quel est le nom de son fils ? » Les Septante ont mis ici « le nom de ses fils » , mais sans doute par crainte des païens. Cf. Lagrange, dans la Revue biblique, 1908, p. 496. Le judaïsme inspiré semble donc avoir conduit jusqu’à la doctrine de la filiation intellectuelle ses élévations sur la sagesse divine ; peut-être seulement après que le terme de Logos, masculin en hébreu, dâbûr, fût devenu plus en vue que celui de sagesse, hokmâh, qui est du féminin et s’identifie plus difficilement avec " fils 11.

c) Ce fils de Dieu, parole, sagesse, a-t-il été rapproché du Messie, fils lui aussi tout spécial de Dieu ? Les textes n’en gardent pas la trace ; il ne semble donc pas qu’alors « la théologie de la sagesse ait enrichi le messianisme et se soit combinée avec lui. » J. Lebreton, op. cit., p. 125. Cependant on peut noter avec Schecben, op. cit., p. 540, que la sagesse apparaît dans les Proverbes en reine à côté du Dieu créateur, et reine parce qu’elle est engendrée de Dieu, comme le Messie au ps. ii ; dans l’Ecclésiastique, en prêtresse, comme le Messie au ps. cix ; enfin dans la Sagesse, en épouse intime des âmes, comme le Messie au

ps. XLIV.

d) Pour revenir brièvement sur l’ange de Jahvé, les diverses notions précédentes se sont-elles synthétisées au moins indirectement par une fusion mutuelle avec celle du male’âk Jahvel M. Lepin le soutient, Jésus, Messie et Fils de Dieu d’après les Évangiles synoptiques, 3’= édit., Paris, 1906, p. 49-50 ; il est combattu par le P. Lagrange, Revue biblique, 1908, p. 497-499, et à la vérité les deux rapprochements de textes invoqués sont trop insignifiants : Sap., x, 17, et Exod., xiv, 19 (cf. plutôt Exod., XIII, 21 ; Num., x, 34 ; xiv, 14) ; Sap., xviii, 15, et Ps. xxxiii, 8 ; xxxiv, 5, 6 ; II Reg., xix, 35 (cf. plutôt Exod., XII, 29).

Comme conclusion générale, nous concéderons à M. Lepin, op. cit., p. 54, qu’avec des lumières spéciales ces âmes d’élite qui n’ont pas d’histoire parce qu’elles n’appartinrent à aucune école ou secte bruyante, mais qui durent cependant exister en Israël, sans parler des auteurs inspirés eux-mêmes, purent soupçonner le sens profond des textes, le sens réel de l’Esprit-Saint, soupçonner donc dans le Messie attendu une nature transcendante divine avec la seule filiation proprement dite qu’on puisse concevoir en Dieu : celle de l’intelligence, de la parole-sagesse, et ainsi entrevoir, « dans un demi-jour mystérieux, le Verbe de Dieu fait homme et devenu le Messie. »

Mais en dehors de ces lumières extraordinaires et d’après les textes pris dans leur sens formel, il faut dire avec le P. Lagrange, toc. cit., p. 497 : « Nous avons suivi deux voies et au terme de chacune d’elles se trouve un Fils de Dieu unique par le rang, le Messie et le Logos ; mais l’Ancien Testament ne nous a pas fourni le point de jonction » de ces voies. L’apparition de Jésus-Christ fera la lumière et nous conduira à cet aboutissant où courent toutes les voies de l’alliance préparatoire.

.vec les commentaires et articles encyclopc’diques. J.-M. Lagrange, La paternité de Dieu, dans la Revue biblique, 1908, p. 493-499 ; J. Lebreton, op. cit., p. 110-120 ; J. Touzard, l.a religion d’Israël, dans Où en est Fliistoire (les relitjions ? Paris, 1911, t. ii, p. 136-139, 151 ; Hackspill, ÏCliiJes sur le milieu reli(jieu.v et intellectuel, dans la Revue biblique, 1901, p. 200-251 ; J. Felten, Neutestamentliche