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FILS DE DIEU

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consubstantielle du Messie Fils de Dieu ? Formellement, il nous semble que les idées sont ici celles du ps. Il et rien de plus : génération et préexistence. La métaphore ex utero, suggérée par le texte original « du sein de l’aurore » , peut indiquer cependant quelque chose de plus intime. Sur l’usage patristique de ce texte, voir Petau, Tlteol. dogm., De Trinilate, 1. V, c. VII, n. 4, 5 ; et sur la controverse ancienne des protestants ou des rationalistes, les nombreuses notes du Cursus Scripluræ de Migne.

Le ps. XLiv est aussi messianique, bien que moins clairement et moins directement que le précédent. Ses versets 7 et 8 semblent énoncer avec évidence la divinité du Messie : sedes tua, Deus, in sœculum sœculi…, propterea unxit te, Deus, Deus luus oleo livlilia’. Aussi ceux qui n’admirent pas le messianisme littéral du psaume (Calmet, Bossuet, Palrizi) durent-ils recourir ici à un mélange de sens littéral et de sens spirituel bien peu vra’semblable. Calmet, pour cela sans doute, suggéra que le premier Deus « Élohim » pouvait avoir le sens large de juge, et que le Deus, Deus luus pouvait être un simple redoublement de nominatif : Jahvé, ton Dieu. Cependant la généralité des interprètes juifs et chrétiens a vu autrefois un vocatif et la divinité dans les deux passages. Voir Corluy. op. cit., t. ii, p. 19-21, 178-180 ; Lesêtre, FiUion, etc. Actuellement, 1° second vocatif ne semble pas sûr et des auteurs, comme Fillion, Lesêtre, Crampon, concèdent que le texte pourrait très bien se lire : Jahvé, ton Dieu, ou : Dieu, ton Dieu, au lieu de : ton Dieu, ô Dieu. Pour le premier vocatif, sedes tua, Deus, il est dans Heb., i, 8, et dans toutes les anciennes versions. Quelques-uns, trouvant cet éclair sur la divinité du Messie trop fulgurant et peu compréhensil )le dans l’histoire de la pensée juive — ce qui sera plus vraisemblable si ce texte est isolé — recourent à une conjecture critique un peu subtile. Cf. Revue biblique, 1004, p. 256, note 3. Dans les psaumes dits èlohistes (xli-lxxxii), le mot Jahvé a été très souvent remplacé par celui de Élohim. Dans notre verset, il peut donc très bien se faire qu’il y ait eu d’abord n’n>, Jeia, qu’on aura lu mn’, Jahvé, remplacé ensuite par Élohim ; ainsi le texte primitif aurait été : ton trône sera, existera à jamais. Les rationalistes insistaient autrefois sur les divers sens possibles de la phrase : ton trône est Dieu (Grotius) ; ton trône est de Dieu (donné par Dieu, Gesenius) ; ton trône est comme le trône de Dieu, sous-entendu nûs (Ewald), ce qui est possible (Corluy). Cf. I Par., xxix, 23. En résumé, car le Deus duꝟ. 12 dans le même psaume est certainement une addition de la’ulgate, le ps. xliv ne peut nous servir ici de preuve absolument irréfragable.

La dignité et l’origine du Messie sont encore indiquées au ps. Lxxi, 5-11 : « Il durera autant que le soleil et tant que brillera la lune d’âge en âge (les Septante mettent ce second membre au passé, affirmant ainsi la préexistence du Messie avec son immortalité). Il descendra comme la pluie sur le gazon (le // ! vcllus de la Vulgate est une allusion à la toison de Gédéon, Jud., VI, 37), comme les gouttes qui se distillent sur la terre. » On peut même observer que cette façon d’apparaître sur terre est précisément celle qu’Osée, vi, 3, attribue à Jahvé, et Isaïe, lv, 10, 11, au verbe de Dieu. Cf. Lagrange, Revue biblique, 1905, p. 43-46 ; Corluy, op. cit., p. 16C-173.

b) Prophètes. — La divinité du Messie a été lue souvent dans les textes classiques qui lui appliquent des noms divins : Is., vii, 14, Emmanuel (Dieu avec nous) ; cf. VIII, 8, 10 (heb.) ; de même, ix, 0(5), « conseiller admirable, Dieu fort (El gibbôr), père à jamais, prince de l)aix ; » Jer., xxiii, 6, « Jahvé notre justice, Jalwe sidquenû. » Toute la réalité de ces noms s’est trouvée

certainement vérifiée dans le Christ d’une façon que nous dirons formelle ; Jésus est personnellement Dieu, Jahvé, force et justice, etc. ; mais les textes cités ont-ils par eux-mêmes et distinctement ce sens déterminé ? On s’accorde maintenant d’une façon presque unanime à répondre négativement. Cf. Condamin, Le livre d’Isaïe, p. 62 ; Knabenbauer, Conim. in Isaiam prophelam, Paris, 1887, t. i, p. 167, 178 (exception pour IX, G) ; In Jeremiam, Paris, 1889, p. 289-291 ; J. Touzard, L’argument prophclique, dans la Revue pratique d’apologétique, t. vu (1908), p. 85, 102 ; J. Lebreton, op. cit., p. 122 ; voir Emmanuel, t. iv, col. 2432-2435 ; Revue augustinienne, 1907, t. xi, p. 529-561. On sait, en effet, que les Israélites donnaient souvent des noms composés de Jahvé ou de Élohim à leurs enfants, noms à valeur symbolique, commémorative ou consécratoire ; donc aucune atTirmation de divinité formelle dans ces noms pris en eux-mêmes. La préoccupation scrupuleuse de la transcendance de Jahvé fit que les Septante n’osèrent traduire littéralement Is., ix, 5, où ils mirent simplement « son nom est l’ange du grand conseil. » Avec cela on ne peut nier que l’ensemble des textes d’Isaïe, vii, 14 ; viii, 8, 10 ; IX, 6, surtout où le nom de Dieu est plus immédiatement donné au Messie ; xi, 1 ; cf. iv, 2 ; x, 20, 21, suppose dans le Messie une majesté surhumaine, de quelque façon transcendante, divine. Cf. Knabenbauer, In Isaiam, p. 178-181 (avec textes patristiques), 205-206, 225.

A un autre point de vue, le salut messianique est ordinairement rattaché par les prophètes à une apparition personnelle de Dieu sur la terre, par exempk, Is., xxxv, 2-4 ; xl, 3-11 ; Ezech., xxxvii, 27 ; Zach., II, 10 ; VIII, 3, 8 ; Joël, iii, 21. Mais, directement messianiques ou non, ces textes s’entendent de l’action de Jahvé sauveur d’Israël aux temos messianiques et non du Messie lui-même ; celui-ci apparaît alors comme le roi théocratique du nouvel Israël sauvé par Jahvé, et non comme Jahvé sauveur lui-même. Cf. Knabenbauer, sur ces passages. Inutile d’insister sur Is., xli, 2 (Cyrus libérateur) ou xlv, 15 (le Sauveur Dieu caché), quù ne sont messianiques qu’en un sens accommodatice. Écartons de m ? me Eccli., li, 14 (10) : invocavi Dominnm patrem Domini mei ; le texte n’est pas authentique, le fragment hébreu dit : « Je proclamerai : Jahvé, tu es mon père » (Crampon) ; ou : « Je glorifierai Jahvé, tu es mon père. » Voir Knabenbauer, In Eccli., Paris, 1902, texte hébreu dans Appendix. p. Lxxx. Le texte fût-il authentique, il aurait le sens de Ps. crx, 1. Voir plus haut.

Nous mentionnerons seulement la célèbre vision de Daniel (le Fils de l’homme), vii, 13, 14 : origine et destinée surnaturelles du Messie ; il n’y a, en tout cas, pas davantage dans ce texte, donc rien pour la théologie trinitaire. Cf. Lagrange, Les prophéties messicmiques de Daniel, dans la Revue 6 ; W/çac, 1904, p. 504-508 ; F.Tillmann, Der Menschensohn, Fribourg-en-Brisgau, 1907, p. 86-94 ; Lepin, Jésus Messie et Fils de Dieu, 3’= édit., Paris, 1906, p. 104, 110-114 (avec la bibliographie du sujet) ; V. Sanday, The life of Christ in récent research, O.xford, 1907, p.’124-130 ; P. Batiffol, L’enseignement de Jésus, Paris, 1905, p. 194-201.

c) Enfin, il reste quelques textes semblant être plus directement des prophéties d’une incarnation divine.

C’est en premier lieu Barucli, ii, 38, post liœc in terris visus est et cum hominibus conversatus est. Le verset est authentique, voir Revue caigustinienne. t. xvii (1910), p. 597, contre L. Hackspill, Revue biblique, 1901, p. 209 ; cependant, de l’avis le plus commun, l’incarnation du Verbe n’est dans ce texte qu’un sens spirituel. Si le sujet de la phrase est Dieu lui-même, ce sont ses apparitions familières au Sinaï. dans le temple, etc., qui sont Ici directement comme-