Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/531

Cette page n’a pas encore été corrigée
2361
2362
FILS DE DJEU


et le Messie triomphe, car c’est Jahvé qui l’a établi roi dans Sion ; le ÎMcssie peut, eu eflet, proclamer le décret divin de sa dignité : « Jahvé m’a diL : Tu es mon fils, moi-même je t’engendre aujourd’hui. Demande et je le donnerai les nations pour héritage, etc. » A I ; lumière du Nouveau Testament nous savons ce qu’est le Messie Fils de Dieu et ce qu’est sa génération éternelle ; mais en dehors de cette lumière pourrait-on tirer cette notion de ce texte ?

A la vérité, la plupart des commentateurs, appliquant avec raison le texte à Jésus-Clirist, y ont vu sa divinité qui y est eu effet, au moins d’une façon indéterminée et confuse ; et c’est ainsi qu’est employé notre texte dans l'Épître aux Hébreux, i, 5. De 1 ; aussi ces belles considérations sur Vcgo hodic genui te exprimant d’une façon saisissante par son accouplement de passé et de présent l'éternelle génération du Fils de Dieu. Voir S. Augustin, Enanai. in ps. it, P. L., t. xxxvi, col. 71 ; Conf., 1. XI, c. xiii, n. 2 ; Bossuet, Supplenda in psalmos, longue dissertation sur Ps. II, 7 ; Hurter, Theol. dogm. compend., 10'^ édit., 1900, t. II, p. 120-1'22 ; H. Lesêtre, Le livre des Psaumes, Pai-is, 1883, note sur ce passage. Celui-ci, ibid., et dans le Dictionnaire de la Bible, t. iii, col. 1494, insiste spécialement sur le mot hébreu ijâlad, surtout en hiphll ielidetika, pour exclure toute génération métaphorique.

Le P. Lagrange, par une autre voie, avait aussi conclu à l’interprétation traditionnelle. Notes sur le messianisme dans les Psaumes, dans la Revue biblique, 1905, p. 39-43. Faisant mieux ressortir le messianisme direct du ps.ii, il en rejetait l’origine davidiquc ; par conséquent la filiation divine du Messie n’y aurait plus d’attache avec la filiation royaledavidique, mais serait immédiatement transcendante, bien qu’encore imprécise. Dans l’article déjà cité de la Revue biblique, 1908, p. 490, l’exégèse est plus proche de l’opinion suivante.

Admettant l’origine daNidique du ps.ii, qui semble, en elïet, presque certaine, sans que son messianisme littéral ait d’ailleurs à en souiïrir, il semble à plusieurs que la filiation naturelle transcendante du Messie n’y est pas explicitement, ni même formellement aflirmée. Cf. J. Lebreton, op. cit., p. 121. Corluy, op. cit., t. ii, p. IGl, voit la filiation divine naturelle dans le Filius meus es tu, et une génération métaphorique dans le genui te. Cela n’est-il pas inconsistant et la filiation dont parle ce texte n’est-elle iias du même ordre que la génération qui en est clairement le principe ? Cette génération, qu’estelle donc en définitive ? Le mot liébreu n'étant pas tenu pour décisif, il faut examiner le contexte. Or celui-ci, d’après le plus grand nomljre des interprètes, indique une génération métapliorique : la constitution du Messie comm2 roi triomplrant en face de ses ennemis. C’est certainement le sens adopté par saint Paul. Act., xiii, 33. Cf. Knabenbauer, In Actus aposlolorum, Paris, 1899, p. 233-234. Cette constitution est appelée génération, c’est-à-dire élévation à cettedignité de Fils choisi qui, par excellence, convient au Messie. Quand s’est produite cette élévation du roi Messie ? Les uns la placent à la naissance de JésusChrist : S. Cyprien, S. Jean Chrysoslome, S. Jérôme, S. Fulgence, dom Calmet, Van Steeakiste ; cf. Heb., v, 5, et l’introït de la messe de minuit à Noël ; d’autres, à son baptême : S. Justin, Clément d’Alexandrie, S. Méthode, S. Hilaire. De Trinilate, viii, 25 ; Lactance, Beelen, dans Dissert, de sensu multiplivi, p. 65 sq. ; certains manuscrits Inséraient même l’ego hodie genui te dans Luc, iii, 22 (cf. Blass, Ev. sec. Luc, p. xxxvxxxix ; Knabenbauer, In Lucam ; S. Augustin, Enchiridion, xiv, 49) ; d’autres enfin, à sa résurrection : S. Hilaire, In Mat th. ; S. Ambroise, Théodorct, Jansénius de Gand, Corneille de la Pierre, Vasque/., Schegg, Corluy (probabilior) ; cf. Act., xiii, 33 ; Rom., i, 4 ; Col., i, 18 ; Matth., xxviii, 18.

c) En résumé, sans nous attarder au verset 11 612 a du même psaume, traduit par quelques-uns osculamini filium, cf. Corluy, toc. cit., et, en sens contraire, Lagrange, Revue biblique, 1905, p. 40, note 6, ni à Ps. Lxxix, 18, où filius hominis pourrait peutêtre se remplacer par filium tuum (Deiis), cf. Revue biblique, 1908, p. 490, notes 4 et 5 ; ni enfin à Ps. cix, 3, ex utero ante luciferum genui te, qui ne traduit pas le texte original, jamais l’Ancien Testament n’appelle le Messie Fils de Dieu ; c’est un titre qu’on donne aux anges de nature transcendante par rapport aux hommes, mais évidemment jamais la pensée ne vint au.x Juifs qu’un ange, fils de Dieu, serait le Messie. Celui-ci, en deux ou trois endroits tout au plus. Dieu l’appelle très spécialement « son fils » . En quel sens ? en un sens probablement imprécis, bien que sui generis, extraordinaire, apte à se remplir de toute la réalité temporelle et éternelle que déclareront les révélations ultérieures.

2. La nature transcendante, divine, du Messie. — Une série de textes, tirés des Psaumes et des prophètes a été fréquemment invoquée dans la controverse ou la théologie pour prouver la divinité du Messie. Si la preuve est admissible, c’est certainement la révélation aux Juifs de la « dualité divine » , comme disait saint Épiphane, car le Messie fut toujours évidemment distingué du Dieu qui l’envoie.

a) Psaumes. — Le Psaume cix, 1-3, est directement messianique. Cf. Corluy, op. cit., t. ii, p. 184-185 ; Reinke, Messicmische Psalmen, t. ii, p. 153-177. Il est, de plus, davidique, et non maccliabéen : c’est opinion traditionnelle fondée sur Mattli., xxii, 41 sq. ; Act., II, 32 sq., passages dilïicilement interprétés comme simples adaptations ad hominem, et la critique interne ne s’y oppose pas évidemment. Voir, en sens contraire, Lagrange, Notes sur le messianisme dans les Psaumes, dans la Revue biblique, 1905, p. 46-50. Il faut traduire leꝟ. 1 du texte hébreu ainsi : « Jahvé a dit à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite… » et remarquer que « Seigneur » appliqué au Messie '3-sb est bien différent de « Seigneur » > ; - ; s (avec suffixe et pluriel), appellation divine. Cependant être Seigneur de David le grand roi suppose indubitablement une dignité surliumaine manifestée par ce geste de Jahvé : Assieds-toi à ma droite. Après l’intronisation, c’est la domination absolue du Messie en Sion qui est décrite, en Sion d’où rayonne son sceptre. Puis le ꝟ. 3 du texte massorétique continue logiquement par la description du peuple messianique, saintement orné et armé, accourant se ranger autour du Messie. Cf. Corluy, op. cit., p. 188-191, pour une étude détaillée de ce texte très mêlé, mais qui ne nous intéresse pas, puisqu’il ne renferme rien sur l’origine ou la nature de ce Messie. Il en est de même des versions d’Aquila, de Symmaque, de la 5'= hcxaplaire, du Targum et de la version de saint Jérôme. Tout différent est le te.xte des Septante sur lequel a été modelé celui de la Vulgate et ici celui de la.version syriaque : « Avec toi, dit ce texte, est la puissance souveraine au jour de ta force, dans les splendeurs des saints ; de mon sein, avant l’aurore je t’ai engendré. » Quelle est la valeur de ce texte ? Il ne semble pas probable qu’il représente ici le texte original, malgré Franzelin, De Deo trino, th. xxx, p. 436-437 ; Hetzenauer, op. cit., t. i, p. 479, comme le reconnaissent Corluy, op. cit., p. 189 ; Fillion, Les Psaumes, p. 520 ; Lesêtre, Le livre des Psaumes, p. 538, etc. Comme dit très bien le P. Lagrange, toc. cit., p. 47-48, c’est réellement une transposition de l’ancien texte en un messianisme transcendant, le messianisme vécu vers le temps des Paraboles d’Hénoch. Voir plus loin. Dans cette transposition elle-même, c.v utero ante luciferum genui le arrive-t-il à la géiération éternelle