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FTLS DE DIEU


Chez plusieurs Pères antciiicéens, celle exégèse fut mise eu connexion avec les spéculations plus ou moins subordinatiennes de l’invisibilité du Père et de la médiation cosmique essentielle du Verbe, dont il sera question plus loin. Voir, par exemple, S. Justin, Dial. ciim Tnjphonc, 60, 127, 128, P. G., t. vi, col. 612, 772 sq. ; Athénagore, Lcgnlio, 10, ibid., col. 909 ; S. Théophile, Ad Aiitol., 1. II, n. 22, ibid., col. 1088 ; Episl. ad Diogiuicm, vii, dans Funk, Patres aposloUci, t. I, p. 139.

Pour tous ces interprètes, les théophanies de l’ange de Jahvé furent des apparitions personnelles du Verbe ; et c’est encore l’opinion de Hetzenaucr, op. cit., t. I, p. 472.

b) Cependant saint Jérôme fit remarquer que c'étaient les anges créés qui avaient été les médiateurs de Dieu dans l’ancienne loi, d’après saint Paul. Comment, in Epist. ad Gal., 1. III, 19, P. L., t. xxvi, col. 366. Cf. Heb., ii, 2 ; Act., vii, 53 ; Heb., i, 1. Saint Augustin, conformément aux principes fondamentaux de sa théologie trinitairc, insista ensuite sur l’unité absolue d’opération divine dans toute œuvre de Dieu ad extra et en conclut que les théophanies furent l'œuvre de toute la Trinité, De Trinitate, 1. II, c. v-1. III, P. L., t. xi.ii, ccl. 818-886 ; la forme sensible de ces théophanies fut, de plus, ce qu’on appela ordinairement une forme angélique, comme l’atteste toute l'Écriture ; Dieu parlait par cet ange, sa créature. Ibid., 1. III, c. xi.n. '22-27, col. 882-886.

Saint Augustin avait raison. Dieu ne peut être vu personnellement (lu’en lui-même par vision intuitive ou dans une liumanité qui lui est hypostatiquement unie ; en dehors de cela il n’y a que des créatures, œuvres de la Trinité, et attribuer au Verbe une opération distincte, c’est logiquen ; ent aboutir à l’arianisme : c’est ce que les Pères apologistes n’avaient pas vu très parfaitement. Saint Augustin fut unanimement suivi. Voir S. Grégoire le Grand, Moral., 1. XXVIII, c. I, P. L., t. Lxxvi, col. 447 sq. ; S. Tliomas, Siini. iheol., I', q. xLiiT, a. 7 ; Suarez, De angelis, 1. VI, c. XX, t. I, p. 765 ; Corneille de la Pierre, In E.vod., m, Paris, 1859, t. i, p. 451.

Ainsi, le male'ûk Jahvé était physiquement un ange créé. Mais, de même que dan les missions divines, cf. S. Thomas, /oc. cit., un oîjjet sensible, feu, colombe, voix, etc., peut symboliqncncn ! être ordonné à représenter distinctement une seule per onue divine ; les exemples dans le Nouveau Testament sont clairs et abondent. L’ange de Jahvé aurait pu par conséquent être la manifestai iun symbolique du seul Fils de Dieu ; et, n'était leur philosophie générale qui s’y oppose, ou pourrait interpréter en ce sens très ortliodoxe les textes des anciens Pères apologistes. Ce fut, à n’en pas douter la position de saint Augustin, v)U' François de Paide Blachère, lac. cit., et Franzelin, De Deo trino, th. vi, n. 2, p. 99-106 ; non pas que le ^'erbe seul puisse être symboliquement manifeste <lans une apparition sensible, sous prétexte que lui seul doit s’incarner. De Trinitate, 1. II, c. x-xviii, n. 18-35, toc. cit., col. 856-868 ; mais parce que, de fait, les textes le prouvent. Voir Augustin (Saint), t. i, col. 2349.

c) Ce sont donc les textes seuls que nous devons examiner. Laissant certaines interprétations évidemment accommodât ices, par exemple, Dieu vu par derrière, Exod., xxxiii, 23, c’est le Verbe incarné, nous avons à recliercher si la seule qualité d’ange fait du male'âk Jahvé le symbole, non du Père à qui il ne convient pas d'être envoyé, mais surtout du Fils, comme le dit saint Augustin, De Trinitate, J. II, c. xui, n. '23, P. L., t. xlii, col. 860 ; 1. III, c. xi, n. 24-26, col. 883-884. L’auteur de l’article de la Revue augitstinienne déjà cité semble adopter ce

sentiment. Cf. aussi Hetzenauer, loc. cit. ; P>ohling, L’ange de Jéhovah, dans Tiib. Theol. Quartalschrijl, 1866. Mais ce sentiment paraît reposer sur une confusion : si la qualité d'être envoyé ou la mission ne convient pas à la personne du Père, S. Thomas, Sum. theol., I-i, q. xliii, a. 4, 8, il convient évidemment à toute la sainte Trinité d'être symbolisée par un ange, comme par toute autre créature.

Partout où il s’agit simplement de l’ange de Jahvé, dans les textes cités plus haut, c’est donc Dieu qui parle à l’homme et non telle ou telle personne divine ; or c’est le cas le plus ordinaire. Donc les théophanies du male'âk Jahvé, au sens littéral, ne disent rien par elles-mêmes de la distinction des personnes divines, ni du P’ils de Dieu. Cf. E. Hugon, Les preuves scripturaires du dogme de la Trinité, dans la Revue thomiste, 1911, p. 283. Mais on en a souvent appelé à Isaïe, ix, 5 (6), où le Messie « conseiller admirable. Dieu fort, » etc., est simplement appelé par les Septante « ange du grand conseil » , et ce texte, indubitablement, a contribué à faire voir par la plupart des Pères le Fils de Dieu (qui devait s’incarner) dans toutes les apparitions de l’ange de Jahvé. Mais les scrupules des Septante, n’osant donner au Messie les noms transcendants de « Dieu fort. Père éternel, etc., » ne font évidemment pas autorité. Le contexte du moins, comme le croient Franzelin, loc. cit., et beaucoup d’autres, devra-t-il plusieurs fois faire voir dans les théophanies anciennes des personnes divines distinctes'? Le principal passage invoqué est celui des trois anges apparaissant à Abraham, puis détruisant Sodome. Gen., xviii-xix, 28. Ce texte regarde la Trinité en général ; il nous sullira de dire qu’au sens littéral les trois mystérieux personnages représentent plus probablement, le premier, Jahvé, et les deux autres, des anges ses ministres, comme l’interprétèrent saint Hilaire, De Trinitate, 1. IV, 25, P. L., t. X, col. 115 ; saint Ambroise, De ftde, I, 13, 80, P. L., t. xvi, col. 547 ; saint Thomas, Sum. theol., IP II*, q. lxxxiv, a. 1, ad 1°"'. Voir encore Fillion, La sainte Bible commenté.% t. i, p. 74, note ; Hummelauer, In Genesim, Paris, 1895, p. 405415. Le ꝟ. 24 du c. xix : « Jahvé fit pleuvoir sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu d’auprès de Jahvé, du ciel, » signifie tout d’abord, comme l’aflirnie Corneille de la Pierre, In Genesim, Paris, t. I, p. 231 : pluit Dominas a seipso, pula a se suaque omnipotentia, non a causis naturalibus… lia Cajetaniis, Pagninus, Vatablus ; c’est aussi l’opinion de Hummelauer, loc. cit., p. 415 ; les mots « du ciel » ne sont pas une redondance, mais une explication des m>ts « de Jahvé » .

Iji’in si l’on voulait identitier l’ange du Seigneur avec la sagesse ou le logos divins, nous dirions que cette identification est très problématique, comme nous le montrerons plus loin, et que, fût-elle réelle, elle pourrait n'être qu’une appropriation, d’ailleurs très fondée, des théophanies du male'âk Jahvé à la seconde personne de la Trinité.

rf) Quelle est l’origine de cette conception du male'âk Jahvél Les rationalistes bâtissent sur elle toute une théorie de l'évolution des religions sémitiques ; la manifestation divine aurait d’abord été identifiée avec Jahvé ; puis, sous forme d’ange, elle aurait évolué vers l’hypostase distincte. Buclianan Gray, art. A « ( ; c/, dans / ;  ; ui/c/opce(// « biblica. Pour détruire plus radicalement la théorie rationaliste, le P. Lagrange, lu-t. cit., s’efforce de démontrer que l’identification ou mieux la substilulion de l’ange à Jahvé n’est pas primitive, mais plutôt récente, et n’exprime pas un fait, mais une théorie théologique ; celle-ci se serait introduite dans les textes anciens par des retouches diverses. La théorie appa-