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l’autorité suprême de l'Église d’ajouter au symbole de Conslantinople. — L’addition au symbole peut être faite ou par la suprême autorité de l'Église, ou par une personne privée. Le décret du concile d'Éphèse frappe d’interdit les personnes privées, évêques, clercs ou laïques, qui s’arrogeraient le droit de modifier le symbole par de nouvelles additions. Cette défense était très juste et très opportune, parce que, dans les Églises d’Orient, circulaient plusieurs symboles composés ou altérés par les hérétiques, et les fidèles leur donnaient souvent leur adliésion sans souiiçonner le vice de leur origine. Mais il est évident que ce décret n’infirme pas le droit de la suprême autorité de l'Église, qui, dans un cas de juste nécessité, peut choisir une formule pour exprimer une vérité dogmatique et l’insérer dans ses professions de foi. Le symbole de Constantinople n’est pas une pièce écrite et rédigée par les apôtres. Il est le produit du travail spéculatif et théologique de l'Église, travail accompli avec l’assistance du Saint-Esprit. Il ne diffère donc pas, quant à sa valeur, des autres symboles, et si l'Église a le droit de développer par l’addition de nouvelles explications dogmatiques les autres symboles, elle garde aussi le même droit sur le symbole de Conslantinople. L’inviolabilité matérielle, littéraire du symbole de Conslantinople est doi ; c un dogme inventé par la théologie orthodoxe.

La faiblesse de rargumentation grecque est si évidente queProkopovitch lui-même a été obligé dereconnaître d’une manière générale aux conciles œcuméniques le droit d’ajouter au symbole, oslendendo neccssitatem et adjiciemlo cautelam, quod hoc fiai non ad infringendam auctoritatem synodi rphesina', scd alium flnem salularcm. Op. cit., p. 429. Donc, lorsque les Pères, par exemple, saint Cyrille d’Alexandrie, affirment qu’on n’a pas le droit d’ajouter même une syllabe au symbole de Nicée, EpisL, xxxix, ad Johemnem Antiochemim, P. G., t. lxxvii, col. 181, ils entendent parler des additions illicites faites par une personne privée. Saint Cyrille lui-même explique bien sa pensée, lorsqu’il écrit à Acace de Mélitène que, si les nestoriens corrompent le symbole de la foi, les conciles doivent répondre à leurs altérations par de nouvelles explications dogmatiques. « Celui qui agit ainsi, dit-il, n’ajoute rien de noueau, n’est pas coupable d’introduire des nouveautés dans l’exposition de la foi. Il ne fait que rendre plus compréhensible, à ceux qui sont à même de la comprendre, la vraie doctrine du Christ. » EpisL, xl, ad Acacium Mclitincnscm, P. G., t. LXXVII, col. 190.

1° L’addition du Filioque au symbole ne contredit pas le décret du concile d'Éphèse. — La théologie orthodoxe objecte que l’insertion du Filioque au symbole est illicite, parce qu’elle a été faite par l'Église romaine, non pas par un concile œcuménique, et en second lieu, qu’elle a clé faite d’une manière inopportune. Pour répondre à la première objection, il faut partir de ce fai. que, depuis sa fondation, l'Église romaine a reçu des prérogatives qu’elle ne partage pas avec les autres Églises particulières et que les évêques de Rome exercent de droit divin un magistère infaillible dans l'Église universelle. Voir Infaillibilité du pape. Nous pouvons déduire que les définitions dogmatiques de l'Église romaine, par l’organe de son chef, et les définitions dogmatiques des conciles œcuméniques sont mises sur le pied d'égalité, et que, par conséquent, au magistère infaillible de l'Église romaine appartient aussi le droit d’insérer au symbole de nouvelles explications dogmatiques. Or le Filioque n’est qu’une confirmation explicite d’une vérité déjà contenue d’une manière explicite dans une autre vérité déjà e.priniéc au symbole. « La procession du Saint-Esprit du Fils, dit saint Thomas d’Aquin, est contenue

implicitement dans le symbole de Conslantinople, en tant que celui-ci renferme la formule : Procedit a Pcdre. En effet, ce qu’on affirme du Père, s’attribue nécessairement au Fils, parce que le Père et le Fils diffèrent uniquement en ce que le Père est Père et le Fils est Fils. Mais à cause des erreurs qui révoquaient en doute la vérité de la procession du Saint-Esprit du Fils, il a été opportun d’insérer au symbole cette même vérité. Le Filioque n’est donc pas une addition illégitime, mais l’interprétation explicite d’une vérité implicitement professée. De même, s’il y avait des hérétiques qui oseraient nier cette proposition : « Le Saint-Esprit « est le créateur du ciel et de la terre, » il faudrait déclarer explicitement dans le symbole cette vérité, qui n’y est pas affirmée d’une manière explicite. » De potentia, q. x, a. 4. Cf. Mansi, Concil., t. xxxi, col. 584-58.T. L'Église romaine s’est donc bornée à exprimer dans le symbole une vérité préexistante, nous citons l’expression de Grégoire Maninias, op. cit., P. G., t. clx, col. 125, et elle s’est décidée à cet acte, lorsque sa doctrine a été attaquée et bafouée par la théologie grecque. Elle n’a fait que remplir son rôle providentiel, qui consiste à mettre en plus vive lumière les vérités de la foi, lorsque les hérésies s’appliquent à les offusquer. Sancta Ecclesia, dit saint Grégoire le Grand, subtilias in sua semper eruditione instruitur, dum hsereticorum quæstionibus impugnatur. EpisL, 1. VIII, epist. ii, P. L., t. Lxxvii, col. 906. Cf. Palmieri, // progresso dommatico, p. 49, 50.

A propos de la légitimité de l’addition du Filioque au symbole, nous pouvons donc conclure avec saint Bonaventure : « La profession de cet article de foi est venue par l'Église des latins et elle résulte d’une triple cause, savoir : vérité de la foi, nécessité du danger, autorité de l'Église. La foi dictait cet article ; il était à craindre qu’on ne le niât, et les grecs étaient tombés dans cette erreur ; l'Église avait l’autorité et, par conséquent, devait le définir sans retard. » In IV Sent., 1. I, dist. XI, a. 1, q. i. Opéra omnia, Paris, 1864, t. i, p. 303. La même pensée est exprimée par saint Anselme : Quoniam et nécessitas cogebed, et nulla ratio prohibebat, et vera fides hoc admitlebat, fiducialiter asseruit latinitas, quod eredendum et coufdendum esse cognoscebal. De proecssione Spiritus Saneti, P. L., t. cLvm, col. 317. CL Vitasse, -De Trinitatc, dans Migne, Theologiæ cursus completus, t. viii, col. 644-645.

8° Réponse (uix objections des grecs. — Les objections grecques contre l’addition du Filioque au symbole ne méritent presque pas d'être relevées. Nous les avons d’ailleurs réfutées plus haut. Ils reprochent aux latins d’avoir ajouté le Filioque au symbole sans nécessité ; d’avoir falsifié l’ancienne doctrine de l'Église ; d’avoir mis la main sur le sj’mbole sans avoir attendu le^ débats et la décision d’un concile œcuménique. Zigavinos, "A7tivTr](ji ; eî ; x-i]v èyxûy./tov è7ri(TToXT|V AéovTo ; I izipl iviodso) ; t/i ; àvaxoXixriç 'Enx>.r, (7caç [j.£Tà t-^ ; 6urc/.T(Ç, Marseille, 1894, p. 176. Nous avons démontré, au contraire, que le Filioque a été inséré au symbole pour mettre à l’abri la croyance dogmatique de l'Église catholique contre les erreurs semiariennes, priscillianistes et photiennes. Nous avons démontré que le Filioque n’est pas une falsification de la vérité chrétienne, mais l’explication, la déclaration d’un dogme clairement exprimé dans la tradition grecque et latine. Hugues Éthérien avait donc raison de dire aux grecs : Ecclesia romana neque offert, neque prodocet, neque aliud trudit symbolum, si edictum a sanctis Putribus interpretatur. Adi’crsus græcorum errores, iii, 16, P. L., t. ccii, col. 376-377. Nous avons enfin démontré que, s’il n’y a pas eu un décret d’un concile œcuménique pour sanctionner à son origine l’iiid’oductioii du Filioque au symbole, cette insertion a été reconnue, approuvée, admise, justifiée