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poniirc aux objections de ses adversaires, d'éclaircir les côtés obscurs de la vérité chrétienne, de trancher par des définitions précises les controverses dogmatiques, de proposer à ses enfants les vérités qu’on doit croire pour être sauve. Les premiers conciles de Nicée, de Constantinople et d'Éphèse ont rempli cette mission pour écarter les dangers qui menaçaient la vie de l'Église. Pourquoi donc cette mission devrait-elle cesser en vertu d’une décision conciliaire ? Ne répugne-t-il pas d’admettre que le III"' concile œcuménique ait obligé l'Église à renoncer à un droit qui est la manifestation la plus puissante de sa vitalité intellectuelle ? Dire que le concile d'Éphèse prescrit aux futurs conciles œcuméniques ou à la suprême autorité de l'Église de ne rien ajouter au symbole de Nicée ou de Constantinople, ce serait déclarer que, depuis 4.31, l'Église n’a plus le droit de proposer aux fidèles de nouvelles définitions dogmatiques, c’est-à-dire n’a plus le droit de déployer l’activité bienfaisante des trois premiers conciles œcuméniques. « Si l'Église a le droit de sauvegarder, d’expliquer, de définir plus exactement les vérités de la révélation, elle a aussi le droit de composer, en temps et lieu opportuns, de nouveaux symboles, c’est-à-dire elle a le droit de déterminer que telle ou telle vérité de foi soit renfermée et professée d’une manière plus explicite dans le symbole ; elle a le droit tfe clioisir la formule qui exprime cette vérité et de l’opposer aux erreurs qui menacent de corrompre la vraie doctrine du Christ. Ce droit et ce devoir viennent à l'Église de Dieu lui-même et l'Église les exerce en vertu de son infaillibilité doctrinale et de l’assistance divine du Saint-Esprit. On ne saurait donc afiirmer qu’ils appartiennent à l'Église d’une époque postérieure dans un degré moindre qu'à l'Église d’une époque antérieure. L'Église ne possède pas ce droit en vertu d’une loi variable, d’une concession temporaire. Ce droit est inhérent à sa constitution divine, à ses propriétés essentielles de société instituée par Dieu. Franzelin, Tradaliis de Deo irino, p. 548. Au point de vue juridique donc, le décret du concile d'Éphèse ne saurait priver l'Église d’une prérogative qui fait partie, pour ainsi dire, des éléments essentiels de sa constitution divine.

Enfin, cette interprétation est contraire aux intérêts les plus graves du monde chrétien. Il est un fait avéré que, pendant sa vie d’ici-bas, l'Église catholique est tenue de combattre sans cesse pour sauvegarder l’unité de sa foi, le dépôt intégral de la révélation chrétienne. Elle est toujours aux prises avec les falsificateurs de la doctrine qu’elle a reçue de Jésus-Christ, et elle ne serait pas à même de leur opposer une résistance victorieuse, si elle renonçait au droit d'éclaircir, de développer, d’expliquer les vérités de son credo. Mais ce travail d'éclaircissement du dogme ne suffit pas à la mettre à l’abri des assauts de ses ennemis. Il lui est nécessaire parfois de proposer à tous ses fils la définition précise, l’affirmation nette et péremptoire d’une vérité qui, d’après son enseignement infaillible, est contenue explicitement ou implicitement dans la révélation divine ; il est nécessaire que ses fils professent tous d’une manière identique la même vérité, qu’elle a essayé de mettre en lumière pour la soustraire aux fausses interprétations et déductions de l’hérésie. Si donc l'Église renonçait d’elle-même à ce droit d'éclaircir, de proposer à ses fils les vérités qu’elle déclare contenues explicitement ou implicitement dans la révélation divine et de les exprimer dans ses professions de foi officielles, elle laisserait ses fils désarmés contre les infiltrations de l’hérésie et elle détruirait dans son sein l’unité de la croyance dogmatique. Ce que nous disons est confirmé par les Pères du concile de Chalcédoine qui, dans leur allocution à l’empereur Marcien, s’expriment en ces termes : « 11

est nécessaire de combattre ceux qui s’efforcent de corrompre la saine doclrinc et de résoudre leurs objections. Si tous étaient satisfaits de ce qui a été établi dans le domaine de la foi, si des nouveautés folles ne jonchaient pas d’obstacles les sentiers de la piété chrétienne, nous n’aurions pas besoin de rien ajouter à ce qui a été déclaré dans le symbole. Mais puisque de nombreux fidèles se fourvoient et s'égarent dans le labyrinthe des erreurs, nous devons les convertir, nous devons leur manifester la vérité, nous devons nous préoccuper d’extirper leurs innovations par des moyens salutaires. » Mansi, Concil., t. vii, col. 456457.

Nous pouvons donc conclure avec Manuel Calécas : « L'Église n’a pas renoncé au droit d’enseigner, de dicter à ses enfants ce qui est vrai et utile au salut des âmes. Si cela était, en présence des hérésies, elle n’aurait pas défini ce qui distingue la piété de l’impiété ou même, " dès son origine, elle aurait inséré au symbole tout ce que nous sommes tenus de croire, car, de cette façon, elle aurait fermé la porte à toutes les nouveautés et enlevé aux conciles œcuméniques la possibilité de promulguer de nouvelles définitions dogmatiques. » Adversus greecos, 1. IV, P. G., t. clii, col. 187 ; Palmieri, // progressa dommatico nel concetio ccdlolieo, Florence, 1910, p. 48-51.

3° Le décret du concile d'Éphèse n’a pas ôté à l'Église le droit d’ajouter de nouvelles explications a i symbole en génércd. — Cette proposition est un corollaire de la doctrine que nous avons développée dans le paragraphe précédent. Si l'Église a le droit de fixer sa doctrine dogmatique, de la préciser par de nouvelles définitions, elle a aussi le droit de proposer ces définitions aux fidèles dans ses professions de foi officielles. Si on lui refusait ce droit, l'Église serait dans la condition d’un maître autorisé, qui se priverait sans raison de la liberté de communiquer à ses disciples le fruit de ses recherches scientifiques. L’ancienne polémique grecque n’admet pus la vérité de ce corollaire ; mais elle est si évidente que les théologiens russes les plus avisés se sont prononcés contre la prétendue inviolabilité du symbole. Symbohim, écrit Théophane Prokopovitch, licel quoad sententiam, est res plane theologica, quia nihil conlinet, quod non ex Scriptura deduchun sit ; attamen quoad verborum contextum, res est adiaphora, quia mère humana ; nec enim interest, quibus verbis et phrasibus fidem exprimas, modo bene expresseris. Ergo ex se non habet symbolum immutabilitcUis suæ vim. Trælatus de proccssione Spiritus Sancti, Gotlia, 1772, p. 428. Cf. Innocent, Bogoslovie oblitchitelno-, Kazan, 1859, t. ii, p. 88.

4° Le décret d'Éphèse n’a pas ôlé à l'Église le droit d’insérer de nouvelles explications cm symbole de Constantinople. — - Cette proposition est aussi un corollaire de la doctrine que nous avons précédemment établie, car un concile œcuménique n’a pas le droit de limiter l’autorité doctrinale de l'Église. Or il appartient à cette autorité de juger si, pour abattre les hérésies nouvelles, il convient d’ajouter à un symbole, quel qu’il soit, de nouvelles explications dogmatiques. Le concile d'Éphèse n’a pu donc restreindre l’autorité de l'Église touchant le symbole de Constantinople.

La théologie orthodoxe proclame l’inviolabilité du symbole de Constantinople et déclare que cette inviolabilité a été définie par le concile d'Éphèse et admise, en pratique, par les docteurs postérieurs à ce concile. Prokopovitch, op. cit., p. 427. Mais il n’est pas difficile de prouver que cette opinion paraît fausse historiquement et repose sans doute sur une fausse interprétation du décret du concile d'Éphèse.

Elle paraît fausse historiquement. Déjà Mgr Duchesne remarquait que rien n’autorise à penser que 'e symbole de Constantinople ait été promulgué par le concile de