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rateur de l’Église. » Voir une formule de ces prières dans le Supplément aux Nouvelles ecclésiastiques, 1735, p. 50.

Ses adversaires. — Cependant, les excès des convulsionnaires et des figuristes provoquèrent bientôt dans le parti des appelants une réaction contre les secours, les convulsions et les figures. Contre les figuristes s’élevèrent les antifiguristes. Leur chef était l’abbé Debonnaire. Voir t. iv, col. 160-161. Il fit paraitre avec Boidot des Traités historiques et polémiques de la fin du monde, de la venue d’Élie et du retour des juifs, 3 vol., 1737. Sept mémoires Sur le figurisme moderne avaient paru dès 1729 ; mais la lutte devint très vive en 1733. Le figurisme fut combattu encore par Charles-François Le Roy (1699-1787), Examen du figurisme moderne, daté du 7 juillet 1736 ; Lettre, du 13 mars 1738, à l’auteur des Nouvelles ecclésiastiques, et par Étienne Mignot (1698-1771), qui fit paraitre, le 22 septembre 1736, une Réponse à l’évêque de Senez, Soanen ; le 4 novembre de la même année, une Suite ; l’Examen des règles du figurisme moderne, 1737, et successivement, cette même année, trois autres écrits pour compléter les précédents et combattre les abus du figurisme et des convulsions.

Entre ces deux directions extrêmes des figuristes et des antifiguristes, il se forma, parmi les appelants encore, un parti mitoyen, qui faisait profession de s’écarter de tout excès dans cette voie, comme dans celle des convulsions. C’est le parti du juste milieu au sujet du figurisme. Il était formé par des signataires de la consultation du 7 janvier 1735, qui, tout en réprouvant les convulsions, ménageaient le figurisme. Cependant ils avaient rejeté, comme portant en soi « la preuve d’un vrai fanatisme, » le système, propre aux convulsionnaires, de la venue très prochaine d’Élie, de sa préparation par l’immolation de victimes, qui répandraient leur sang pour la vérité, qui apaiseraient ainsi la colère de Dieu, et dont le sang, mêlé à celui de Jésus-Christ, était le fondement de la miséricorde divine attendue. Les principaux tenants de ce parti étaient Besoigne, d’Asfeld, Delan, Fouilloux et Petitpied. Besoigne (voir t. ii, col. 800-801) avait publié Le juste milieu qu’il faut tenir dans la dispute de religion. L’abbé Debonnaire fit une Réponse au Juste milieu, ainsi que l’abbé Mignot, qui, en 1736, écrivit trois Lettres contre le livre de Besoigne. C’était ainsi, dans les trois camps, une lutte à coup de libelles, de pamphlets et de dissertations sans fin.

Le figurisme mitigé de Duguet avait été réfuté par des catholiques, par Étienne Fourmont, qui, sous le nom de rabbi Ismaël ben Abraham, publia : Mouhaka ou Ceinture de douleur, 1723 ; par l’abbé Léonard, Traité du sens littéral et mystique de l’Écriture sainte d’après la doctrine des Pères, et Réfutation des Règles, etc., Paris, 1727. Fourquevaux répliqua par La lettre d’un prieur à un de ses amis au sujet de la nouvelle réfutation du livre des Règles pour l’intelligence des saintes Écritures, 1727. Léonard y opposa des Remarques sur la lettre d’un prieur à un de ses amis. L’abbé François de la Chambre combattit aussi le figurisme modéré, sans son Traité de la véritable religion contre les athées, Paris, 1736, t. iv, p. 228 sq.

II. Réfutation sommaire. — Ni les principes ni les applications du figurisme janséniste du XVIIIe siècle n’ont plus besoin d’être réfutés. — 1° L’extension du sens spirituel à toute l’Écriture et la multiplicité des sens figurés ou figuratifs dans le même passage biblique n’ont aucun fondement ni dans l’Écriture elle-même ni dans la tradition ecclésiastique. Le figurisme mitigé lui-même dépassait la pensée des Pères de l’Église sur lesquels il s’appuyait. Cf. Léonard, Traité du sens littéral et du sens mystique des saintes Écritures, Paris, 1727, c. vii. Les Pères de l’Église sont antifiguristes. — 2° Les applications du système à l’histoire entière de l’Église, surtout à la situation de l’Église au XVIIIe siècle et aux derniers temps, étaient puériles et ridicules autant que vaines et non fondées ; la plupart n’étaient que des rêveries d’une imagination dévergondée. Il suffirait d’en citer quelques exemples pour en faire voir l’inanité, et on s’étonnerait que des hommes sérieux aient pu en être dupes, si la passion religieuse qui aveugle les esprits n’expliquait l’origine et le succès de semblables aberrations. Du reste, l’événement, qui est le plus sûr critérium des véritables prophéties, ne les a pas réalisées : Élie n’est pas encore venu et les juifs ne sont pas convertis. Enfin, comme le démontrait en 1732 un appelant, Questions sur l’origine et le progrès des convulsions, les figuristes, par leur théorie de l’apostasie universelle à peu près consommée de leur temps, aboutissaient à renverser la visibilité et la perpétuité de l’Église. Ils ne reconnaissaient pas l’autorité du pape, et ils admettaient les interprétations les plus fantastiques de l’Écriture.

Bergier, Dictionnaire de théologie, art. Écriture sainte, § 3 ; Figure, figurisme et figuristes, édit. Le Noir, Paris, 1874, t. iv, p. 337-340 ; t. v, p. 249-252 ; Picot, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique pendant le xviiie siècle, 3e édit., Paris, 1853-1855, t. ii, p. 164, 333-334, 379, 382-384 ; t. iii, p. 434-435 ; t. iv, p. 439-410, 469-470 ; t. v, p. 479 ; J.-B. Glaire, Introduction historique et critique aux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, 4e édit., Paris, 1868. t. i, p. 237-241.

E. Mangenot.


FILESAC Jean était le fils d’un notaire au Châtelet. Peut-être dut-il à cette origine le goût marqué qu’il montra toute sa vie pour la procédure. Le seul document qui nous fasse connaitre la date de sa naissance rapporte cet événement à l’année 1556. Mais, suivant du Boulay, il était déjà maître és arts en 1571, et, à ce titre, enseignait les humanités au collège de la Marche. Il y aurait passé six années, pour s’adonner ensuite à la philosophie. Aucun de ses historiens ne s’est étonné d’une semblable précocité. Quoi qu’il en soit de cet âge un peu tendre chez un maitre de l’ancienne université, il était certainement procureur de la « nation » de France en 1583. Il prit part alors aux discussions touchant l’organisation extérieure de l’enseignement dans les diverses « nations » . Il ne s’était pas encore occupé de théologie. Mais sa première publication d’humaniste : Frugmentum ex C. J. Cæsaris de Bello gallico annotationibus J. Filesaci illustratum, Paris, 1585, est en même temps un adieu définitif aux études profanes.

Cette année, en effet, il est reçu comme hôte du collège de Sorbonne. L’année suivante, il y est associé et l’université l’élit comme recteur. Il n’avait encore aucun grade théologique. Il fait alors sa licence. Mais il ne reçoit le bonnet de docteur que le 9 avril 1590. Pourtant il compte déjà comme l’un des personnages les plus importants de l’université. En même temps, il prend part à l’administration diocésaine. Il est dès lors chanoine de Notre-Dame. Il sera bientôt nommé cure de la paroisse de Saint-Jean en Grève qu’il dirigera pendant plus de quarante ans. Dans les temps difficiles de la Ligue, on le trouve le plus souvent du côté des modérés. Il se rallie sincèrement à Henri IV. C’est lui que le chapitre députe vers le bureau de la ville et le lieutenant criminel pour régler la cérémonie de la réduction de la cité aux mains du roi.

Ce ministère extérieur ne lui fait pas négliger la science sacrée. Il public en 1600 son premier ouvrage théologique : De quadragesimæ varia et multiplici observatione apud christianas gentes commentarius. Il y expose l’origine du carême et la variété des observances en lesquelles il consiste. Il montre que le jeûne de quarante jours a été le plus communément reçu, énumère les choses que l’on peut manger en carême, étudie, dans la tradition, le précepte de l’unité