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FIANÇAILLES


gâtions. C’est la discipline que nous allons étudier, telle qu’elle était avant le décret Ne temere, et telle qu’elle est aujourd’hui. On établira d’abord la discipline d’ensemble, et on signalera seulement ensuite les modifications d’ordre extérieur qui résultent de ce décret.

Avant le décret Xc temere.

Affîrmons bien hautement que la législation et le caractère des fiançailles

restent dans l’ensemble, hors les modifications à signaler, ce qu’ils étaient auparavant. Toute la discipline des fiançailles repose sur la notion que l’on se fait de ce contrat. Les fiançailles sont un contrat, une convention synallagmatique entre deu.x personnes déterminées, un homme et une femme, tel homme et telle femme. Aux conséquences naturelles qui résultent de cette notion, la jurisprudence de l'Église a ajouté un certain nombre de conclusions pratiques.

1. Nature des fiançailles.

Les fiançailles ne sont pas un simple projet de mariage, mais un engagement bilatéral au mariage futur que ces personnes contracteront l’une avec l’autre après un certain laps de temps. Promettre de ne pas épouser d’autre personne que tel homme ou telle femme déterminée ne constitue pas les fiançailles. Celles-ci sont un contrat consensuel : elles requièrent im consentement actuel à la promesse réciproque d’un mariage futur. Le consentement doit être émis par les deux parties, l’engagement d’un seul crée en lui une obligation, mais non les fiançailles. Tout consentement, tout engagement, pour lier, requiert certaines conditions d’intelligence et de volonté : Quiconque est incapable d’un acte humain est incapable de fiançailles. II faut donc que l’un et l’autre contractant aient l’usage de la raison, ce qui exclut les déments et tous ceux qui, pour une cause quelconque, ivresse, maladie, etc., sont privés de l’usage actuel de leur raison. La jurisprudence a, par une présomption très légitime, inclus dans la catégorie de ces incapables les enfants au-dessous de sept ans, quelle que soil la précocité de leur développement intellectuel. En un mot, il est requis que l’un et l’autre contractant comprenne d’une façon suffisante à cjuoi il s’engage, sinon son consentement serait dépourvu des qualités d’intelligence nécessaires à tout acte humain.

Il faut que le consentement soit exprimé, c’est-àdire manifesté à l’extérieur. Comment les parties contractantes pourraient-elles prendre acte, l’une à l'égard de l’autre, de leur engagement réciproque si elles ne se manifestent extérieurement leur pensée et leur volonté? En soi, aucune forme sijéciale ne serait requise comme condition de validité, et, de fait, avant le décret Ne temere, aucune loi générale de l'Église n’imposait de modalités extérieures nécessaires. Le consentement constitutif des fiançailles pouvait être émis indifféremment par paroles, signes, actes, par lettre, par procureur, par interprète, voire par le silence ci’acquiescement, bref par tous les moyens dont l’homme se sert pour exprimer sa pensée. Et cela demeure vrai pour tous ceux que n’atteint pas ce récent décret.

Consentement, engagement vrai, réciproque, manifesté extérieurement et accepté de même : ces conditions essentielles ne sufiisent pas. Il faut, de plus, que la promesse porte sur quelque chose de possible et d’honnête, car selon le dictum du droit : quand on a promis quelque chose de mal, il ne convient pas de tenir sa promesse : in malis promissis fukm non expedil observari. Recj. C9 juris dans le Scxte. D’autre part, à l’impossible)iul n’est icnw : mmo potest ad impossibile oblit/ari. RerI. (î, ibid. — Quand on parle d’honnêteté il faut considérer non seulement la loi naturelle, mais encore la loi ecclésiastique. Les promesses de mariage échangées entre deux parties que sépare un empê chement de mariage, même un empêchement purement ecclésiastique, soit dirimant soit prohibitif, si cet empêchement est, de sa nature, perjjétuel, et que les parties n’aient pas pensé à demander une dispense, ces promesses de mariage faites de illicito ne sont pas des fiançailles. Par contre, si l’empêchement au mariage est temporaire, ou si l’une des parties peut l'écarter sans manquer à ses devoirs, les fiançailles dont l’accomplissement et l’obligation seraient remises après la cessation de cet empêchement sont parfaitement valides : par exemple, entre deux personnes dont l’une n’est pas catholique, la promesse de mariage sous la clause : je vous promets le mariage après la conversion. Il faut exclure toutefois le cas où la condition olTrirait quelque danger pour la morale : aussi les auteurs sont unanimes à dire qu’entre une personne libre et une personne mariée, à plus forte raison entre deux personnes mariées, une promesse réciproque de mariage, faite même sous la condition que la promesse n’engagerait qu’après la mort du conjoint, est considérée comme immorale et ne peut acquérir valeur de fiançailles. De même encore dans tous les cas où, par suite du vœu de chasteté, de religion et autres semblablement opposés au mariage, les promesses échangées sont des promesses de illicito. Il en serait autrement, d’après des auteurs sérieux, bien qu’il y ait, sur ce point, controverse, si les deux parties, conscientes de l’empêchement, échangeaient leur promesse réciproque sous la condition que l’on obtiendrait préalablement la dispense requise, car cette condition ne serait pas contre les bonnes mœurs, s’il s’agit de dispense que l'Église peut concéder et accorde comnmnément. Les promesses de futur mariage au.xquelles manquerait l’une ou l’autre de ces conditions nécessaires ne mériteraient pas le nom de fiançailles.

Ne seraient pas non plus des fiançailles les promesses de futur mariage viciées par une erreur sur la personne ou sur toute qualité de nature telle que l’erreur sur cette cjualité se résout en erreur sur la personne ; des promesses faites sans délibération et sans advertance suffisantes, lors même qu’elles seraient faites par des ijersonnes d'âge mûr et ordinairement conscientes de leurs actes ; des promesses simulées, où la volonté décide le contraire de ce qu'énoncent les paroles (quoi qu’il en soit, en pratique, au for extérieur quant à la difficulté de prouver le fait de la simulation) ; des promesses qui sont de pure plaisanterie ; des promesses extorquées par contrainte morale ou par violence physique graves : dans tous ces cas les fiançailles seraient nulles au moins dans les mêmes conditions où le serait le mariage.

On a parlé jilus haut des fiançailles contractées sous la condition cjue les parties obtiendraient dispense de l’empêchement existant. Les auteurs étudient à cette occasion la question des fiançailles conditionnelles en général, et donnent des règles diverses. Résumons leur enseignement, eu tlisant que : a) sont nulles les fiançailles contractées sous condition déshonnête, honteuse, contraire à l’essence ou aux devoirs fondamentaux du mariage, ou dont la réalisation est impossibe, que ce soit dans le passé, dans le présent ou dans l’avenir ; 6) sont valides celles où la condition est réalisée ou doit nécessairement se réaliser ; r) quant aux cas où la condition peut se réaliser, il y a discussion : on admet volontiers que les fiançailles conclues entre im catholique et un non -catholique sous la condition que celui-ci se convertira préalablement sont valides sans qu’il y ait besoin d’une ratification expresse après le fait de la conversion ; de même pour la condition que les parties obtiendront fe consentement des parents ; dans d’autres cas, par exemple, sous la condition que l’on obtiendra les dispenses ecclésiastiques nécessaires, plusieurs tiennent que ces