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FEU DU PURGATOIRE


feu, voit « les terreurs du jugement dernier, la honte de cette révélation, l’effroi causé par le regard du juge indigné. » Commentaire sur la /" Épître aux Corinthiens, Paris, 1885, t. i, p. 174. Le P. F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, t. i, note G, p. 138 ; le P. Pesch, Pra’leetioncs dogmatic(e, Frhourgen-Brisgau, 1911, t. ix, u. 590, inclinent également vers le sens du feu métaphorique du jugement. Bellarmin, Controvcrsiie, Dcpurgatorio, 1. I, c. v, Opéra, Paris, 1870, t. viii, p. 65 sq., veut que le premier feu (lu ». 13 soit le feu de la conflagration générale, le second, le feu métaphorique du jugement, et que le feu du, v. 15 soit le feu réel du purgatoire. Estius, Comment, in omnes S. Paiili epistolas, Mayence, 1858, t. I, p. 409, apprécie sévèrement cette exégèse : Aliis absurdum hand inwierito videtur, apostolum in uno eonte.rlu paucorum verborum tum varie loqui de igné. Nec facile quisquam sibi persuaseril tertio loco purgalorium ignem siijnificari, si primo et secundo loeo diversus ignis significatus fueril.

On concède généralement aux grecs et à nombre d’auteurs acatholiques, voir, par exemple, Mçyer et Godet, qu’il ne s’agit pas directement dans ce texte du feu du purgatoire, car le feu du purgatoire « purifie, mais n’éprouve pas… et il n’a aucune action sur les œuvres excellentes représentées par l’or, l’argent et les pierres de prix. » F. Prat, op. cit., t. i, p. 138. La plupart des Pères, des théologiens et des exégètes voient dans le feu dont parle saint Paul le feu de la conflagration qui s’allumera au jour du Seigneur (au jugement), c’est-à-dire le feu de la conflagration en tant qu’il se rapporte cm jugement qui éprouve les œuvres des hommes, et en tant qu’il servira de feu purificateur pour les derniers justes encore non entièrement purifiés. Voir Estius, loc. cit., p. 409 sq. Xous avons déjà pressenti que telle était la doctrine des Pères qui ont admis un feu réel au jugement, voir Feu du jugement, col. "2243, et avons laissé entendre que cette façon de parler pourrait bien n’être que la première expression de la croyance catholique au feu du purgatoire ; on justifiera plus loin cette manière de voir. A ces Pères, il faut ajouter saint Augustin qui, expliquant I Cor., xiii, 13-15, formule nettement l’hypothèse du feu réel purificateur qui, après la mort, tourmentera plus ou moins longtemps certains fidèles d’ailleurs sauvés en principe : nonnutlos fidèles per igneni quemdam purgalorium, quanlo mugis minusve bona pereuntia dilcverunt, tanto tardius citiusque scducui, Enchiridion, c. LXix, P. L., t. XL, col. 265 ; cf. De civilate Dei, 1. XXI, c. xxvi, P.L., t. XLi, col. 745 ; In ps.x.xxvii, 3, P. L., t. XXVI, col. 397 ; S. Jérôme, / ; i Matth., III, 12, P. L., t. XXVI, col. 30 ; Arfyc/SHS Joi’in., l. II, n. 22, P. L., t. XXIII, col. 317 sq. ; S. Grégoire le Grand, Dial., 1. IV, c. xxxix, P. L., t. Lxxvii, col. 397 ; In ps. pieu., i, 1, P. L., t. lxxix, col. 553. Cf. S. Hilaire, 7/1 Matth., c. ii, n. 4, P.L., .. ix, col. 926.

La transition logique du feu de la conflagration au feu du purgatoire, soupçonnée par saint Augustin, a été formulée par les théologiens postérieurs, et ainsi I Cor., iii, 13-15, argument direct en faveur du feu de la conflagration, est devenu un <(rgumenl indirect en faveur du feu réel du purgatoire. Voici le raisonnement dans sa substance : le feu de la conflagration dernière, étant placé aux confins de la vie présente et de la vie éternelle, aura, pour ainsi dire, une double action : en tant qu’il termine la vie présente, il s’attaquera à tous et à tout, brûlera et détruira les bons elles mauvais dans leur vie corporelle, et, en ce sens, il ne sera pas le feu qui éprouve, en tant qu’il appartient déjà à la vie future, instrument de la divine justice, il punira et purifiera les âmes des derniers justes dont il aura causé la mort.

A pcui, ou peut donc inférer logiquement qu’après le jugement particulier, qui sera le « jour du Seigneur » pour chacun des hommes, pareille purification sera nécessaire aux âmes non complètement encore dégagées des souillures du péché. Voir S. Thomas, Opusc, III, c. ix ; Estius, In IV Sent., 1. IV, dist. XXI, § 1 ; Vasquez, In /"" II<^ Sum. S. Thoma-, disp. CXLVII, c. i ; Suarez, De særamentis, part. II, disp. XLV, sect. i ; Billot, De novissimis, q. iv, th. v, § 2, et tous les théologiens et exégètes cités par Cornely, op. cit., p. 89. Mais il faut ajouter que l’argument n’est pas apodictique et ne présente qu’une valeur de probabilité. L’opinion qui n’admet dans I Cor., iii, qu’un feu métaphorique du jugement reste conciliable avec la doctrine catholique du purgatoire et de ses preuves scripturaires. Voir Pesch, loc. cit., et Purgatoire.

m. LA TRADITION ET LE FEU ItÉEL DU PURGATOIRE.

— La vraie preuve de la réalité du feu du purgatoire repose sur la tradition. Nous examinerons successivement : 1° la tradition primitive du feu du jugement ; 2° les affirmations de l’Église grecque relatives au feu purificateur ; 3° les affirmations de l’Église latine.

Le feu du jugement.

Il nous semble que ce

soit là la première formule de la croyance au feu réel du purgatoire. Le feu réel du jugement prend, en effet, chez les auteurs qui en parlent, tous les caractères d’un feu purificateur. Or, même en admettant que ce feu soit strictement l’instrument du jugement, cette croyance à un uùp xaOïp-ty.(5v témoignerait en faveur de la réalité du feu du purgatoire, au moins à l’heure du jugement ; et nous pourrions lui applicpier le raisonnement que les théologiens tiennent, voir ci-dessus, à l’égard de I Cor., m. Mais nous sommes d’avis qu’il y a ici, chez les Pères qui ont soutenu la réalité du feu du jugement, une simple erreur de perspective, erreur commune à leur époque. La croyance presque unanime des cinq premiers siècles reculait jusqu’après le jugement l’entrée des justes au paradis, des méchants en enfer. Voir Feu de l’enfer, col. 2208. La situation des âmes jusqu’à la fin du monde n’était pas bien définie et les Pères qui en parlent ne s’en expliquent qu’en termes assez vagues. On trouve déjà l’exposé de cette situation imprécise dans le pseudo-Athanase, Quæstioncs ad Antioclium dueem, q. xx, P. G., t. xxviii, col. 610, dans Diadoquc de Photice, De perfeclione spiritucdi, c. c, P. G., t. Lxv, col. 1211. Au concile de Florence, Marc d’Éphèse, voir Mansi, Concil., t. xxxi, col. 489 ; et P. G., t. clx, col. 185 (dans les réfutations du patriarche Grégoire Mammas), témoigne que beaucoup de grecs adoptent encore cette opinion, et l)ar là, comme le remarque Hefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, Paris, 1876, t. xi, p. 397, s’expliquent les divergences, surtout verbales, qui régnaient entre eux. On retrouve la même aflirmatiou dans la confession de Moghila, part. I, q. xlviii, Kimmel, op. cit., p. 138, au synode deConstantinople, 1722-1724, c. V, MansiPetit, Concil., t. xxxvii, col. 199-202 ; et tout récemment encore. Journal de Genève, 20 janvier 1910, le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Mgr Gérasime Massarra, reprenait la même thèse, qu’il prétend être encore la croyance actuelle de l’Église grecque : « Il est notoire, dit-il, que notre sainte Église croit ce qu’ont dit les anciens Pères, à savoir cjue les âmes des justes jouissent de la félicité dont les âmes sont capables. Ce qui veut dire que Véted des âmes dans l’espace de temps qui va de la mort au jugement (dernier) est Véted d’individus réservés cm jugement d’un juge juste ; l’innocent d’entre eux est bienheureux pur la conscience de son innocence et le coupable est medheureux par la conscience de sa