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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS'


est extrinsèque à ressence de l’accident absolu. Elle n’est qu’un rapport extrinsèque à la causalité naturelle, extrinsèque aussi à la substance, causalité qui peut être suppléée par celle de la cause première ; parmi les causes extrinsèques, celle-ci est seule absolument requise. Saint Thomas n’aurait pas rejeté ce principe de l’argumentation scotiste. Siim. iheol., 111^, q. Lxxvii, a. 1. Seulement, pour Scot, le miracle de la subsistance des accidents n’est pas dû à la collation d’un être positif nouveau ; il est dû à la privation d’une relation réelle à la substance, inhérente aux accidents avant la transsubstantiation : Esse illud in pane fuit subjectum cujiisdam respectiis rcalis ad panem ; quando aiilem est per se, privaiur illo rcspeclu et per hoc palet quod dicunt diversum modum circa esse, ponendo respeclum ad aliud et privando. L’opposition entre Scot et saint Thomas est ici celle du formalisme au réalisme. Pour Scot, l’accident a dans le composé substantiel un acte propre, distinct de l’acte substantiel ; en niant cet acte propre de l’accident, saint Thomas demeure dans la logique de la distinction réelle qu’il pose entre l’essence créée et son existence. Même opposition touchant le sujet immédiat des qualités sensibles du sacrement. Scot ne voit pas de difficulté à ce qu’un accident absolu demeure privé de tout sujet soit accidentel, soit substantiel, à ce que les qualités du pain existent séparées de sa quantité ; ces qualités sont individuelles par elles-mêmes, tandis que, pour saint Thomas, leur individuation ne peut dériver que d’un sujet ; la quantité dimensionnelle, impliquant l’ordre des parties potentielles distinctes, c’est-à-dire des situations différentes, les qualités ne seront déterminées dans l’espace et le temps que par leur sujet prochain, c’est-à-dire les dimensions des substances consacrées. S. Thomas, Contra génies, l. IV, c. Lxv. A cette théorie, Scot oppose son principe : Nilnl est singulare per aliquid allcrius generis. Puis, après avoir écarté les doctrines extrêmes, celle de Gilles de Rome prétendant que la quantité seule peut demeurer sans rapport et celle de Godefroid de Fontaines posant qu’aucun accident n’a pour sujet un autre accident, il édifie sur leurs ruines, grâce à une profusion de distinctions, une sorte de théorie moyenterme qui aboutit à lui faire prendre une position assez hésitante, vis-à-vis de la tlièse thomiste : De quanlitale respondent diversimode. Qui enim dicunt quantitalem esse aliam esscnliani absohilam ab essenlia subslanliæ corporcæ et qualitalis, sicut dicil communis opinio, diccrent quanlilalem hic esse sine subjecto, sed non qualilalem, imo quod qualilas est in quantilale. Et cette opinion a ses arguments probables. En effet, le sens perçoit l'étendue des qualités sacramentelles ; or, une chose étendue, qui ne tient pas d’elle-même cette propriété, ou bien la reçoit en elle ou y est ellemême reçue ; la première hypothèse est exclue par l’opinion commune ; il reste donc que les qualités sacramentelles ne sont étendues qu’indirectement, parce que reçues dans un sujet étendu, ce qui est conforme, ajoute le docteur subtil, à la doctrine posée dans les catégories, au chapitre de la quantité : Quanta est superficies, tanla est albedo. Il reconnaît même à cette doctrine des avantages particuliers, lorsqu’il s’agit de rendre compte de la possibilité de l’altération des espèces consacrées. In IV Sent., 1. IV, dist. XII, q. V, n. 4, Lyon, 1639, p. 773. Mais Scot n’ignore pas qu’il y a une autre solution, la solution nominaliste, déjà signalée par son devancier et confrère, Richard de Middlctown : Qui autem dicerent quant iUdem subslanliæ non esse aliud ab essenlia subslanliæ et quant itatcin coloris non esse aliud a colore, dicerent qualilalem hic non esse in quantilale, imo magis qucmlilalem, quee apparel, esse quanlitalem qualitalis, et il nous renvoie à son commentaire du

11"= livre des Sentences, dist. XIT, q. i. Nous y lisons ce passage, manifestement favorable à la position thomiste : Polenliale et receplivum accidentis alicujus, in uno génère alicujus generis priorisest aliquid actuale, ut receplivum in génère coloris et universaliler in génère qualitalis est aliquid actuale de génère priori scilicel de génère quantilalis, ul superficies de génère qualitalis. Mais si la matière première, comme le veut le docteur subtil, a par elle-même un acte entitatif, il lui sera bien difficile de lui refuser une sorte de quantité substantielle, la matière étant le principe radical des dimensions corporelles, ce qui l'éloigné de l’opinion commune, pour le rejeter du côté des nominalistes. Nous lisons effectivement un peu plus loin : Si quæras eliam an habecd parles (maleria ens aclu)'l Dico quod parles svdstaxtiales habecd ; illas enim non habet per quanlitalem. Quelle est cette étendue actuelle, aussi actuelle que la matière première, et qui n’est pas due à la quantité accidentelle ? Ceci prouve que les divergences doctrinales du thomisme et du scotisme sont commandées par des différences principielles irréductibles dans l’interprétation des principales doctrines du péripatétisme, différences dont les longues controverses entre les deux écoles ne sont que les contre-coups particuliers. En accumulant les ruines des systèmes adverses, Scot ne réussit le plus souvent qu'à embarrasser sa propre marche ; ses positions mitoyennes obscurcissent plus qu’elles n'éclairent les questions. On ne peut que souscrire au jugement de Denys le Chartreux, qui, après avoir rapporte en substance les solutions de Scot, émet cette réilexion : Hœc Scolus. Qui circa hœc scribil mullum prolixe, et ea quæ magis inuoluant quam élucidant veritalem. Opéra omnia, Tournai, 1904, t. xxiv, p. 317.

Après Scot, la ciuestion des accidents eucharistiques devient de plus en plus fonction des controverses philosophiques qui divisent les écoles. Les divers commentateurs des Sentences répètent les solutions de leurs chefs de fde, réfutent les arguments '^des écoles opposées et, par des raisons différentes, aboutissent assez souvent aux mêmes conclusions. C’est ainsi que Thomas de Strasbourg (]- 1337), un des continuateurs de Gilles de Rome, rejette contre celui-ci que seule la quantité soit séparablc, contre les thomistes qu’une réalité positive quelconque soit conférée aux accidents eucharistiques, contre Scot que tous les accidents existent en fait sans sujet. Les vues de Scot et d’Auriol sont réfutées par Caprcohis, dont le commentaire de Paul Barbe Soncinas offre un résumé substantiel et clair ; la même controverse envahit encore les commentaires de Thomas deVio, à la Somme de saint Thomas.

Avec l’occamisme, le débat se concentre autour de la question de la distinction réelle de la substance et de la quantité. D’après Occam, cette distinction ne peut être prouvée avec évidence, ni par la raison, Quodlib., IV, q. xxx, ni par les principes de la foi, ibid., q. xxxi ; il ne lui paraît pas qu’elle ait pour elle l’autorité d’Aristote, ibid., q. xxxii, ou celle des saints. Ibid., q. xxxin. La quantité n’est pas un milieu réel entre la substance et la qualité : Pluralilas non est poncnda sine necessilnte. Sed non est necesse ponere talem rem mediam. Ergo. Ibid., q. xxxii. A l’opinion commune qui se prévaut de l’autorité de saint Augustin, ibid., q. xxxiii, il oppose des arguments de raison, tirés des phénomènes de la raréfaction et condensation réelles. Il n’est pas exagéré de prétendre que son traité De sacramento altaris n’est autre chose que^ce nominalisme de la quantité appliqué au dogme. Seulement, se sentant novateur, il est prudent et sait prendre ses précautions : Quidquid dicani sub quacumque forma verborum, quod potest aliquo modo deduci contra quodcumquc diclum in sacra