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FEU DE L’ENFER


cations touchant les corps ressuscites des damnes, voir ExFER, col. 63, affirme très nettement qu’ils ne seront pas anéantis. In ps. lxix, 3 ; In Matlh., v, n. 12, /’. L., t. IX, col. 491, 949 : coiporalis et ipsis œternilas destinabitur ut ignis œleini in ipsis sit œterna materies. Saint Pacien, Parœn. ad pœnit., c. xi, XH, P. L., t. xiii, col. 108, s’écrie : Timele, (lilcclissimi, justa judicii… Post animanim tempestivu supplicia, redivivis qiuquc perpétua corpvribus »a’na servanlur… Ipse sibi niaieriam rccresccnlium corpoium réparai ignis œlernus. Saint Cyrille de Jérusalem, Cal., xviii, n. 19, P. G., t. XXXIII, col. 1040 : Si quis autem peccalor est, corpus accipiet œternum perpclicndtv pœnse capax, ut in igné œternum combuslum nunquam absumatur. Saint Ambroise, In Episl. / « rf Cor., xiv, 53, P. Z, ., t. XVII, col. 271, dit des pécheurs : immortales erunt, non tamen impassihiles ; impii œterna pœna torquentur. Saint Jérôme, In Is., lxv, 20, P. L., t. xxiv, col. 646 : Sanctus et peccalor erunt simili resurrcctione perfecti, nec inter se variabunt tempore ; et in eo peccator maledictus crit, quod incorruplo corpore pœnas palictur œternas. Est-il besoin d’ajouter, à toutes ces autorités, celle de saint Augustin ? Epist., ccv, n. 14, 15, P. L., t. xxxiii, col. 947 : Qui ad judicium resurrcduri sunt, non commutabuntur in illam incurruptelam quæ nec doloris corruptionem pati potest. Illa namque fldelium est alque sanctorum ; isti vero perpétua corruptione CTUciabunlur… [Peccatores] incorrupli résurgent integritatc membrorum, sed lamen corrumpendi dolore pœnarum. On trouverait d’autres témoignages aussi explicites chez des auteurs de moindre importance, comme S. Maxime de Turin, Tract., II, De baptismo, P. L., t. Lvii, col. 777-778 ; Gennade de Marseille, De .ceci, dogm., c. vi, P. L., t. lviii, col. 982 ; Julien Pomère, De vita eontempl., 1. I, c. iii, P. L., t. lix, col. 420 ; mais ce que nous avons déjà dit est suffisant pour démontrer que le fait de l’incorruptibilité des corps damnés, sous l’action du feu infernal, est une vérité universellement acceptée.

2. Explication de cette incorruptibilité.

La plupart des Pères ne se sont pas inquiétés de donner une explication ; ils aflirment simplement le fait : le feu de l’enfer, si mystérieux en lui-même, agit comme instrument de la justice divine ; quoi d’étonnant que son iiction ne ressemble pas à celle du feu terrestre ! Lactance, on l’a vii, art. Enfer, col. 02, trouvait une explication aussi simple qu’inadmissible : una cademque vi et crcmabil impios ac sibi ipse œternum pabulum subministrabit. Voir encore les textes de Minucius Félix, col. 50, de Tertullien, col. 68, de saint Pacien, plus haut, col. 2237. Saint Augustin cxiilique l’incorruptibilité du corps par l’immortalité de l’âme, car, au fond, ce qui souffre dans l’homme, ce n’est pas le corps, mais l’âme, même lorsque la douleur est localisée dans le corps. Si consideremus diligentius, dolor qui dicitur corporis, magis ad animam pcrtinet. Animæ enim est dolere, non corporis, etiam quando ci dotendi causa cxsistit a corpore, cum in eo loco dolct, ubi tœditur corpus. De civilate Dei, 1. XXI, c. iii, 2, P. L., t. XLi, col. 711. Voir Lehaut, op. cit., p. 86.

A propos de l’incorruptibilité du feu lui-même, voir col. 2223, nous avons déjà indiqué la solution des scolasliques du moyen âge, laquelle s’applique à l’incorruptibilité des corps eux-mêmes sous l’action du feu. Les anciens, plaçant le principe de la corruption dans le mouvement, dont le point de départ est dans les corps célestes, moteurs des corps terrestres, affirmaient avec saint Thomas que, cessante motu cœlesti, nihil (est] agens quod possit corpus pcr alterationcm atiquam Iransnuitarc a sua natwxdi proprietate, et ideo post resurreclionem, cessante niotu cœle-fti, nulla qucditas erit sufficiens ut corpus Intmemum allerarc possit a sua Jiaturcdi quantilule. III- Suppl., q. lxxxvi, a. 2. Incor ruptibles, les corps damnés seront cependant passibles. Sans doute — et tous les théologiens du xiiie siècle l’allirmèrent expressément — le feu n’étant qu’un instrument de la justice divine, il faut supposer que son action n’est pas de tous points naturelle, et on peut concevoir ciue Dieu, agissant par le feu, les conserve surnaturellenient dans leur intégrité complète. Mais on peut aussi tenter, pour une partie du moins, une explication rationnelle.

Saint Thomas, logique avec le principe de l’absence de toute altération physique, dit que Dieu se servira du feu pour laisser dans les corps des damnés, non plus des impressions matérielles, mais des impressions d’ordre intentionnel, ce qu’il appelle passiones animæ. Ce sera donc d’une façon pour ainsi dire spirituelle que le corps lui-même souffrira, a. 3. Les grands commentateurs de saint Thomas restent fidèles à la pensée du maître. Voir les auteurs cités, col. 2232, et, en plus, Jean de Saint-Thomas, toc. cit., dist. XXIV, a. 3, n. 11.

Suarez montre bien les deux points faibles de la théorie thomiste : tout d’abord, le principe de physique sur lequel elle s’appuie est une doctrine vieille et rejetée par tous ; ensuite, ce n’est pas assez d’attribuer au corps une passion de l’âme : l’aUération produite sur lui par le feu doit être d’ordre physique et réel. Mais — etc’est là l’idée originalede la thèse suarcziennc

— elle doit être d’un degré tel qu’elle ne compromette jamais l’équilibre nécessaire à l’union de l’âme et du corps ; et si cela n’est pas suffisant pour expliquer l’intense douleur des damnés, il faudra admettre que le feu, instrument de la vengeance divine, dépose de plus, dans les corps, une qualité dolorifère qui les crucifie. C’est la même théorie que pour l’âme. In III « ^ Sum. S. Thomæ, q. lvi, a. 2, disp. IV, sect. iv, n. 12. Suarez a-t-il pressenti par là la théorie moderne de la peine du feu, appliquée aux corps, expliquée uniquement par des mouvements physico-mécaniques ? On le croirait, s’il n’avait pas encombré sa thèse de l’addition de cette qualité dolorifère valde disconvenicntis ac velicmentissimum dolorem infercntis. Mais il faut aussi insister sur une autre et, cette fois, très juste remarque : il n’est pas suflisant de dire qu’au fur et à mesure de l’action du feu sur les corps. Dieu répare les ravages causés par elle : V incorruptibilité des corps ressuscites — car ils sont ressuscites précisément pour ne plus mourir — doit leur venir, non de l’extérieur, mais d’un principe intrinsèque à leur nouvel état. Voir aussi Billot, De novissimis, th. xiv, § 1.

De nos jours, les apologistes inclinent plutôt vers la conception d’un feu agissant uniquement par les mouvements physico-mécaniques de la matière, sans que nulle combinaison chimique (d’où provient l’altération et la corruption) ne se produise. Les corps des damnés, en mouvement perpétuel sous l’action du feu, ressentent l’atroce brûlure produite par ce mouvement intense et rapide, et cependant n’en reçoivent aucune altération. Voir le développement de cette théorie dans Tournebize, op. cit., p. 15 ; L’ami du clergé, 14 août 1902, p. 728 ; Moigno, Les splendeurs de la foi, résumé, 1879, t. iv, c. xxxvi, p. dcxlvi.

Mais quelle que soit la solution adoptée, il faut toujours faire la part — inconnue de nous — de l’intervention divine ; et quand même nous n’arriverions jamais à donnerune explication scientifique de l’action du feu de l’enfer, ce ne serait pas une raison pour nier la possibilité et la réalité de cette action, que nous atteste la révélation chrétienne elle-même.

Les auteurs cités au cours de l’arliele, et tous les théologiens qui traitent du feu de l’enler, mais principalement :

1° Pour 1(1 thèse scotisie : Frassen, Scotus academiciis, scii imiversa doctoris siibtilis tlxeoloç/ica dogmala, Rome, 1721, t. IV, In IV Sent., 1. II, tr. I, disp. III, a. 3, q. iv, concl. 2’.