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FEU DE L’ENFER


lastiqucs, Suarez rcfute les arguments de la thèse adverse. Voir plus loin. Petau conclut comme Suarez : Comnuinis et, ut apparct, certissiina est opinio ignem itliim, ut et inferos, in terra ipsa contincri. Cœterum, uli corporenm, et matcria constantem esse inferorum ignem, quo utique illi lorquentur, theologi hodie omnes, imo et clirisliani consentiunt ; ita nullo Ecelesiæ deereto adluic obsigncdum vidctur, nt recte Vasqucsins notât. Meque enim ulla in synodo saneitum illud est, etsi nonnulli rem esse fldei pronunticnt. Theol. dogm., De angelis, 1. III, c. v, n. 7.

Les théologiens plus rapprochés de nous professent la même doctrine. Dans le cours des jésuites de Wurzbourg, la réalité du feu de l’enfer est qualifiée dura et eerta Ecclesias sententia, quamvis ca non sit expresse definila, De angelis, c. ni, a. 1, Paris, 1852, t. II, p. 473 ; dans Hcinrich, Dogmatische Théologie, Mayence, 1884, t. v, p. p. 794, note 1, au moins sententia comnuinis et ceiia ; dans Tepe, Institutiones theologiese, tr. XVIII, c. 3, Paris, 1896, t. iv, p. 731, cerla et catholica ; dans Hermann, Institutiones theologicie dogmuticæ, tr. XVI, § 1, Rome, 1897, t. ii, p. 528, eerta et eommunis… a qua citra temeritatem recedere non licct. Même note dans C. Pesch, Prælectiones dogmaticiv, Fribourg-en-Brisgau, 1911, t. ix, n. C52 ; dans Mazzella, De Deo créante, Woodstock, 1877, u. 1280 ; dans Jungmann, Inst. tlicol. dogm., tr. De nopissimis, Piatisbonne, 1871, p. 32 ; dans Billot, De novissimis, Rome, 1903, q. iii, § 2 ; dans Hurter, Theol. dogm., Inspruck, 1883, tr. X, th. cclxx, etc.

Suarez, loc. cit., rapporte que l’on cite couramment comme partisans du feu métaphorique Albert le Grand, saint Bonaventure, Gilles de Rome et Durand de Saint-Pourçain. Il se refuse à souscrire à un pareil jugement, et il a raison. Il suffît, en effet, de parcourir, dans les œuvres de ces quatre docteurs, les passages relatifs au feu de l’enfer, pour s’apercevoir qu’ils ne parlent pas autrement que les autres. Albert le (irand et Durand de Saint-Pourçain sont catégoriques. Voici la profession de foi du premier : Absque dubietate corporeus ignis crucial dœmones, quod fuie lenco. In IV Sent., 1. IV, dist. XL IV, a. 37, cLa.38, 39. cpiant à Durand de Saint-Pourçain, après avoir expHqué, In IV Sent., . IV, dist. XLIV, q. x, que les corps des damnés, après la résurrection, brûleront dans le feu corporel, ce qui, dit-il, ne laisse prise à aucun doute (quæstio illa apud fidèles non est f/u6(a), il résout, à la question suivante (xi), le problème de l’action du feu corporel sur les âmes séparées : Utrum animas damnatonim, ante resiirrcctioncm corporum, paticntur ab igné ? Voici la réponse : Dieit Augustinus, ]. XXI De ciiK Dci : adhærcbiinl spirilus (licct incorporci ) corporel signibiis cruciandi, accipientes ab ignibiis pœnam, non dantes ignibus vitani… Tenendum est sine ulla dubitatione quod tam dœmones qiiam animæ separatse panicntiir in igné inferni. Saint Bonaventure, tout en reconnaissant que la sainte Écriture n’a rien enseigne formellement sur ce point, admet la corporéité du feu infernal, dont il permet cependant de concevoir la nature d’une manière différente de celle de notre feu terrestre : Diccndum quod qiianwis ad liane qnœstionem (utrum ignis infernus sit corporeus) rideatur temerarium respondere, quia Scriptura eam non déterminai, née doctor præcipiiiis Augustinus eam explicat, sed mayis relinquat insoliitam, dieens quod niilli manifesttim est eujiismodi sit itle ignis, nisi ci Illi divinus.Spirilus ostendit ; et amplius opinari videliir quod ille ignis sit spiritualis non corporalis ; lamen salis possumiis pro cerlo habere per doctorcs posteriorcs iitpole per B. Gregorium, eut milita divinus Spirilus rel’clainl, quod ignis in/ernalis sit corporeus. Sed utrum ille ignis sit elementaris, sine ejusdem speciei cum igné qui apud nos est, hoc non ita potest pro constanli a quo

cumquc determinari. In IV Sent., . IV, dist. XLIV, p. ii, a. 2, q. I, concl.. Opéra, Paris, 1866, t. vi, p. 494. Gilles de Rome oITre une opinion qui peut prêter au malentendu, mais qui n’implique en rien la négation du feu réel. Après avoir indiqué que la peine du feu ne peut être reculée au jugement, il affirme que les démons sont punis par la peine du feu, mais que, lorsqu’ils ne sont pus en enfer, ce feu n’est pas matériel : ubicumquc ergo sunt dœmones, portant ignem inferni seciim, non quod portent ipsum ignem materialeni, sed quia semper sic afjligiintiir medianle divina virtute, ac si esscni conjunctl igni affUganti cos, ut instrumentum divinæ iiistitiæ. In IV.Sent., 1. II, dist. VI, q. ii, a. 2, Venise, 1581, p. 305. C’est d’ailleurs l’explication de l’école thomiste touchant l’action du feu infernal en dehors de l’enfer. Voir plus loin, col. 2230 sq.

En résumé, le courant théologique, du xii’= au XIXe siècle, est entièrement favorable au feu réel ; au moyen âge, moins encore qu’à toute autre époque, on n’a songé à réduire le feu de l’enter à un feu métaphorique : les théologiens auxquels saint Thomas fait allusion, sans les nommer. De anima, a. 21, ne nient point la réalité du feu matériel, mais son action directe sur les esprits. Pour les auteurs du moyen âge, le mot ignis, dans tous les textes de la sainte Écriture qu’ils rapportent à l’enfer, présente toujours, interprété par la tradition, un sens réaliste ; ils conçoivent si peu la possibilité d’une interprétation métaphorique, qu’ils préfèrent souvent donner le même sens réaliste à la glace, à l’eau, au ver rongeur que les textes sacrés accolent parfois au feu dans la description des tourments éternels. Job, xxiv, 19 ; cf. Matth., xxii, 13 ; Is., Lxvi, 24 ; Judith, xvi, 24 ; Eccli., vii, 19 ; Marc, IX, 45. Voir Enfer, col. 107-110.

2° Théologiens eatholiqiies plus ou moins favorables au feu métaphorique de l’enfer. — 1. Au moyen âge, un seul auteur laisse planer un doute sérieux sur sa doctrine, c’est, au ix<e siècle, Scot Érigène. Dans son traité De prædestinatione contra Joannem Scotiim, c. xix, P. L., t. cxv, col. 1320, Prudence de Troyes constate que tous les orthodoxes s’accordent à admettre la réalité du feu qui tourmentera les damnés. De ce témoignage, faut-il inférer que Scot Érigène n’admettait pas cette réalité ? Certains auteurs pensent que Scot Érigène était partisan des peines purement négatives, et, en particulier, « faisait du feu de l’enfer un simple remords intérieur. » Voir Enfer, col. 90. M. Vernet, art. Érigène, t. v, col. 420421, pense le contraire. La théorie de Scot Érigène est en réalité fort obscure. Dans le De divisione natiiræ, P. L., t. cxxii, col. 937, s’appuyant sur le texte bien connu de saint Ambroise, Scot Érigène, d’une part, exprime l’opinion métaphorique : iinusqiiisqiic impie viventium ipsa vitiorum libidinc qua in carne exarsit, velutl quadam flamma inextingiiibili torqiiebitiir. Mais, d’autre part, sa pensée est différente dans son traité De prædestinatione, c. xvi, xvii, xix, P. L., t. cxxii, col. 417 sq., 426, 429, 436-437. Son principe fondamental est celui-ci : toute nature est bonne, non seulement dans son être, mais dans son opération. Si parfois le mal en résulte, c’est à cause des mauvaises dispositions du sujet dans lequel est produit l’effet de cette opération. De même que le soleil n’a pas été créé par Dieu pour aveugler l’œil qui le regarde en face, quoique ce résultat se produise infailliblement par la faute de celui qui se hasarde à le regarder ainsi, de même, le feu de l’enfer — corporel ou incorporel, peu importe (Scot Érigène affirme qu’il est corporel, c. XIX, col. 436) — n’a pas été préparé pour faire souffrir les damnés ; élément de bienfaisance au même titre que les autres éléments de la nature, il se trouve simplement êtro le milieu dans lequel et par lequel souffrent les damnés. A dire vrai, Scot Érigène ne