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FEU DE L’ENFER


n ter, dans Rupert, De vicloria Verbi, 1. I, c. x, P. L. t. cLxix, col. 1231, 1239 ; dans saint Bonaventure, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, p. ii, a. 2, q. n ; sur la même peine appliquée aux âmes séparées, dans Pierre Lombard, Sent., 1. IV, dist. XLIV, 7, P. L., t. cxcii, col. 947, dont la doctrine a trouvé un écho chez saint Thomas lui-même, In IV Scnl., L IV, dist. XLIV, q. III, a. 2, q. m : Quidqiiid autem dicaliir de igné qui animas separatas crucial, de ignc tamen r/uo cruciabuntur corpova damnaloram pusl rcsurrcclioneni, oportet diacre quod sil corporeus. D’ailleurs, dans ses autres ouvrages, saint Thomas admet, sans aucune restriction, le feu corporel, Sum. Iheol., lll'>" Sappl., q. xcvii, a. 5 ; Conl. genl., 1. IV, c. xc ; De uerilaie, q. xxvi, a. 1 ; De anima, a. 21 ; Comp. Uieol., c. clxxx ; QuodL, II, 13[35] ; iii, 23[G1].

Au xiii° siècle, les théologiens ne conçoivent plus la peine des sens comme une peine attachée seulement au corps, mais ils ont déjà la conception très nette de la nécessité d’une telle peine pour réparer le désordre causé, dans le péché, par la conversion de la volonté humaine vers un bien périssable, S. Thomas, Sum. theoL, T' II « , q. lxxxvii, a. 3 ; De malo, q. v, a. 2 ; et ils allîrment l’utilité d’une telle peine, qui frappe davantage l’imagination humaine, pour détourner efïicacement du mal, par la crainte d’un cliâtiment positif, ceux que la privation d’un bien suprême qu’ils ne connaissent pas, ne suflirait pas à retenir. Conl. génies, 1. III, c. cxLV. Ils parleront donc beaucoup moins de la réalité du feu de l’enfer, que de son action sur les esprits.

Néanmoins, pour dégager plus tard notre conclusion théologique, il est nécessaire de rai)peler quelques traits précis qui montreront l’unanime sentiment des théologiens catholiques, à toutes les époques et dans toutes les écoles. Au moyen âge, bien que les scolastiques, à l’exception peut-être de Duns Scot, In IV Seul., 1. IV, dist. XLIV, q. ii, a. 1, admettent que l'Écriture n’a lien défini e.vpicssément sur la na.ure du feu de l’enfer, voir en particulier S. Bonaventure, / ; i IV Seul., 1. IV, dist. XLIV, p. ii, a. 2, q. i ; Durand de Saint-Pourçain, ibid., q. ix, n. G, ils n’en professent pas moins que la croyance à la réalité (ils disent même la matérialité) du feu de l’enfer s’impose à cause de l’autorité des Pères et, en particulier, de saint Grégoire le Grand. Cette position est très raisonnable, et c’est exactement celle qu’on doit adopter, les Pères étant les interprètes de la pensée de l'Église en ce qui touclie les vérités plus ou moins impliciteme.it alTu-mées dans l'Écriture. Hugues de Saint-Victor appelle la croyance au feu réel de l’enfer une vérité catholique : i<erissime auctoriiale sacri cloquii ci caiholicæ veritalis probalnr testinwnio, corporaliicr malcricdi igni animas ctiain nunc anle susccptioncm corporum cruciari.De sacram., ]. II, part. XVI, P. L., t. cLxxvi, col. 584, cf. col. 589. Pierre Lombard, tout en laissant apercevoir, ainsi qu’on l’a déjà dit, un vestige des anciennes théories, est très catégorique sur la réalité du feu infernal : Gchenna illa r/uæ slagnum ignis et sulplmris dicla est corporeus ignis eril et crueiabit damnaloram corpora vel Iwminum vel dœmonum, sed solida Iwminum, aercadœmormm. Sent., I. IV, dist. XLIV, n. 6, P.L., t. cxcii, col. 897. Alexandre deHalès ne parle pas directement du feu de l’enfer dans son De pœna dwmonum, Sum. llieoL, part. II, q. c ; incidemment toutefois, il afhrme la croyance commune : sicut crgo flamma joris simul afjligil pro divcrsis peccatis, ila et hœe confusio inlus crueiabit sinuil pro divcrsis peccatis. On remarquera l’opposition entre la flamme, dont la réalité objective est nettement marquée, foris, avec les peines subjectives de la confusion. Prœanib., iii, a. 4. Saint Thomas d’Aquin, dont l’opinion est très nette, voir les références données plus haut, n’a pas eu le temps d’exposer son sentiment dans

DICT. DE THÉOL. CATIIOL.

la Somme tliéologique (on sait que le Supplément n’est pas de sa main). Cette remarque fait comprendre pourquoi plusieurs commentateurs de saint Thomas ne parlent qu’incidemment du feu de l’enfer à propos de la peine des démons, P, q. lxiv ; ils suivent le texte du maître. Néanmoins, leurs affirmations, identiques à celles des autres œuvres de saint Thomas, abondent. Bafiez s’exprime ainsi : Ignis injcrni scnsibilis est et corporeus. Hœc conelusio adco est certu ut opposilum vel sil error vel pro.iimus errori. Probatur primo ex communi sensu latins Ecelesiæ ; omnes…ila udliœrent Imic verilali et scmper adltœscrunt ut vidccdur ad Iradiliones Ecclesix pcrlincre. In /"" Sum. tlicol., q. lxiv, a. 4, Opéra, Douai, 1614, t. i, p. 028. Jean de Saint-Thomas n’est pas moins afhrmatif : Supponendum est tunquani certum ignem illum quo cruciantur spirilus in inferno esse corporeum… et opposilum pro errorc deputandum est. Cursus IheoL, q. lxiv, disp. XXIV, a. 3, n. 2, 3, Opéra, Paris, 1884, t. iv, p. 1011. Vasquez : Præmittendum est ignem inferni esse corporeum, quæ sententia est eomnmnis omniunt sclwlastieorum. In 7° ™ partem, disp. CCXLIII, c. I. Gonet : Supponimus temquani certum ignem, quo cruciantur deemones in inferno, cssc malerialem et corporeum, non vero cdiqnid dumlu.tat spiriluulc, quod metaphorice ignis dicatur. Clypcus tlieol. Ihom., tr. De angelis, disp. XIV, a. 2, § 1. Bilhiart : Suppono… ignem inferni esse matericdem cl corporeum. Ttieologiu, tr. De angelis, diss. VI, a. 3, § 1. Ces deux derniers théologiens veulent même expliquer saint Ambroise, In Luc, l.VII, n.l4, voir col. 2203, en insinuant que le feu de l’enfer, pour ce Père, n’agit pas par sa vertu propre (vertu corporelle), mais par une vertu (spirituelle) reçue de Dieu. Voir également les Salmanticenses, Cursus theoL, disp. XVIII, dub. ii, § 1, n. 23.

Ce n’est pas seulement l'école tliomiste qui est unanime à affirmer la réalité du feu de l’enfer : tout aussi explicites sont les témoignages des autres scolastiques. Henri de Gand parle comme le docteur angélique ; dans son QuodL, VIII, q. xxxiv, il se demande : Ulrum ignis corporalis veram pasiionem possit agcre in spirilum, et il répond expressément : cecc plane quia ille ignis corporeus est et eril, quod firmiler credendum est, quia Iwe Cluislus dicil in Evangelio : ibnnl in ignem œlernum… et ignem ureidem non solenuis appellare nisi corporeum. Duns Scot suppose la réalité d’un feu matériel en enfer comme une vérité communément admise puisque. In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, q. ii ; dist. L, q. i, il cherche à résoudre la difficulté de l’action de ce feu corporel sur les esprits mauvais. Voir Duns Scot, t. iv, col. 1938. Plus tard, Estius apporte Te même témoignage : Salis palet, dit-il, eam doctrinam quæ tradil ignem esse corporeum quo do’mones, quo eodem et homines reprobi sive anle judicii diem sine corporibus, sive posl cum corporibus punicntur, comnmnem atque adeo ecclesiasticam esse, cui proinde non sil rcsislendum. In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, § 12. Bellarmin, dans son opuscule De gemilu columbæ, 1. II, c. II, condamne pareillement le feu métaphorique : Neque vero existimandum est ignem gcliennæ esse ignem melaphoricum aut spiritualem, quia præparcdus est diabolo et angelis cjus, ul Icginuis apud Matlhxum. Kam S.Gregorius, 1. IV Dial., disscrlis vcrbis affirmai ignem illum esse corporalem et corpora cum spirilibus crematurnm ; atqiic eum omnis schola theologorum scquitur. Opéra omnia, Paris, 1873, t. viii, p. 421. Suarez lui fait écho : Ccrta et catliolica sententia est ignem inferni qui paralus est diabolo et angelis cfus, ut in eo crucienliir, vcrum et proprium ignem corporeum esse. Hic est comnninis consensus sclwlaslicoriim omnium…, imo est communis sensus Ecclesiie et eullwlicorum. De angelis, 1. VIII, c. XII, n. 9. Et, non content d'établir cette thèse sur l’autorité de l'Écriture, des Pères et des soc V. - 70