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FENELON


11° Il n’est pas permis au chrétien tVattendre que Dieu lui inspire ces actes par voie et inspiration particulière ; et il n’a besoin pour s’y exciter que de la foi qui lui fait connaître la volonté de Dieu signifiée et déclarée par ses commandements, et des exemples des saints, en supposant toujours le secours de la grâce excitante et prévenante. Les trois dernières propositions sont des suites manifestes des précédentes, et les contraires sont téméraires et erronées.

(Le 12'= et le 13' articles ont été ajoutés plus tard.)

14° Le désir qu’on voit dans les saints, comme dans saint Paul et dans les autres, de leur salut éternel et parfaite rédemption, n’est pas seulement un désir ou appétit indélibéré, mais, comme l’appelle saint Paul, une bonne volonté que nous devons former et opérer librement en nous avec le secours de la grâce, comme parfaitement conforme a ! r. volonté de Dieu. Cette proposition est clairement révélée, tt la contraire est hérétique.

15° C’est pareillement une volonté conforme à celle de Dieu, et absolument nécessaire en tout état, quoique non à tout moment, de vouloir ne pécher pas ; et non seulement de condamner le péché, mais encore de regretter de l’avoir commis, et de vouloir qu’il soit détruit en nous par le pardon.

16° Les réflexions sur soi-même, sur ses actes et sur les dons qu’on a reçus, qu’on voit partout pratiquées par les prophètes et par les apôtres, pour rendre grâces à Dieu de ses bienfaits, et pour autres fins semblables, sont proposées pour exemples à tous les fidèles, même les plus parfaits, et la doctrine qui les en éloigne est erronée et les approche de l’hérésie.

17° Il n’y a de réflexions mauvaises et dangereuses que celles que l’on fait sur les dons qu’on a refus pour repaître son amour-propre, se chercher un appui humain, ou s’occuper trop de soi-même.

18° Les mortifications conviennent à tout état du christianisme, et y sont sauvent nécessaires ; et en éloigner les fidèles, sous prétexte de perfection, c’est condamner ouvertement saint Paul, et présupposer une doctrine erronée et hérétique.

19° L’oraison perpétuelle ne consiste pas dans un acte perpétuel et unique qu’on suppose sans interruption, et qui ne doit jamais se réitérer ; mais dans une disposition et préparation habituelle et perpétuelle à ne rien faire qui déplaise à Dieu, et à faire tout pour lui plaire. La proposition contraire, qui exclurait en quelque état que ce fût, même parfait, toute pluralité et succession d’actes, serait erronée et opposée à la tradition de tous les saints.

20" Il n’y a point de traditions apostoliques que celles qui sont reconnues par toute l'Église, et dont l’autorité est décidée par le saint concile de Trente. La proposition contraire est erronée, et les prétendues traditions apostoliques secrètes seraient un piège pour les fidèles, et un moyen d’introduire toutes sortes de mauvaises doctrines.

21° L’oraison de simple présence de Dieu, ou de remise et de quiétude, et les autres oraisons extraordinaires même passives, approuvées par saint François de Sales et les autres docteurs spirituels reçus dans toute l’iiglise, ne peuvent être tenues pour suspectes sans une insigne témérité ; et elles n’empêchent pas qu’on ne demeure toujours disposé à produire en temps convenable tous les actes ci-dessi : s marqués : les réduire en actes implicites ou éminents en faveur des plus parfaits, sous prétexte que l’amour de Dieu les renferme tous d’une certaine manière, c’est en éluder l’obUgation, et en détruire la distinction qui est révélée de Dieu.

22° Sans ces oraisons extraordinaires, on peut devenir un très grand saint, et atteindre à la perfection du christianisme.

23° Réduire l'état intérieur et la purification de l'âme à ces oraisons extraordinaires, c’est une erreur manifeste.

24° C’en est une également dangereuse, d’exclure de fétat de contemplation les attributs, les trois personnes divines et les mystères du Fils de Dieu incarné, surtout celui de la croix et celui de la résurrection ; et toutes les choses qui ne sont vues que par la foi sont l’objet du chrétien contemplatif.

25° Il ii’est pas permis à un chrétien, sous prétexte d’oraison passive ou autre extraordinaire, d’attendre dans la conduite de la vie, tant au spirituel qu’au temporel, que Dieu le détermine â chaque acte par voie et inspiration particulière ; et le contraire induit à tenter Dieu, à illusion et à nonchalance.

26° Hors le cas et les moments d’inspiration prophétique on extraordinaire, la véritable soumission que toute âme

chrétienne, même parfaite, doit à Dieu, est de se servir des lumières naturelles et surnaturelles qu’elle en reçoit, et des règles de la prudence chrétienne, en présupposant toujours que Dieu dirige tout par sa providence, et qu’il est auteur de tout bon conseil.

27° On ne doit point attacher le don de prophétie, et encore moins l'état apostolique, ù un certain état de perfection et d’oraison ; et les y attacher, c’est induire à illusion, témérité et erreur.

28° Les voies extraordinaires, avec les marques qu’en ont données les spirituels approuvés, selon eux-mêmes, sont très rares, et sont sujettes â l’examen des évêques, supérieurs ecclésiastiques, et docteurs qui doivent en juger, non tant selon les expériences que selon les règles immuables de l'Écriture et de la tradition : enseigner et pratiquer le contraire est secouer le joug de l’obéissance qu’on doit à l'Église.

29° S’il y a ou s’il y a eu en quelque endroit de la terre un très petit nombre d'âmes d'élite, que Dieu, par des préventions particulières et extraordinaires qui lui sont connues, meuve à chaque instant de telle manière à tous actes essentiels du christianisme et aux autres bonnes œuvres, qu’il ne soit pas nécessaire de leur rien prescrire pour s’y exciter, nous le laissons au jugement de Dieu ; et sans avouer de pareils états, nous disons seulement dans la pratique, qu’iF n’y a rien de si dangereux, ni de si sujet â illusion, que de conduire les âmes comme si elles y étaient arrivées, et qu’en tout cas ce n’est point dans ces préventions que consiste la perfection du christianisme

30° Dans tous les articles susdits, en ce qui concerne la concupiscence, les imperfections, et principalement le péché, pour l’honneur de Notre-Seigneur, nous n’entendons pas comprendre la très sainte Vierge sa mère.

31° Pour les âmes que Dieu tient dans les épreuves, Job. qui en est le modèle, leur apprend à profiter du rayon qui revient par intervalles, pour produire les actes les plus explicites de foi, d’espérance et d’amour. Les spirituels leur enseignent à les trouver dans la cime et plus haute partie de 1 esprit. Il ne faut donc pas leur permettre d’acquiescer à leur désespoir et damnation apparente, mais avec saint François de Sales les assurer que Dieu ne les abandonnera pas.

32° Il faut bien en tout état, principalement en ceux-ci, adorer la justice vengeresse de Dieu, mais non jamais souhaiter qu’elle s’exerce sur nous en toute rigueur, puisque même un des effets de cette rigueur est de nous priver de l’amour. L’abandon du chrétien est de rejeter en Dieu toute son inquiétude, mettre en sa bonté l’espérance de son salut, et, comme l’enseigne saint Augustin après saint Cyprien, lui donner tout, iil toliim delnr Deo.

Lorsque les controverses provoquées par le quictisme se furent aigries, Bossuet se plaignit non sans hauteur du refus opposé par Fénelon. « Qu’avons-nous à dire ? deinanda-t-il. — Qu’il dissimulait ? Ou bien, qu'étant tout ce qu’il pouvait être, il est entré dans d’autres desseins, et l’a pris d’un autre ton ?… A quoi servent les raisonnements quand les faits parlent ? Ces faits montrent une règle et une raison plus simple et plus naturelle pour juger des changements de conduite ; c’est en ui> mot d'être archevêque ou de ne l'être pas… » Relation sur le quictisme, sect. v, 21, 22. De fait, la situation était changée ; l’archevêque de Cambrai était un autre personnage que l’abbé de Fénelon. Quatre articles furent ajoutés, qui complétaient la doctrine émise dans les propositions précédentes, et Fénelon consentit à souscrire le tout. Nous donnons ces articles conformément à l’ordre qu’ils occupent dans la déclaration d' Issy.

12° Par les actes d’obligation ci-dessus marqués, on ne doit pas entendre toujours des actes méthodiques et arrangés ; encore moins des actes réduits en formule et sous certaines paroles, ou des actes inquiets et empressas ; mais des actes sincèrement formés dans le cœur, avec toute la sainte douceur et simplicité qu’inspire l’esprit de Dieu.

13 " Dans la vie et dans l’oraison la plus parfaite, tous ces actes sont unis dans la seule charité, en tant qu’elle anime toutes les vertus, et en commande l’exercice, selon ce que dit saint Paul : La cliarile souffre ton', elle croit lotit, elle espère tout, elle soutient tout. Or on en peut dire autant des autres actes du chrétien, dont elle règle et prescrit les exer-