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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS)


nouveaux sujets : Accidens omne denominat siium subjectum.

Aussi, la solution qui rcuonçail à expliquer la persistance des accidents par une forme quelconque de causalité matérielle, pour la rapporter uniquement à reffîc ; ence divine, rallia très tôt les préférences des maîtres orthodoxes. A partir d’Alger, elle ne cesse pas de se faire entendre par la voix des théologiens et des prédicateurs ; l’entrée en scène des grands scolastiques du kui'e siècle lui assure la prépondérance définitive : saint Thomas la fera pénétrer dans la liturgie par les leçons du second nocturne de la fête du saint sacrement, et le catéchisme romain, en l’accueillant dans sa leçon sur l’eucharistie, lui donnera une sorte de consécration officielle. Cat. iîom., part. IT, c. IV. Anvers, 1611, p. 191. Toutefois, elle rencontra des contradicteurs dès le xie siècle. Il se trouva des génies étroits, tels que cet abbé Abbaud, exhumé naguère par Martène, qui, pratiquant un littéralisme effrayant et s’attachant au texte de la confession de foi exigée de Bérenger au concile de Rome en 1059, prétendit que le corps du Christ était réellement rompu par les mains des prêtres : sensualiter non solum in sacramento, sed in verilale manibus sacerdoium Iraclari, frangi et ftdelium denlibus atteri, Mansi, Concil., Venise, 1730, t. xii, col. 46, et, pour mieux réfuter Abélard qui prétendait circonscrire la fonction aux seules espèces, déclara impossible la persistance des accidents isolés : Cogitaveram et itlis aliqua rzspondere, qui dicunt ipsum corpus non frangi, scd in albedine ejus et rolundltale aliquid faclilari ; scd recogitans ineplum esse in Evangelio Christi de albedine el rotundiiale dispulare, amaluris lalia auribus dimovens, dialcclicis aul ccrle pueris lalia pcrmisi, præserlim cum quivis facile videal albedinem seu rotundilalem ab ipso corporc, quod vel album vel rolundum est, separari non passe, ila ul ab ipso non fraclo hxc per se singularilcr non frangantur, P. L., t. clxvi, col. 1347. Gautier de SaintVictor injurie Abélard et l’assimile à Bérenger, du Boulay, Hisl. univ. Paris., t. ii, p. 648, pour avoir rejeté avec beaucoup de bon sens la fraction substantielle qui, longtemps avant saint Thomas, sera écartée comme imposs ble par la masse des théologiens : Isle (Abœlardus) inquit in sacramento lantum. Sed scorpionis more prsemiilil blandum caput, dam dicilvere, sed(i insacramento lantum « , slalim subjungens ; toutefois les extraits de l'œuvre de Gautier, publiés par du Boulay^ ne nous permettent pas d’affirmer qu’il ait, comme Abbaud, nié la possibilité des accidents sans sujet.

Ce qui est certain, c’est que la solution classique se perfectionna peu à peu et qu’elle ne se présenta pas dès l’abord avec une cohérence logique parfaite. Il semble bien qu’il y ait eu des docteurs pour répudier toute fraction réelle et s’en tenir à une illusion purement subjective de la vue ; on ne voit pas qu’ils aient, pour autant, nié la réalité objective des qualités sensibles. Hugues de Saint-Victor, Sunvna senlenL, tr. V, c. VIII ; le Lombard, Senl., 1. IV, dist. XII ; saint Tliomas, .Sum. lIieoL, III » , q. lxxvii, signalent cette opinion sous deux formes différentes et la réfutent par le principe de saint Ambroise : Nihil falsi pulandum est in sacrificio verilalis : sicut fil in magorum preestigiis, ubi delusione quadam fulluntur ocuUmI videcml esse quod non est. Impossible d’admettre que les auteurs de cette opinion singulière entendaient parler seulement d’une fraction apparente par rapport au corps du Christ. Les analogies dont ils se servent et le soin qu’ils prennent de montrer que leur opinion n’implique pas une déception, obligent à penser qu’ils considéraient toute fraction perçue par les sens, comme pure apparence subjective : Frangitur quantum ad visum, écrit Ognibenc, sicut dicebatur Joseph palcr

Christi : ergo deceplio aul illusio ibi est. Non sequitur, quia hoc non fil ad decipiendum, sed ad aliquid magnum significandum. Gietl, Die Sentenzen Rolands, p. 233, note. L’auteur des Sententiæ divinitatis dit pareillement : Videtur frangi et non frangilur… sicut in speculo apparel forma hominis et non lamen est et baculus videtur fractus in aqua et lamen non est. II prévient l’objection : Si dicatur : Ergo est ibi prxsV. gium vel dclusio : falsum est quia ila roborata est Ecclesia in fidc, quod bene crédit, quia non frangitur, non alteritur, elsi videatur, sicuti videmus ibi pancm et vinum et nullo modo ibi est. Op. cit., p. 134. Les mêmes incertitudes, contradictions et imprécisions de pensée s’observent dans les réponses données à la question : Quæritur de cor pore Christi quod a mure invenitur ac rodltur, utrum sit corpus Christi ? Die Sentenzen Rolands, p. 234. La question parut embarrassante à Alger ; il incline à nier la réalité de cette sorte de profanation, comme celle de toute putrescence et moisissure des espèces ; ce qui l’arrête, c’est une objection métaphj’sique à laquelle l'évolution successive de la théorie des accidents se chargea de répondre : …cum itlœspecics sine paniset vini subslanlia sinl, quomodo muccscere aul pulrescere magis quam digeri possint, non facilis palet causa. De sacram., 1. II, c. I, édit. Malou, p. 227-228. Même embarras et même négation chez Guitmond d’Aversa : Quod si aliquando velul corrosa (sacramenta) videantur, quod nunc de horlulano, de peregrino, vel leproso diximus, responderi potest, id est, non esse corrosa ; sed vel ad puniendam seu corrigendam ministrorum negligentiam, vel ad probandam eorum, qui hoc viderinl fidem, in tali specie posse videri. De sacramento, édit. VUmmerius^ p. 48 sq.

Les premiers sommistes nièrent en général que le corps du Christ fût atteint par la dent des rongeurs ; il délaissait miraculeusement les espèces : Item, quæritur, dit Oguibene, si a muribus sumatur quando negligenlia sacerdoium remanel. Non credimus, sed desinil esse ibi. A la demande : Qu’est-ce qui sert dès lors de pâture à ces animaux, il répond : Quod comedit mus, nescio. Die Sentenzen Rolands, p. 234, n. 11. Pierre Lombard ne parlera pas autrement : A brûlis animalibus corpus Christi non sumitur, elsi videatur. Quid ergo sumil mus, vel quid manducat ? Deus novil. Sent., 1. IV, dist. XIII. Hugues de SaintVictor répète à peu près l’explication de Guitmond d’Aversa, De sacram., 1. II, part. VIII, c. xii. Dans le manuscrit de Saint-Florian, il y a une ébauche de solution positive qui se fera recevoir pendant quelque temps ; l’auteur, après avoir nié que le corps du Seigneur soit rongé par la dent des bêtes, ajoute : Sed propler ignaviam sacerdoium, subtrahil se Deus itlis et supponit aliam speciem, ut melius sibi caveanl. Die Sentenzen Rolands, p. 234, n. 11. Cette alla species, c’est sans nul doute une substance créée miraculeusement et, s’unissant aux espèces là où elles paraissent incontestablement alimenter des organismes, ou se corrompre avec production de substances nouvelles. C’est la solution proposée par Innocent III : Sicul miraculose subslanlia panis convcrlitur, cum corpus dominicum incipil esse sub sacrcuncnto, sic quodammodo miraculose revertitur, cum ipsum ibi desinil esse : non quod illa subslanlia revertatur quod Iransivil in carnem, sed quod efus loco alias miraculose creatus, quamvis Imfus accidentia sine subjccto passant sic corrodi, sicut edi. De sacro atlaris mysterio, 1. IV, c. xi. Bois -leDuc, 1846. Saint Thomas adoptera cette dernière opinion, dont le principe aurait clé émis déjà pour Pierre de Poitiers dans ses Sentences : …Quod corruptionem aliquam innuens de Christi corpore dicitur, non ad ipsum essentialiier sed ad formam est référendum, Senl., 1. IV, c. xii, P. L., t. ccxi ; il rejettera par contre, comme impossible, le