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FERRONIUS


goût des ennemis de l'Église romaine. Pourtant, il y avait plus et pire encore. Dans le dernier chapitre, il étudiait les moyens les plus enicaces de faire un schisme, traçait à ce sujet le plan à suivre, et entrait, à cet égard, dans les plus grands détails. Ce mauvais livre de 650 pages débutait, néanmoins, par une épître dedicatoire au pape, aux cvêques et aux princes de la chrétienté. L’audace l’emporte encore sur les inconséquences 1

Un décret de l’Index, en date du 27 février 1764, condamna l’ouvrage. Quelques semaines après, Clément XIII, par un bref adressé, le 14 mars 1764, au prince CIén ; ent de Saxe, évêque de Ratisbonne, se plaignait hautement que Fébronius eût semblé prendre à cœur de faire siennes toutes les déclamations des protestants et des ennemis les plus irréconciliables du Saint-Siège.

Ces condamnations n’arrêtèrent pas le malheureux sur les pentes de l’abîme. Dés 1765, il donnait une deuxième édition de son ouvrage avec trois Appendices, où il prétendait répondre aux nombreux écrits déjà publiés contre lui. D’autres éditions parurent en 1770, 1774 1777, toujours de plus en plus augmentées. Elles eurent jusqu'à cinqgrosvol.in-4". Des traductions allemandes, françaises, italiennes, portugaises, etc., parurent aussi dès 1767, ainsi qu’un abrégé en français : De l'état de V Église et de la puissance légitime du pontije romain, 2 in-12, Wurzbourg, 1766 ; Amsterdam, 1767, œuvre anonyme du prémontré Jean Remacle Lissoire, un de ceux qui, plus tard, prêtant le serment à la constitution civile du clergé, furent élus comme évêques constitutionnels et schismatiques. Une autre traduction française porte le titre : Traité de gouvernement de V Église et de la puissance du pape par rapport à ce gouvernement, in-4<', Paris, 1766 ; 3 in-12, Paris, 1767. Contre ces différentes éditions, l’Index renouvela sa condamnation précédente par plusieurs nouveaux décrets, entre autres, ceux du 3 février 1766, du 4 mai 1771, du 3 mars 1773, etc. Pour justiher ses attaques contre le Saint-Siège et leur donner plus de force, Fébronius avait prétendu s’appuyer sur les principes du clergé de France et sur ce qu’on appelait alors les libertés de l'Église gallicane. Le clergé de France, réuni en assemblée générale, protesta avec indignation dans ses séances du 7 décembre 1775. Dans le procèsverbal officiel, on lit ces lignes très caractéristiques : « L’ouvrage de Fébronius, loin d’avoir aucune autorité en F’rancc, passe, parmi ceux qui le connaissent, pour favoriser les opinions nouvelles, pour être inexact sur les objets de la plus henile importance, et surtout pour s'écarter du langage dont le clergés' est toujours fait une /oj, lorsqu’il a été dans le cas de s’expliquer sur /o primau'.é d’honneur et de juridiction qui appartient au successeur de saint Pierre, et sur l’autorité de l'Église de Rome^ centre de l’unité et mère et maîtresse de toutes les Églises. La doctrine du clergé de France sur tous ces objets, consignée dans les déclarations et expositions de ses assemblées, est le désaveu le plus formel qu’il soit possible d’opposer à ceux qui osent sans fondement se réclamer de son autorité. Il faudrait, pour se prévaloir d’elle, tenir le même langage que ce clergé, d’après la doctrine des Pères et des anciens canons, etc. » Cf. Mémoires du clergé de France, année 1775, p. 870 sq. L’assemblée pria son président, le cardinal de la Roche-Aymon, de transmettre ofliciellement copie de cette délibération à l’archevêque-électeur de Trêves, et le président répondit qu’il « se conformerait incessamment aux désirs de l’assemblée. » Ihid.

Deux mois auparavant, le docte Bergier avait écrit, de Paris, au duc Louis-Eugène de Wurtemberg, le 12 octobre 1775 : « L’auteur ne peut plaire qu'à ceux qui ont sucé des prin ipes d’anarchie et de révolte

contre l'Église, dans les leçons ou dans les écrits I des protestants. Ceux qui s’imaginent que ce sont là les sentiments du clergé de France n’ont jamais lu d’autres théologiens français qe les jansénistes. » En Allemagne et en Belgique, l’ouvrage fut aussi condamné par les archevêques et évêques de Cologne, Mayence, Prague, Augsbourg, Constance, Ratisbonne, Wurzbourg, Bamberg, Liège, etc.

Par ailleurs, le Fébronius obtenait de nombreux et même puissants sufl’rages de la part des ennemis de l'Église, de ceux surtout qui en voulaient plus spécialement à l’autorité du souverain pontife. En Autriche, principalement, sa vogue fut extraordinaire. La cour de Vienne le favorisa ouvertement. Trois fois examiné par ordre du g uv-inement impérial, il fut trois fois approuvé. Les canonistes.e cour en adoptèrent les maximes, les introduisirent dans leurs manuels de droit canonique et contribuèrent fortement à les propager. C'était le moyen de plaire à l’orgueilleux Joseph II qui voulait réformer l'Égliîe et : subordonner à l'État. Tous les décrets que ce monarque altier et entreprenant promulgua en ces mitières de 1781 à 1787, et qui alarmèrent tant Pie VI et les vrais amis de l'Église catholique, fu.ent la conséquence logique des principes de Fébronius.

Au milieu de cet ardent conflit de critiques, de censures et d'éloges, le nom de l’auteur ne put rester longtemps ignoré. On avait cru, d’abord, reconnaître dans l’ouvrage si discuté la plume et les idé3s de Georges Christophe Neller, professeur de droit canon, puis de droit civil à l’université de Trêves, et ami intime de .Jean Nicolas de Hontheim. Il ; va t, en effe ;, pubhé, près de vingt ans auparavant, un volume soutenant des doctrines analogues, et qui fut mis à l’Index, le Il septembre 1750 : Principia j’uris publici ecclesiastici ccdlwlicorum ad slatum Gcrmaniæ accommodata, in-4°, Francfort et Leipzig, 1746. Mais de Hontheim qui, à l’origine, avait pe isc préférable de se cacher, ne fut pas fâché ensuite qu' n lui attribuât la paternité de cet ouvrage qui, s’il lui attirait de sévères critiques, lui valait aussi des éloges dithyrambiques. Cependant les condamnations prononcées par les évêques et le pape. Us censures émanées des universités ecclésiastiques, surtout la réprobation formelle dont il était l’objet de la part de l’assemblée générale du clergé de France, sur l’autorité de laquelle il s'était publiquement llatté d^ s’appuyer, commencèrent à ébranler la ( on flanc 3 qu’il avait en lui-même, et, en 1778, il parut disposé à reve.iir à de meilleurs sentiments. Déjà il avait | ublié, l’année précédente, une édition abrégée de son œuvre, dans laquelle il atténuait un peu l’expression de ses erreurs :.I. Fébronius abbrcvicdus it cmendedus, in-4, Cologne et Francfort, 1777.

III. I-"ÉBRONIUS s’EST-IL SOUMIS AUX C0vD..MNA TioNs poHTÉES CONTRE LUI ? — Une première rétractation fort vague, envoyée à Rome, au mois de juillet 1778, fut jugée insuffisante. Il en rédigea une autre, en dix-sept articles, le 15 novembre suivant, reconnaissant les droits du Saint-Siège précédemment attaqués. Pie VI l’approuva, et, pour effacer j ar un acte public le scandale causé par le Fébronius, il voulut que cette rétractation fût lue au consistoire du 25 décembre et que les actes de cette assemblée solennelle fussent imprimés pour itre envoyés en Allemagne. Par une lettre pastorale du 3 février 1779, .Jean Nie)las de Hontheim, se canformant aux instructi ns pontifical 'S, adressa les actes du consistoire avec SI rétractation au clergé et aux fidèles du diocèse de Trêves, confessant qu’il s'é'.ait laissé entraîner à ces opinions dangereuses, les désavouant, et annonçant (, u’il se prop3sait de réfuter lui-même son pro, : re li re.

Une soumission aissi complète, dans les ternici