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FAUSTE DE RIEZ


sermons, pour la plupart, nous sont parvenus tantôt sous le voile de l’anonyme, tantôt sous des noms étrangers, et rien n’est plus malaisé que de les reconnaître et de les rendre à leur auteur ; car, après J'évêque de Riez, ses disciples, saint Ccsaire d’Arles au premier rang, ne se sont pas fait faute de piller leur maître, de refondre ses discours ou même de se les approprier d’un bout à l’autre. On ne trouve que huit sermons de Fauste dans P. L., t. lviii, col. 8()9890. M. Engelbrecht, Stiidien ûher die Sclirificn des Biscliofs von Reii Fauslits, Vienne, 1889, réclame pour Fauste en bloc les cinquante-six homélies de Ja collection dite d’Eusèbe d'Émèse et les vingt-deux sermons du codex Dwlueensis, aujourd’hui à Carlsruhe. Mais la méthode et la thèse de M. Engelbrecht ont et justement critiquées. Dom ; Morin, Revue bénédictine, 1892, t. ix, p. 49-61 ; 1893, t. x, p. 62-77. Avec les sermons qui ne sauraient être déniés à Fauste, comme les n°^ 9 et 10 de la collection du pseudo-Eusèbe, il y a dans ces deux recueils des sermons qui ne sont pas de lui ; en plus d’un cas, la paternité de saint Césaire, par exemple, saute aux yeux. Le Tractedns de si//7)' ; o/o, que Caspari a exhumé et fait paraître dans Aile iind neuc Qiiellen…, Christiania, 1879, p. 250-281, doit être tenu pour une homélie de Fauste lui-même. Au contraire, le sermon anonyme publié par Caspari, Brieje, Abhandlungen und Prediglen…, Christiania, 1890, p. 202-206, sur les raisons précises du mode de la rédemption, est probablement l'œuvre d’un compatriote et d’un contemporain de Fauste qui, plus jeune que lui, a pillé les sermons de l'évêque. Caspari, lot. cil., p. 411-429.

Dom Morin, Nei’ue bénédictine, 1891, t. viii, p. 97104, croit avoir de fortes raisons pour attribuer à Fauste le traité De sepleni ordinibns Ecclesiæ, qui iîgure dans l’appendice des œuvres de saint Jérôme, P. L., t. XXX, col. 148-162. La justesse de cette hypothèse est pourtant contestée.

III. DocTruxE.

Dans les matières de la grâce et de la prédestination, l'évêque de Riez, autant que Cassien, parfois même plus que lui, est entaché des erreurs semi-pélagicnnes.

Entre les deux extrêmes, d’un côté le pélagianisme, cjuî prétend que l’homme naît sans péché et peut se

sauvcr par ses propres efforts, de l’autre côté le prédestinatianisme,

qui nie notre libre arbitre et ose soutenir que Jésus-Christ en mourant n’a pas voulu sauver tous les hommes, F’auste entend suivre la voie moyenne et n’incliner ni à droite ni à gauche ; le concours de la grâce et de la volonté à l'œuvre du salut est le pivot de sa doctrine. Appuyé sur nombre de textes scripturaires, Fauste dit anathéme d’abord à l’opinion de Pelage, que l’homme n’a pas besoin de Ja grâce pour atteindre au salut. L’homme, au contraire, ne saurait se passer de la grâce. Et cette grâce Ji’est pas simplement une grâce extérieure, qui sollicite en nous l'énergie morale, comme l’admettait Pelage ; c’est une grâce intérieure, que le Saint-Esprit répand dans l'âme pour l'éclairer, la fortifier, la renouveler, et qui a par conséquent un caractère surnaturel. Même avant la chute, la grâce était nécessaire à l’homme pour l’exercice légitime de sa raison et de sa volonté, pour l’accomplissement de .la loi morale, gravée par Dieu (hins l'âme humaine ; combien plus la grâce l’est-elle depuis quc la chute a j’ompu l’harmonie primitive et naturelle de l'âme et du corps et soulevé les révoltes jusqu’alors inconnues de la concupiscence ! Car Fauste ne nie pas, comme Pelage, le péché originel, bien tiu’au fond cependant il le tienne moins pour un vrai péché que pour une tare héréditaire, iu(dum ariginidc. De ! /r(di(i, i, 2 ; et il en reconnaît formellement les tristes conséquences sur tout le genre humain, l’invasion de la mort et du

désordre des sens. Le péché originel passe avec le sang des parents aux enfants, selon ce que dit saint Augustin, per incenlivnm maledielæ genendionis nrdorem et per inlecehrosum utriusquc purenlis amplexiim ; seul, le rédempteur, en raison de sa conception miraculeuse, ne l’a pas contracté. Les coups portés par le péché originel à la nature de l’homme nous rendent le secours de la grâce nécessaire. Pelage, en les contestant, sape la rédemption par la base.

En même temps que F’auste combat l’hérésie pélagienne, il s'élève contre l’idée du prédestinatianisme, que tout notre salut est l’affaire unique de la grâce. Il réfute avec soin les arguments que les prédestinatiens tirent des textes de l'Écriture sainte, et montre que, sans les œuvres, fruits de la volonté, la foi, don de la grâce, est vaine et de nulle valeur. Notre libre arbitre, étant une partie intégrante de notre nature, n’a pas péri ni pu périr dans la chute de notre premier père ; il n’a été qu’affaibli ; le bien nous est devenu difficile, mais pas du tout impossible. Et la preuve que notre libre arbitre n’a pas entièrement sombré dans la chute originelle, c’est que l’homme ne laisse pas d'être après le péché capable de vertu. Des vertus de l’homme déchu à celles de l’homme innocent, ajoute Fauste, en vrai semi-pclagien, il n’y a qu’une différence de plus et de moins, pas autre chose : non periit actio, etsi est amissa perfeclio. De gratia, i, 8. Comme le péché d’Adam n’a pas anéanti le libre arbitre en nous, il n’y a pas non plus effacé la loi naturelle ; l’homme a toujours pu la retrouver en lui et par là connaître Dieu qui l’a primitivement gravée dans son âme ; avec la loi naturelle l’homme a reçu la foi dès la première heure. Contraire à la sainte Écriture, le prédestinatianisme entraîne aussi des conséquences dangereuses, terribles ; car il va jusqu'à détruire la notion même du péché, à nier la miséricorde divine qui a présidé à la création, à tenir pour inutiles et la vie ascétique et tout effort de perfectionnement moral.

Ainsi, nul doute, notre salut est l’effet du concert de la grâce et de la volonté. Seulement Fauste ne parle pas de l’action de la grâce sur la volonté ; il ne parle que de leur alliance mutuelle dans l'œuvre du salut. Avec raison il enseigne, il est vrai, que la grâce prévenante est nécessaire, que la fidélité à la grâce est la condition indispensable de notre progrès dans la vertu, que la persévérance de l’homme enfin est un pur don de Dieu. Mais, sur la question de savoir comment, au début, la grâce et la volonté s’entrelacent et s’ajustent l’une à l’autre, son langage change d’aspect. C’est à la volonté qu’il reconnaît le premier pas. Il y a dans le cœur humain, dit-il. De gratia, ii, 12, un feu allumé de Dieu et que l’homme doit entretenir avec le secours de la grâce. En sorte que, selon Fauste, les pieux désirs et les humbles prières de lu volonté précèdent et appellent les grâces spéciales que Dieu nous octroie dans le cours de notre vie. La volonté donc opère, la grâce ne fait que coopérer ; la grâce n’est pas le guide, elle n’est que la compagne de la volonté. Aussi bien, la grâce qui attire le pécheur à Dieu est-elle simplement une grâce extérieure — prédication de la foi, lecture de l'Écriture sainte, etc. — qui n’exerce sur la volonté qu’une action morale. L’initiative de l'œuvre du salut appartient en définitive à la volonté ; mais la grâce la poursuit et l’achève. Sans exclure totalement la grâce de l'œuvre du salut, Fauste y attribue le principal rôle à la volonté, et par suite en altère le caractère entièrement surnaturel. Somme toute, son semi-pélagianisme égale, dépasse même, ici et là, celui de Cassien.

L'évêque de Riez, choqué des opinions prédestinaliennes, qui lui semblaient méconnaître le vrai