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EXTRKME ONCTION AU CONCILE DE TRENTE

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Mais qui ne voit quo cette promesse ne se réalise que rarement, et même jamais ? Sur mille, il y en a un à jieine qui se rétablit ; et encore personne ne l’attribue au sacrement, mais à la nature ou aux remèdes. » De la captivité de Babijlone, n. 187, loc. cit., col. 144. Les ministres de l’onction n'étaient pas jjour saint Jacques ce qu’ils sont dans l'Église :.< Ils n’observent même pas ce que veut l’apôtre, à savoir que l’on fasse venir des prêtres pour oindre le malade et prier sur* lui. Aujourd’hui on envoie à peine un pauvre petit curé (ein armes Pjiiflcin), alors que l’apôtre veut qu’il y ait plusieurs prêtres, non pour oindre, mais pour prier. Et je ne sais même pas si l’apôtre parle de prêtres, puisqu’il dit des prêtres, c’est-à-dire des anciens. » Ihid., n. 187, col. 145. Saint Jacques recommandait cette onction à tous les malades ; maintenant on la réserve à ceux qui vont mourir et l’on en prive injustement les autres. Ibid., n. 186, col. 14.3. Enfm saint Jacques se contente de donner un conseil que chacun peut suivre s’il le veut, tandis que l'Église prétend en faire une obligation. Ibid., n. 188, col. 146.

b) L’e.vlrcme onction dans le ccdvinisme. — Les négations de Calvin ne sont pas moins radicales. Dans son Institution de la reliyion chrétienne, 1. IV, c. xix, n. 18, il appelle l’extrême onction un « ' sacrement contrefaict, » « une bastelerie et singerie par laquelle, sans propos et sans utilité, ils (les catholiques) veulent contrefaire les apôtres. » Plus loin, n. '20, il refuse de l’appeler un sacrement, parce qu' « elle n’est pas une cérémonie instituée de Dieu et n’a promesse aucune de lui. » Et si on lui objecte le texte de saint Jacques, il répond en énumérant les nombreuses différences qu’il trouve entre l’onction recommandée par l’apôtre et celle que pratique l'Église. Dilïércnce d’effet : pour saint Jacques, l’onction était un des moyens employés pour guérir les malades, par application du don des miracles dont jouissait la primitive Église ; « bien est vray qu’ils veulent faire accroire qu’il y a encore une mesnie force à leur onction, mais nous expérimentons du contraire. » Ibid., n. 19. Diflerence de sujet : « Sainct Jaques veut que tous les malades soyent oincts ; ceux-ci souillent de leur graisse non pas les malades, mais des corps à demi morts, quand l'âme est déjà preste à sortir ou, comme ils parlent, en extrémité. » Ibid., n. 21. Différence de ministre : « Sainct Jaques entend que le malade soit oint par les anciens de l'Église ; ceux-ci n’y admettent point d’autre enhuileur qu’un prestre. Car ce qu’en sainc-t Jaques par les imciens, ils exposent les prcstres étans pasteurs ordinaires, et disent que le nombre pluriel a esté mis pour plus grande honnesteté, cela est trop frivole ; connue -si de ce temps-là les Églises eussent eu telle abondance de prestres qu’ils eussent peu porter et conduire leur boiste d’huile avec longue procession. » Ibid., n. 21. Et enfin, dinérence de matière : « Quand sainct Jaques commande simplement d’oindre les malades, je n’entend pas autre onction que d’huile comnmne… Ceuxci ne tiennent conte d’huile si elle n’est consacrée par l'évesque, c’est-à-dire fort eschauffée de son haleine, charmée en murnuiratit et neuf fois saluée à genoux… » Ibid., n. 21.

Cette doctrine, à part les violences de langage qui n’eussent pas été à leur place dans des documents officiels, se retrouve dans les professions de foi du calvinisme, dans celles du moins qui parlent de l’extrême onction. Ainsi la Déclaration rédigée par les calvini.stes pour la conférence religieuse de Thorn, 164.5, s’exprimait de la manière suivante : < I. Nous avouons que les apôtres oignaient d’huile les malades et que, par cette onction, ceux-ci obtenaient la guérison corporelle ; nous avouons aussi que l'Épitre de Jacques ordonne d’appeler auprès dos malades les prêtres de l'Église, a fin qu’ils les oignent d’iuiile et prient pour le

rétablissement de leur santé ; et encore que le devoir des ministres de l'Église exige aujourd’hui qu’ils visitent les malades, qu’ils les consolent tant par la prédication de l'Évangile que par la dispensation de la sainte cène, et qu’ils prient avec l'Église pour leur santé. II. Mais nous nions : 1° qu’après la cessation du don de guérison miraculeuse, ce rite de l’onction continue à être utile dans l'Église ; 2° qu’il soit un sacrement de la nouvelle alliance, institué par le Christ, vraiment et proprement dit, et que l’on doive regarder comme tel sous peine d’anathème. » Augusti, Corpus librorum symbolicorum qui in ccclesia rejormulorum auctoritatem publicam oblinucrunt, p. 4.35.

Luther et Calvin suivent donc le même procédé, et les théologiens protestants les ont imités. On le retrouve, par exemple, chez Jean Daillé, De duobus latinorum ex unctione sacrainentis… de exlrema, ut vocant, unctionc, 1. I. c. vi-ix, Genève, 1659, p. 22 sq. ; et, de nos jours, dans l’article que M. Eug. Picard a consacré à l’Onction dans l’Encyclopédie des sciences reliç/ieuses ûc Lichtenberger, Paris, 1881, t. x, p. 2, ou, d’une façon moins explicite, dans Bovon, Théologie du Nouveau Testament, 2e édit., Lausanne, 1905, t. ir, p. 427-428. Ce procédé consiste à aflirmer que l’onction recommandée par saint Jacques n'était qu’un rite transitoire, destiné à guérir le malade, puis à montrer les différences qui la distinguent de notre sacrement de l’extrême onction. Cela explique que le concile de Trente ait, lui aussi, employé un procédé spécial : il veut, avant tout, affirmer l’identité des fdeux rites ; puis, il montre dans l’onction de saint Jacques tous les éléments essentiels du sacrement d’extrême onction.

2. Les enseignements du concile.

a) Le sacrement de l’extrême onction est identique avec l’onction décrite par saint Jacques. — L’affirmation de cette identité est sous-jacente à tout ce que dit le concile, puisque c’est du texte de l’apôtre qu’il déduit tout son enseignement sur l’extrême onction. Voir col. 1918. Aussi termine-t-il logiquement l’exposé de la doctrine contenue dans les chapitres par cette déclaration : « Sans aucun doute, l'Église romaine, mère et maîtresse de toutes les autres, n’a rien modifié, dans l’administration de cette onction, du moins pour ce qui con.stitue l’essence du sacrement, de ce que saint Jacques a prescrit. On ne peut donc mépriser un si grand sacrement sans commettre un péché grave et sans faire injure au Saint-Esprit. » Sess. XIV, De exlrema unctione, c. iii, Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 910.

Bien plus, les canons reproduisent et affirment sous ditférentes formes la même idée ; c’est saint Jacques qui a pronmlgué le sacrement de l’extrême onction, can. 1 ; l’onction qu’il recommande n’avait pas pour seul but de guérir le malade par le don des miracles, can. 2 ; l'Église romaine n’a pas dénaturé le rite et l’usage qu’il décrit, can. 3 ; les prêtres qu’il prescrit de faire venir auprès du malade, et par conséquent les ministres de l’extrême onction sont de vrais prêtres ordonnés par l'évêque, et non les anciens, can. 4.

Si l’on se reporte aux discussions qui ont précédé la formation des canons, si l’on songe à la forme que revêtaient les erreurs contre lesquelles le concile voulait défendre la foi chrétienne, on se convaincra facilement que le but principal du concile devait être et a été de définir que l’onction décrite par l’apôtre était un sacrement, le sacrement même de l’extrême onction. Nous avons donc ici une interprétation authentique et définie du texte de saint Jacques : c’est bien de notre extrême onction qu’il parle.

b) L’extrême onction est un sacrement inslitué par Jésus-Christ. — Que l’extrême onction soit un sacrement, le concile l’avait déjà défini à la session VU"", à propos des sacrements en général, et il en avait égale I