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EXTREMIS ONCTION DANS L’ECRITURE

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verser riiuile par les presbylres et non par n’importe qui ou par des membres de la famille ou par des personnes du métier ? A quoi bon faire précéder l’onction de l’aveu des péchés" ? Et s’il était fait allusion à la seule vertu naturelle de l’huile, pourquoi devrait-elle être répandue au nom du Seigneur ? Que vient faire la prière ? L’exemple d’Élie et de [son intercession toutepuissante serait inutile, inexplicable. L’éloge de la supl )lication du juste serait hors de propos. L’Épître de Jacques d’ailleurs ne contient, depuis le premier mot jusqu’au dernier, que des conseils d’ordre religieux. Aussi, non seulement les catholiques, mais des protestants ont réfuté ces explications fantaisistes. Voir, par exemple, J. C. Wolf, Ciiræ philologicæ et criticain SS. Aposlolorum Jacobi, Pétri, Jiidæ el Joannis cpislolas, p. 80 ; Beyschlag, Der Bricf des Jacobus, (iœttingue, 1898, p. 227.

Tout en reconnaissant dans l’emploi de l’huile pour les malades un moyen de guérison usité chez les anciens, d’autres conmientateurs protestants voient plutôt dans l’onction, faite au nom de Jésus, un moyen de guérison semblable à celui qu’employaient les païens, qui recouraient à des formules magiques. Mais pour saint.lacques, l’effusion d’huile au nom du Seigneur n’aurait qu’une valeur secondaire et accessoire. Le salut du malade, c’est-à-dire sa guérison, serait dû surtout à la prière et à la foi, à la sienne et à celle des presbytres, de sorte qu’il s’agit de guérison miraculeuse, accordée par Dieu en raison des dispositions el des actes du ministre et du sujet. G. Hollmann, De/-Jticubasbricl. Aim^ Die Schrillendes Nciien Testaments, 2^ édit., Gœttingue, 1907, t. ii, p. 527-528 ; H. Windisch, Die kalholisclien Brieje, dans Handbuch zum enen Tcsk/men/, Tubingue, 1911, t. iv, p. 31 ; Beyschlag, loc. cit. Ces hypothèses sont irrecevables. Leurs auteurs isolent une phrase du développement et expliquent tout par elle : ils négligent les autres données. Voir dans le mot de Jésus un talisman cabalistique pour conjurer la maladie, c’est n’examiner que la seule locution : < Au nom du Seigneur » ; c’est supposer qu’en faisant l’onction les presbytres invoquaient expressément le Christ (ce qui est très probable, mais non certain) ; c’est croire sans aucun motif tiré de ce passage, en oubliant tout ce que nous savons des apôtres et de saint Jacques, que la formule était considérée comme douée d’une vertu nutgique ; c’est enfin refuser de voir le contexte : « Il y aura onction, la prière de la /oi sauvera le malade, le Sei//neiir le délivrera, la supplication dit juste peut l)eaucoup, conlesscz vos péchés. » De même, attribuer l’elïet produit, simple guérison, à la foi, à la piété du ministre et du sujet, c’est mettre dans l’Épitre ce qui n’y est pas : les croyances et les prières du patient ne sont pas mentionnées ; c’est vouloir tout expliquer par ces seuls mots : la prière de la foi saupera le malade ; c’est airirmer sans aucun argument que l’onction est accessoire (elle est pourtant le premier acte qu’indique rapôtre) ; c’est obliger l’esprit à recherclier pourquoi est requise l’intervention des presbytres et non celle des saints : c’est donner à une locution très vague : la prière de la foi un sens très précis et que rien ne juslilie : la foi de lu prière ; c’est ne faire aucun cas des mots : au nom du Seigneur. Le catholique accueille toutes les déi)Ositions de texte, et c’est en les juxtaposant qu’il olttient un tout très harmonieux, la définition de l’extrême onction. La prière a son rôle, l’onction sa raison d’être, le nom du Seigneur est nécessaire, la foi est partout : chez le malade et dans ri’; glise, foi à l’ellicacitè du rite et à la bonté de Jésus.’l’oul autre, mais non plus heureuse, est l’hypothèse de certains critiques sur la manière dont l’onction guérissait les malades. I^lle aurait été un charisme, le don de guérir que mentionne saint Paul, I Cor., xii, 9,

28, une faveur passagère réservée à l’époque primitive, Calvin, loc. cit., ou une grâce qui aurait dû demeurer toujours dans l’Église, dit Bengel, Gnomon A’. T., p. 1118 sq., mais qu’elle a perdue par son incrédulité. Saint Paul nous renseigne sur les charismes, I Cor., XII, 1-xiv, 40, et il est bien vrai que certains sont appelés par lui /apiTuara loii.y.- : w/, xii, 9, 28, grcdia sanitatunt, pouvoir de guérisons.Ils sont nommés parmi d’autres faveurs qui ont un caractère merveilleux, XI, 8-10, 28. La prière et l’onction des »resbytres sont des moyens ordinaires, réguliers, dotés par Dieu d’une efficacité mystérieuse à coup sûr, mais qui n’est pas nécessairement éclatante. « Tous ont-ils la force de guérir ? » demande saint Paul, xii, 30. Non, ce charisme, comme tousles autres, est accordé par Dieu à chacun comme il lui plaît, xii, 11. L’Épitre aux Corinthiens ne dit pas un mot cjui permette de penser que cette faveur est réservée aux seuls membres de la hiérarchie, accordée à tous. Saint Jacques, au contraire, veut que les fidèles malades appellent non les doctes, non les saints, non les personnes que la providence a investies de pouvoirs singuliers, mais les presbytres, c’est-à-dire ceux que les apôtres ou leurs disciples immédiats ont étabUs chefs des communautés. Les charismes, propliélies, langues, science et sans doute aussi pouvoir de guérir, disparaîtront, afhrme saint Paul. I Cor., XIII, 8. Saint Jacques parle sans doute avant tout à ses contemporains, mais son langage, les promesses qu’il fait sont sans restriction et paraissent s’appliquer à l’onction des presbytres de tous les temps : au reste, la iiiérarchie doit subsister autant que l’Église, la communauté ne pouvant subsister si elle n’est gouvernée. Ce qui lui est confié, non en vue d’un besoin passager, mais pour des nécessités perpétuelles — il y aura toujours des malades — ne doit pas s’évanouir : ce que les presbytres d’hier pouvaient, leurs successeurs le peuvent. Le salut, le relèvement, le pardon des péchés sont aussi utiles aux hommes de tous les temps qu’aux contemporains de saint Jacques. Parmi les charismes, saint Paul nomme comme souverainement désirable la prophétie ; si le pouvoir de guérir se confondait avec l’onction de.lacques, ne serait-il pas plus utile, plus apte à édilier, plus enviable Cque l’art de dire « cinci mots » pour instruire et èdiŒr la communauté ? I Cor., XIV, 19. Les charismes sont donnés surtout par l’utilité et l’édification de l’Église ; le rite, décrit par saint Jacques, a pour effet le salut, le relèvement, la rémission des pécliés, c’est-à-dire le bien du fidèle.

LIne dernière liypothèse, proposée par quelques critiques non catholiques, ne mérite pas davantage considération. On croyait, dans les milieux juifs et chrétiens, à l’époque où écrit saint Jacques, que toute maladie était une conséquence du péclié. L’onction remet les fautes et ainsi elle guérit. Cf. Steitz-Kattenbusch, art. Œlung, dans Realencijclopàdie filr protestantische Tlieologie und Kirclie. Leipzig, 1904, t. xiv, p. 305. De même, J. Bovon, Théologie du Nouveau Testament, 2’^ édit., Lausanne, Paris, 1905, t. ii, p. 427-428, voit dans l’intervention des presbytres le remède à des désordres physiques causés par certains péchés particuliers. Cf. I Cor., xi, 30. Certainement, d’après un préjugé fort répandu parmi les juifs, tout mal physique est une punition, cf. Job, xxii ; les disciples de Jésus acceptent cette idée, Joa., ix, 2 ; elle vient naturellement à l’esprit des païens. Act., xxviii, 4. Mais le Christ ne la partage pas et rien ne prouve que les premiers chrétiens l’aient admise. Sans doute, Jésus, les apôtres, leurs disciples estiment que souvent Dieu punit par des châtiments corporels les transgressions de la loi morale : fie très nombreux exemples peuvent être invoqués..Mais ui le Christ ni les fidèles ne disent que toute maladie est une suite du péché :

.Jésus repousse même cette conception. Joa., ix, 3.