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EXTRÊME ONCTION DANS L’ECRITURE


des pécliés légers, et alors, l’onction est dépourvue de valeur purificatrice. Telles sont les objections que peuvent faire l’exégèteet l’historien. Le théologien catholique aurait le droit de demander aussi aux tenants de cette opinion si l’extrême onction n’est un moyen de rémission des péchés légers qu'à la manière dont le sont la prière, l’aumône, Teau bénite, les sacranientaux. M. Boudinhon reconnaît loyalement que la question peut être posée et il répond en disant que la solution doit être chercliée ailleurs que dans l'Écriture sainte, p. 395. Et en effet, on trouve ailleurs les preuves convenahles. Mais l'Écriture n’oblige peutêtre pas à poser la question.

On peut, en effet, semble-t-il, concilier les deux affirmations sur la valeur de l’onction et sur la vertu de la confession sans rien ajouter au texte, sans rien en abandonner. La tendance des théologiens et même des exégètes, c’est parfois de trop rapprocher les formes anciennes d’une institution des formes nouvelles, d’expliquer les unes par les autres. On oublie trop facilement aussi que saint Jacques ne fait pas un cours de théologie, où il prendrait la peine d'étudier séparément les effets propres de diverses institutions ; il ne donne pas aux presbytres une leçon de pastorale ou de liturgie. C’est aux fidèles, aux douze tribus qu’il parle de leurs devoirs. Il rappelle aux chrétiens quelques obligations et il le fait, en termes très succincts : « Êtesvous tristes, priez ; êtes-vous heureux, chantez. » Saint Jacques n’ajoute aucun renseignement sur la manière d’implorer Dieu ou de le célébrer, les lidèles la connaissent. De même, c’est en quelques mots, en deux ou trois phrases, qu’il redit aux malades leurs devoirs. Très souvent, certains interprètes ont étudié le texte avec le désir de justifier leur abandon du rite de l’onction, de prendre l'Église catholique en flagrant délit d’infidélité aux habitudes de la chrétienté primitive. D’autres ont voulu retrouver dans l'Épître non seulement la doctrine, mais les formules mêmes de docteurs ou de conciles du moyen âge ou des temps modernes. De là des difficultés.

Tenons-nous-en aux affirmations de saint Jacques si claires et si simples, sans en négliger aucune, sans en compléter une seule si ce n’est à l’aide de renseignements de l'époque ; oublions un instant tous les développements postérieurs très légitimes de la pensée et du culte. Si nous comprenons bien les mots de l'Épître, nous croyons que l’usage des malades était le suivant. Ils appelaient les presbytres de l'Église. Ils confessaient leurs péchés, recevaient l’onction. Le texte ne mentionne rien d’autre, mais il indique ces deux actes. Quels étaient les effets produits : salut et relèvement du malade, rémission des péchés. Saint Jacques les énumère et n’en signale pas d’autres. Mais la confession était-elle un sacrement distinct de l’onction ou en faisait-elle partie, comme le Confileor dont la liturgie romaine prescrit la récitation avant que le prêtre verse l’huile sur le malade ? On ne se posait pas la question sous cette forme et on n’aurait pas pu le faire, puisque la notion théologique de sacrement n'était pas encore élaborée. Le malade savait ce qu’il devait demander et il le demandait. Le presbytre n’ignorait pas ce qu’il avait à opérer et il l’opérait. Baptême et confirmation existent dès l’origine et sont distincts par leur rite et leurs effets, mais toujours soudés et inséparables, ils apparaissent comme les composants d’un acte unique, l’initiation chrétienne. De même, confession et extrême onction forment un même tout, le rite des malades.

Mais quelle était l’opération qui remettait les péchés ? Beaucoup de fidèles pouvaient très bien l’ignorer. Après avoir reçu la visite du prêtre, ils étaient certains qu’ils pouvaient compter sur le salut, le relèvement, le pardon. C’est tout ce qu’ils avaient besoin de savoir.

Aujourd’luii encore, dans les Églises qui ont conservé l’onction, beaucoup de chrétiens ne sont guère mieux renseignés. Ils sont persuadés que, malades, ils doivent appeler le prêtre : saint Jacques rappelle cette obligation. Us ont entendu parler de la nécessité de se confesser et de recevoir l’extrême onction ; l’apôtre l’affirmait. Ils croient, le pieux travail terminé, qu’ils peuvent espérer leur salut, le relèvement, le pardon : les fidèles auxquels s’adresse l'Épître le pensaient aussi. Mais demandez aujourd’hui à certains catholiques cpiel est l’objet propre de chaque rite, et en particulier ce cju’opère, dans l’ordre de la rémission des péchés, l’extrême onction ; peut-être seraient-ils aussi embarrassés pour répondre que des clirétiens renseignés seulement sur ce sujet par la lecture de la lettre de saint.Jacques.

Les fidèles de l'Église primitive n'étaient d’ailleurs pas hors d'état d’en savoir davantage : ce que l’apôtre ne juge pas utile de dire en cet endroit avait pu leur être enseigné par d’autres. Pour qui veut le lire avec attention et se souvient que l'Église primitive croyait avoir reçu le pouvoir de remettre les péchés, Matth., XVI, 19 ; xviii, 18 ; Joa., xx, 23, le texte est clair. Les presbytres recevaient l’aveu. S’il y avait lieu de réconcilier officiellement le fidèle, par la pénitence propi’ement dite, avant de l’oindre, évidemment ils le faisaient : des hommes qui ci-oient avoir le droit de pardonner les fautes en useront surtout en faveur de ceux qui, malades, sont exposés à perdre la vie et à être jugés par Dieu. Puis avait lieu l’onction accompagnée de prières ; elle obtenait /esaZu/ e//ere/èye/nen/ ; de ce chef, déjà elle complétait l'œuvre de la pénitence et délivrait des suites du péché. L^lle remettait les fautes, nous dit aussi formellement saint Jacques, c’est-à-dire opérait, même après l’absolution, tout ce qui pouvait encore s’appeler rémission des péchés : pardon de crimes oubliés, de délits légers non confessés, condonation des châtiments, paralysie ou destruction des suites de nos iniciuités, etc.

Si les presbijlrcs n’avaient pas jugé nécessaire d’opérer la réconciliation officielle après l’aveu — on sait que l’habitude de soumettre à la pénitence les fautes légères n'était pas aussi répandue qu’aujourd’hui — ils faisaient l’onction et par elle ils elfaçaient les péchés. Ainsi s’explique le langage de l’apôtre. Aujourd’hui, étant données nos habitudes catholiques, il s’entend moins facilement. Nous distinguons l’aveu qui précède l’al^solution et la confession purement liturgique, le Confileor qui se récite avant l’extrême onction ; alors, il n’en allait pas de même. Tout malade, n’eût-il commis que les fautesen apparence les plus légères, reçoit aujourd’hui le sacrement de pénitence, puis seulement l’extrême onction : au siècle apostolique, le sacrement des malades ne pouvait-il pas souvent être conféré seul aux fidèles d’une vie intègre ? On aurait fait ainsi appel plus que de nos jours à sa vertu de remettre les fautes vénielles. L’absolution proprement dite est donnée très rapidement, elle est un acte propre au prêtre ; qu elle soit accordée ou non, le fidèle se comporte de la même manière : il doit confesser ses péchés et se soumettre à l’onction. Saint Jacques lui rappelle ses devoirs : les presbytres connaissent leurs obligations ; du moins l’apôtre n’a pas l’intention de les leur rappeler ici. Ainsi s’explique fort bien le langage étrange en apparence : Si quelqu’un est malade, qu’il appelle les presbytres.., , que ceux-ci l’oignent d’huile… et la prière de la foi le sauvera et Dieu le relèvera et s’il a commis des péchés, ils lui seront remis. Confessez donc vos fautes les uns aux autres. »

Cet usage de l’aveu ne doit pas surprendre : saint Jacques ne dit pas qu’il est nécessairement et toujours sacramentel, il l’est quand il doit l'être d’api'ès les