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EUCHARISTIE D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE


de l’empereur. Raynaldi, Annales, an. 1562, n. 52, 65 ; Le Plat, op. cit., t. v, p. 335, 346.

Le canon 3 est donc moins une condamnation d’erreur qu’une détermination plus complète du dogme de la présence réelle, une pierre d’attente où viendra se placer le dogme de la légitimité de la communion sous une seule espèce.

2. Le dogme.

Il est contenu dans le canon 3 que complète et explique le c. m correspondant :

Si quelqu’un nie que, dans le vénérable sacrement de l’eucharistie, le Christ tout entier soit contenu sous chaque espèce et sous chacune des parties de chaque espèce, après leur séparation, qu’il soit anathème.

Si quis negaverit, in venerabili sacramento eucharistiue sub unaquaque specie et sub singulis cujusque speciei partibus, separatione facta, totum Christum contineri, anathema sit. Denzinger-Bannwart, n. 885.

Deux vérités sont ici définies : le Christ est tout entier sous chaque espèce ; il est tout entier sous chaque partie des espèces, du moins après la séparation.

a) Le CItrist est tout entier sous chaque espèce. — Les projets primitifs énonçaient une vérité tout autre ; ce furent et les difficullés politiques avec les protestants et les discussions entre théologiens qui firent modifier le texte et reporter à une session ultérieure la question de ce que l’on reçoit sous une seule espèce. Énoncé tel qu’il est, le dogme que nous étudions présentement n’offre aucune difficulté : il n’est que la continuation et une conséquence logique du dogme de la présence réelle. Si, comme l’a afiirmé le canon 1, l’eucharistie contient le corps, le sang, l'âme, la divinité du Christ, c’est-à-dire le Christ tout entier, le canon 3 a raison d’affirmer de chaque espèce ce qui a été dit des deux.

La raison en est exposée avec la plus grande clarté par le c. m. Il distingue, parmi les éléments qui constituent la personne du Christ, ceux dont la présence est directement signifiée et produite par les paroles de la consécration, vi verborum, et ceux dont la présence est exigée par l’unité et l’indivisibilité de la personne, vi naturalis connexionis et concomitantiæ, propter hyposlalicam unionem. Par les paroles est directement produit ce qu’elles signifient, le corps seul sous l’espèce du pain, le sang seul sous l’espèce du vin. Mais, parce que le Christ ressuscité ne meurt plus, ce n’est pas un corps sans vie, ce n’est pas du sang sorti des veines d’un cadavre ; c’est la nature humaine tout entière, à l'état de vie, qui se trouve là où est un de ses éléments ; ainsi l’exige la connexion naturelle en vertu de laquelle les diverses parties qui constituent l’humanité du Sauveur sont à jamais inséparables les unes des autres. Et parce que l’humanité du Christ est elle-même inséparable de la divinité en vertu de l’union hypostatique, c’est donc le Christ tout entier, homme et Dieu, qui est rendu présent sous chaque espèce.

b) Le Christ est tout entier sous chaque partie des espèces. — La raison en est dans ce mystérieux mode de présence que le c. i a appelée une présence substantielle, sute/an/Za sua nobis adest. Sans étendue ni dimensions, le corps du Christ n’est pas soumis aux lois ordinaires des corps dont chaque partie occupe une portion distincte de l’espace ; sa substance se trouve tout entière où se trouvait la substance du pain, où demeurent les apparences du pain ; et, sous ces apparences, il n’est pas ici ou là, partiellement, selon la manière d'être des corps, il est tout entier, partout, dans chacune des parcelles qui composent l’hostie, semblable, dit saint Bonaventure, In IV Sent., I. IV, dist. XII, p. I, dub. iv, à l'âme qui est tout entière dans tout le corps qu’elle anime et tout entière dans chacune de ses parties.

Aussi l’enseignement du c. m est formel : Totus et integer Christns sub panis specie et sub quavis ipsius speciei parte, totus item sub vini speeie et sub ejus partibus cxislit. Même avant que les diverses parcelles du pain ou que les gouttes du vin soient séparées de la masse, chacune d’elles contient tout le corps, tout le sang de Jésus-Christ.

Le concile était prêt à définir cette vérité quand, sur les observations de deux évêques, aux congrégations générales des 6 et 7 octobre 1551, il y apposa la restriction : separatione facta. Les résumés des discussions que donnent les Actes, publiés par Theiner, nous font connaître les motifs invoqués ; ils n’impliquent aucun doute sur la vérité de l’affirmation du chapitre. L'évêque de Feltre demanda qu’on n’allât pas plus loin que le concile de Florence qui dans son Décret aux Arméniens, Denzinger-Bannwart, n. 698, avait employé cette restriction. Theiner, t. i, p. 522. L'évêque de Tuj' fit remarquer que, sans cette restriction, on risquait d’atteindre l’opinion de quelques théologiens catholiques. Ibid., p. 524. Il est permis de supposer que, si l’on se rendit aussi facilement à ces observations, c’est que le concile se plaça surtout au point de vue de la nécessité pratique ; or, il importe peu que Jésus-Christ soit présent tout entier sous chaque partie non séparée ; ce qui importe, c’est qu’on le reconnaisse présent tout entier partout où l’on verra des parcelles du pain consacré ou des gouttes du vin consacré, c’est que l’on sache qu’on reçoit le Christ tout entier sous un fragment de l’hostie comme les chrétiens le recevaient lorsqu’ils buvaient au même calice consacré ; et c’est pourquoi cela seul est défini.

La permanence de la présence réelle et ses conséquences.

1. Permanence de la présence réelle. —

Dans la Confession de Wittemberg, rédigée en 1536 par Mélanchthon, pour réduire les divisions entre Luther et les sacramentaires, le premier laissa insérer et signa l’article suivant : « Hors de l’usage du sacrement, pendant qu’il est gardé dans le ciboire ou montré dans les processions, ils croient que ce n’est pas le corps de Jésus-Christ. » Bossuet, Histoire des variations, 1. IV, 23. Ce fut, de la part de Luther, non pas la véritable expression de sa pensée, mais une concession arrachée à sa faiblesse par le désir de faire cesser les désunions dans le protestantisme naissant. Nulle part ailleurs, il ne revient sur cette idée ; plusieurs fois, au contraire, par exemple, dans son Sermon contre Swermer, il aflinne que le corps du Christ demeure présent depuis le moment de la consécration jusqu'à ce que les espèces soient altérées. Tel n'était pas l’avis de Mélanchthon ; c'était manifestement sa pensée à lui qu’il proposait, sous couleur de conciliation, à la signature de Luther et de Bucer, dans la conférence de Wittemberg. Bossuet nous raconte en effet, ibid., 1. VI, 26, que dans une assemblée réunie à Ratisbonnc en 1541, pour rétablir la paix religieuse entre catholiques et protestants, Mélanchthon ne voulut reconnaître la présence réelle que pendant l’usage, c’est-à-dire au moment de la communion ; la raison qu’il en donnait était que JésusChrist avait sans doute promis de se rendre présent sous les espèces, mais que, « cette promesse ne s’adressant pas au pain, mais à l’homme, le corps de NotreSeigneur ne devait être dans le pain que lorsque l’homme le recevait. »

Tout autre est la foi de l'Église. Elle est définie par le canon 4 ainsi conçu :

Si quis dixerit, peracta conseeratione, in admirabili eucharistiæ sacramento non esse corpus et sanguinem Domini nostri Jesu

Si quelqu’un dit qu’une fois la consécration terminée, le corps et le sang de Notre-Seigneur JésusChrist ne sont pas dans l’ad-