Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/246

Cette page n’a pas encore été corrigée

179-1

EXPERIENCE RELIGIEUSE

1792

lion, traà. de 1541, Corpus, t. iv, p. 732 sq. ; conforme au latin de 1536, c. vi, ibid., t. i, p. 213 sq., et 1539, c. xiv, ibid., p. 1049 ; texte modifié, 1559, 1. IV, c. viii, n. 11 ; Corpus, t. II, p. 853 ; 1560, t. iv, p. 732 sq. Le texte, comme on voit, trahit un effort curieux pour garantir à l’individu la guidance suffisante de l’Esprit-Saint, et pour le mettre en garde contre la suffisance de l’esprit l)ropre.

Pour l'édition de 1539, Calvin a déjà pu profiter de SCS relations avec Bucer et Mélanchthon. Même conception essentielle de la foi justifiante : « Il faut qu’en cest endroit la foy nous subvienne… afin que ce qui est caché de nous au cœur du Père, nous soit révélé par rEsprit : et que son Esprit nous rendant tesmoignage, nous persuade que nous sommes enfans de Dieu. » Trad. de 1560, 1. III, c. xiii, n. 4, ibid., t. iv, p. 270, 271, conforme au texte de 1539, c. vi, ibid., 1. 1, p. 754. Cette certitude de la justification, l’Esprit l’apporte, quand, à la prédication de la parole, il scelle la foi dans les cœurs, 1560, 1. III, c. xxiv, n. 5, ibid., t. iv, p. 512.

L’angoissante difficulté, pour le docteur de Genève comme pour celui de Wittemberg, était d'établir la valeur critique de cette touche interne. A l’objection tirée des réprouvés, qui ont eu la foi, il répond : « Je ne nie pas qu’ils n’ayent des signes semblables avec les esteus : mais je ne leur concède pas ce fondement certain de leur élection, que les fidèles doyvent prendre selon mon dire de la parolle de l’Evangile. » Édit. 1560, 1. III, c. XXIV, n. 7 sq., Corpus, t. iv, p. 514 sq. En fait, il n’y a dans cette réponse qu’une affirmation gratuite, ou une tautologie : quand le terme est différent, la vocation est d’autre sorte. La question est de savoir à quel signe on distinguera une certitude divine et absolue, d’une certitude temporaire et décevante.

Calvin est plus heureux à quelques égards contre les anabaptistes, qui s’autorisent de motions équivoques de l’Esprit pour se libérer de toute règle. La rigueur avec laquelle il condamne leurs excès ne laisse point de doute sur sa sincérité ; mais sa solution ne vaut, qu'à condition de maintenir intangibles le contrôle des œuvres et celui de l'Écriture. Or il les ruine l’un et l’autre.

Texte de 1560, 1. III, c. iii, n. 14, Corpus, t. iv, p. 83 sq., reproduisant avec quelques modifications l'édit. de 1539, c. II, p. 44 sq., ibid., t. i, p. 350 sq. ; voir encore, 1539, c. i, p. 13, 14, Corpus, t. 1, p. 300 sq. ; 1560, 1. I, c. ix, n. 1 sq., Corpus, t. iii, p. 110 sq., et spécialement l’opuscule. Contre la secte phantastique et furieuse des libertins qui se nomment spirituelz, 1545, c. ix, ibid., t. vii, p. 173 sq.

Rétablir la nécessité des œuvres, comme Iruits d’une conversion authentique, c'était, en effet, enlever aux âmes la consolation que leur donnait la justification par la foi seule. Pour rassurer les faibles, ou réconforter ceux dont la foi vacille, Calvin en est amené à professer que « la moindre goutte de foy » suffit. Édit. 1539, c. IV, n. 12 sq.. Corpus, t. i, p. 459 sq. ; édit. 1560, 1. III, c. II, n. 19, Corpus, t. iv, p. 35 sq. A « la moindre cstincelle…, nous en sommes suffisamment illuminez pour avoir ferme asseurance. » Ibid. « La racine de foy n’est jamais du tout arrachée du cœur du fidèle qu’elle n’y demeure tousjours fichée, combien qu’estant esbranlée elle semble advis encliner çà et là. » Ibid., n. 21, t. IV, p. 37. Bref, la vraie foi est inamissible et l’a qui est sûr de l’avoir. Ibid., n. 12, 37, t. iv, p. 25, 57.

Quant à l'Écriture, Calvin ne lui fait pas moins de tort par les libertés qu’il prend parfois à son égard, que par l'évidence qu’il lui attribue relie tombe, comme on va voir, à la merci des appréciations subjectives. Renchérissant sur sa rédaction de 1539, c. i, ibid., t. i, p. 294 ; 1541, t. iii, p. 91, note, il écrit :

Quant à ce que ces canailles demandent dont et comment nous serons persuadez que l’Escriture est précédée de Dieu :

c’est autant comme si aucun s’enqueroit dont nous apprendrons à discerner la clarté des ténèbres, le blanc du noir, le doux de l’amer. Car l’Escriture a de quoy se faire cognoistre, voire d’un sentiment aussi notoire et infaillible comme ont les choses blanches et noires de monstrcr leur couleur et les choses douces et ameres de monstrer leur saveur. Édit. de 1560, 1. I, c. VII, n. 2, t. iir, p. 91.

Le passage suivant prend une importance capitale, puisque nulle part, à notre connaissance, notre auteur ne s’est préoccupé avec plus de soin de noter les caractéristiques psychologiques de ces impressions :

Estans donc illuminez par la vertu [du sainct Esprit], desja nous ne croyons pas ou à nostro jugement ou à celuy des autres, que l’Escriture est de Dieu : mais par dessus tout jugement humain nous arrestons indubitablement qu’elle nous a estée donnée de la propre bouche de Dieu, par le ministère des hommes : comme si nous contemplions à l'œil l’essence de Dieu en icelle. Nous ne cerclions point ou argumens ou verisimilitudes : mais nous luy submettons nostre jugement…, comme à une chose élevée par dessus la nécessité d’estrc jugée. Non pas comme aucuns ont accoustumc, de recevoir légèrement une chose incogneue… mais pource que nous sommes très certains d’avoir en icelle la vérité inexpugnable. Non pas aussi comme les hommes ignorans ont accoustumé de rendre leurs esprits captifs aux superstitions : mais pource que nous sentons là une expresse vertu de la divinité monstrer sa vigueur, par laquelle nous sommes attirez et enflamhez à obéir sciemment et volontairement, neantmoins avec plus grande efficace que de volonté ou science liumaine… C’est donc une telle persuasion, laquelle ne requiert point de raisons : toutesfois une telle cognoissance, laquelle est appuyée sur une très bonne raison, c’est assavoir, d’autant que notre esprit a plus certain et asseuré repos qu’en aucunes raisons : finalement, c’est un tel sentiment qu’il ne se peut engendrer, que de révélation céleste. Je ne dy autre chose, que ce qu’un chacun fidèle expérimente en soy… Édit. de 1560 (1541), 1. I, c. vii, n. 4, 5, Corpus, t. iii, p. 95, 96 ; cl. 1539, t. i, p. 295, 296.

Ainsi le trait distinctif de ces expériences décisives, c’est l’excellence de l’attrait par lequel « nous sommes totalement ravis par dessus nostre intelligence, car l'âme illuminée reçoit quasi un œil nouveau pour contempler les secrets célestes, » 1560, 1. III, c. ii, n. 34, t. IV, p. 55 ; c’est l’irrésistibilité de l’impression, l’assurance qu’elle apporte, à défaut de toutes autres raisons, « comme si nous contemplions à l'œil l’essence de Dieu en [l’Escriture], » 1560, 1. I, c. vii, n. 5, t. iii, p. 96, Il comme si nous contemplions la face de Dieu bénigne et propice envers nous, » 1560, 1. III, c. ii, n. 19, t. IV, p. 35. Aucun terme ne semble assez fort pour traduire ces touches divines ; par contre, quand il s’agit de les distinguer des contrefaçons possibles, Calvin affirme qu’elles sont tout autres, sans pouvoir, non plus que Luther, col. 1788, leur assigner d’autre note spécifique que la satisfaction affective de qui les éprouve. Nous aurons à discuter la valeur critique de ce fait, col. 1835.

Cette brève esquisse suffira, semble-t-il, pour faire voir la caractéristique essentielle du luthéranisme et du calvinisme : leur base expérimentale et subjective.

Seconde période de la Réforme.

L'époque suivante,

loin de nous faire assister à une explicitation de ces principes, avec réduction du dualisme qui les encombre, col. 1788, nous les montre en régression marquée. Les causes obvies sont les suivantes : 1. les débordements de toute nature que leur application provoque : les aveux écœurés des réformateurs en font foi ; voir Dollinger, La Réforme, 3 in-S", Paris, 18481849 ; A.-L. Herminjard, La correspondance des réformateurs dans les pays de langue française, 2e édit., 9 in-8°, Genève, 1878 ; 2. la réaction naturelle du, sens moral et du bon sens contre les exagérations amorales ou mystiques de la première heure ; 3. le succès de la polémique catholique. En voici quelques indices :