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EUCHARISTIE D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE


tire ici-bas par iinai<inalion, ou qu’on le lie aux créatures terrestres. Que nous ne permettions point aussi qu’on attribue rien à son corps qui répugne à sa nature humaine, ce qui se fait quand on dit qu’il est infini, ou qu’on le met en plusieurs lieux. » Institution, 1. IV, c. XVII, n. 19. Les mots prononcés par Jésus à la dernière cène ne peuvent donc être interprétés que dans un sens figuré ; il a institué et donné à ses disciples « la figure de son corps et de son sang. » Ibid., n. 20.

Et cependant Calvin ne voudrait pas que la cène fût un symbole vide ; il accepte une certaine présence du Christ, présence inefiable : « C’est un secret trop haut pour le comprendre en mon esprit ou pour l’expliquer de paroles, » ibid., n. 32 ; présence mystérieuse, qui n’est vraie que pour la foi : « S’il y a quelqu’un qui ne soit pas encore content, qu’il considère un peu avec moy que nous sommes ici maintenant en propos du sacrement, duquel le tout doit estre rapporté à la foy. » Ibid. Dans certains passages, il va plus loin et ne craint pas d’employer l’expression de présence substantielle : « Je reçois volontiers tout ce qui pourra servir à exprimer la vraye communication que Jésus-Christ nous donne par la cène en son corps et en son sang ; de l’exprimer, dis-je, en sorte qu’on cognoisse que ce n’est point par imagination ou pensée que nous les recevons, mais que la substance nous est vrayement donnée. » Ibid., n. 19. Mais présence substantielle n’est point présence corporelle ; en réalité, c’est l’esprit du Christ qui se donne au communiant et qui lui communique, s’il a la foi, sa force, sa vertu et sa vie : « Le règne (du Christ) n’est point limité en aucunes espaces de lieux, et n’est point déterminé en aucunes mesures, que Jésus-Christ ne monstre sa vertu partout où il lui plaist, au ciel et en la terre, qu’il ne se déclaire présent par puissance et vertu, qu’il n’assiste toujours aux siens, leur inspirant la vie vive en eux, les soustienne, les conferme, leur donne vigueur, et leur serve non pas moins que s’il estait présent corporellement ; en somme, qu’il ne les nourrisse de son propre corps, duquel il fait découler la participation en eux par la vertu de son Esprit. Telle donc est la façon de recevoir le corps et le sang de Jésus-Christ au sacrement… Telle est la présence du corps que requiert le sacrement, laquelle nous y disons estre et apparoistre en si grande vertu et efficace, que non seulement elle apporte à nos âmes une confiance indubitable de la vie éternelle ; mais aussi elle nous rend certains et asseurez de l’immortalité de nostre chair, laquelle desjà vient à estre vivifiée par la chair de Jésus-Christ immortelle, et communique en quelque manière à son immortalité. » Ibid., n. 18, 32. Cette dernière phrase a été presque textuellement reproduite dans la Confession helvétique inspirée par Calvin. Cf. Mœhler, Symbolique, l. I, Î5 35. Voir Calvinisme, 1. 11, col. 1415, 1417 ; Goelz, op.’cit., p. 98-99.

2. Le dogme.

A ces erreurs, si peu sûres d’ellesmêmes et si incertaines dans leurs formules, le concile oppose la foi très ferme et très constante de l’Église, et il l’exprime avec toute la netteté possible :

Can. 1. Si quis negavcrit,

in sanctissimae eucharisliie

sacramento contineri vere,

realiter et substantialiter

corpus et sanguincm una

cum anima et divinitate

Doniini nostri.70su Chiisti,

ac proinde tplum Chri stum ; sed dixcrit tantum modo esse in eo ut signo,

vel figura, aut viitute, ana thema sit. Denzinger-Bann wart, Enchiridion, n. 883.

Si quelqu’un nie que,

dans le sacrement de la très

sainte eucharistie, soient

contenus vraiment, réelle ment et substantiellement

le corps et le sang avec l’âme

et la divinité de Notre Seigneur Jésus— Christ, et

par conséquent le Clirist

tout entier ; mais prétend

qu’ils n’y sont qu’en signe,

ou en figure, ou par leur

vertu, qu’il soit anathème.

Deux choses sont définies dans ce canon : la réalité de la présence du Christ dans l’eucharistie et l’intégrité de cette présence. Deux choses sont enseignées dans le c. i correspondant : le mode de présence et les fondements scripturaires et traditioimels sur lesquels on s’appuie pour l’afiirmer.

a) La réalité de la présence. — Les erreurs protestantes qui nient ou restreignent la présence du Christ sous les espèces sacramentelles sont condamnées comme hérétiques. Elles sont exprimées par trois formules.

L’eucharistie n’est pas un simple signe, in signa, on pourrait dire d’après l’art. 1 du projet de 1547, une simple enseigne qui fait songer à Jésus-Christ, in signa, sicut vinum dicitur esse in circula ante tabcrnam. Elle n’est pas une figure, ! / ! figura, un symbole qui ranime la foi en la passion du Sauveur et le rend présent à la foi. Elle n’est pas un simple véhicule de la grâce du Christ, in virtute, qui, présent partout dans son Église, manifeste sa présence dans l’eucharistie par une action plus efficace et plus directe sur ceux qui la reçoivent. Le concile a-t-il voulu préciser davantage, et chacune de ces trois expressions correspond-elle à une erreur distincte des protestants ? Il semble qu’il en soit ainsi, au moins pour la dernière in virtutc, qui atteint directement l’hérésie de Calvin. Cependant même pour celle-ci, les documents jusqu’ici publiés ne permettent pas de l’affirmer avec certitude et en se basant sur les textes ; cette expression fut en effet ajoutée sur la proposition que fit l’évêque de Guadix, le 26 septembre 1551, et qu’il motivait ainsi : u/ clurius posiliones hæreticorum daninentur. Tlieincr, 1. 1, p. 512. Quant aux deux premières, il ne paraît pas qu’elles aient une signification sensiblement différente l’une de l’autre. Dans les projets primitifs, toutes les erreurs protestantes étaient résumées en bloc par les mots in signo ; c’est seulement le ! « ’octobre que la commission chargée de la rédaction des canons ajouta in figura, sans que rien nous renseigne sur la raison de cette addition.

Le concile repousse toutes ces subtilités qui permettent de nier la présence réelle tout en conservant le mot ; c’est dans toute la simplicité de la foi et sans le moindre détour dans les formules qu’il définit la présence réelle, apcrte et simpliciier, dit le c. i. L’eucharistie contient le corps et le sang de Jésus-Christ, ce même corps « qui, né de la Vierge, est assis aux cieux à la droite du Père, » ainsi que l’explique le Catéchisme du concile de Trente, n. 25 ; et elle le contient vraiment, réellement et substantiellement. Ces trois adverbes, ajoutés l’un à l’autre, expriment tout au moins une affirmation catégorique et sans restriction de la présence réelle ; mais n’expriment-ils que cela ? Parmi les théologiens qui ont commenté ce canon, plusieurs ont été frappés par ces trois adverbes qui semblent correspondre aux trois expressions de l’erreur, in signo, in figura, in virluie ; c’est une présence vraie et non un signe, une présence réelle et non la figure d’une présence, une présence substantielle et non une simple manifestation d’activité. Cette exégèse est exacte, c’est vrai ; mais il n’est pas probable que le concile ait remarqué et voulu cette parfaite correspondance. Dans les rédactions primitives, la réalité de la présence était exprimée par le seul mot rêvera ; c’est la commission réunie le " octobre qui, sans que rien dans les discussions antérieures puisse nous faire deviner son intention, remplaça ce seul mot par ceux ciui existent dans le texte actuel. Ces trois mots, d’ailleurs, ne satisfirent pas tout le monde ; plusieurs Pères auraient voulu qu’on y ajoutât celui de sacramentaliter ; bien que cette demande n’ait pas été prise en considération, elle prouve du moins qu’on ne songeait pas à répondre