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    1. ÉVÈQUES##


ÉVÈQUES. QUESTIONS THÉOLOGIQ UES ET CANONIQUES

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lorsque, pour satisfaire aux exigences de l’intérêt de l'Église, le pape ordonne à des évêques de renoncer à leur juridiction et bénéfice, ils sont tenus d’obtempérer à cette disposition du pasteur suprême, sans quoi ils se rendraient coupables du crime d’insubordination, et, pour ce grave motif, s’attireraient également, cette fois sous forme de peine, la déposition et la privation de leur bénéfice. L’histoire de l'Église nous offre un seul exemple de cette jurisprudence exceptionnelle, c’est l’injonction intimée par Pie "VII, à l’occasion du concordat de 1801, à tous les évêques de France, de Belgique et de Savoie, de renoncer à leurs sièges, de sorte que ceux qui ne voulurent pas se soumettre à cette décision, et reconnaître pour légitimes les nouveaux pasteurs nommés en leurs lieu et place, furent des schismatiques et encoururent l’anathème du concile de Trente, sess. XXIII, can. 8. Cf. Bouix, loc. cit., p. 360 sq.

2° Par le conscnlement même de l'évêque. — Cette vacation peut s’eiïectuer dans deux cas bien distincts : la démission du titulaire et sa translation à un autre évêché.

1. Démission.

La démission, ou renonciation, n’est pas autre chose que le libre abandon du propre bénéfice, eflectué, pour une cause grave, entre les mains du supérieur légitime qui a pouvoir de l’accepter. Avant le xiie siècle, les renonciations des bénéfices étaient rares. Mais, à dater du xiie siècle, les renonciations commencèrent à devenir plus fréquentes ; la collation des bénéfices fut dès lors interprétée comme un acte de libéralité, de sorte que, chacun pouvant renoncer à une libéralité, la pratique des démissions pénétra plus avant dans les mœurs ecclésiastiques.

Or on sait qu’il existe deux espèces de renonciations : l’une, expresse, manifestement exprimée, oralement ou par écrit, selon la forme déterminée par le droit ; l’autre, tacite, qui résulte d’un fait signifiant, par sa nature ou par l’interprétation du droit, l’abandon ou la cession du bénéfice lui-même. La renonciation expresse se divise, à son tour, en renonciation simple ou absolue, sans aucun pacte, condition, ou mode qui la détermine, et en renonciation conditionnelle, qui a lieu moyennant quelque condition, ou pacte, qui la modifie. A noter également, touchant les démissions épiscopales, que celles-ci peuvent porter soit sur le lieu seulement, c’est-à-dire le propre diocèse, soit, à la fois, sur le lieu et sur la dignité, lorsque l'évêque renonce à toute administration épiscopale et à tout exercice de sa dignité, de sorte que, même invité par un autre évêque, il ne puisse licitement conférer les ordres sacrés. Cf. Bouix, op. cit., t. i, p. 394.

La renonciation, pour obtenir ses effets juridiques, doit être libre, sans fraude, ni violence ; elle doit porter sur le bénéfice propre, c’est-à-dire celui que le sujet démissionnaire possède de plein droit ; elle doit, en outre, être motivée par une cause juste et légitime, 1. I, tit. IX, c. 10 ; enfin, elle doit être acceptée par l’autorité supérieure, exception faite pour le pape, lequel, étant le chef suprême de la hiérarchie ecclésiastique, n’a besoin du consentement de personne pour renoncer à la dignité pontificale. Sexte, 1. I, tit. vii, c. 1. L’autorité ecclésiastique compétente, pour accepter la démission des évêques, est uniquement le souverain pontife lui-même ; les renonciations épiscopales étant en effet réservées au siège apostolique. L. I, tit. IX, c. 10.

La démission, une fois revêtue des conditions canoniques, doit être publiée dans le temps prescrit par le droit ; autrement, elle reste sans effet. Or, à ce sujet, fut établie, par Innocent VIII, une règle. De publicandis resignalionibus, en vertu de laquelle aucune démission n'était admise si elle n'était publiée dans l’intervalle de six mois, ou d’un mois seulement, selon que

la renonciation s’effectuait dans la curie romaine, ou en dehors de la cour pontificale. Mais cette loi d’Innocent VIII cessa d'être comprise parmi les règles de la Chancellerie apostolique, dès que parut la const. Humano vix judicio de Grégoire XIII, d’après laquelle aucune démission faite en cour romaine n’est valable si elle n’a été publiée dans l’intervalle de six ou de neuf mois, selon que les démissionnaires résident m/ra montes, ou bien extra montes.

Aussitôt que la renonciation est chose effectuée et admise, le démissionnaire ne peut plus la retirer, et il perd, par le fait même, tout droit vis-à-vis du bénéfice en question ; ne pouvant, en conséquence, percevoir les revenus dudit bénéfice. L. III, tit. ix, c. 3.

2. Translation.

La translation se définit : le changement d’un bénéficier d’une Église à une autre, effectué par ministère de l’autorité supérieure, et pour une cause raisonnable. Le droit canonique a fixé plusieurs conditions sans lesquelles la translation ne saurait être légitime, a) Aucune translation ne peut s’effectuer sinon par disposition de l’autorité supérieure, de sorte que si le bénéficier, de sa propre autorité, passe d’une Église à une autre, il perd tout droit vis-à-vis des deux bénéfices en question : vis-à-vis du premier, parce qu’il y a renoncé par dédain, et vis-à-vis du second, parce qu’ill’a recherché par ambition, q. i, caus. VII, c. 31 ; 1. I, tit. VII, c. 3 : telle a été la peine infligée au cardinal Maury qui, sur la simple invitation de l’empereur Napoléon I'^, et sans l’intervention du pape, s'était transféré, de lui-même, à l'Église de Paris. Ainsi donc tous les évêques, et les prélats exempts exerçant une juridiction quasi épiscopale, ne peuvent bénéficier d’une translation sans l’autorisation du souverain pontife, comme il ressort de la réserve établie par le pape Innocent II, aux Décrétales, 1. II, tit. vii, c. 2 : tria hœc quse prsemisimus (la translation, la déposition et la renonciation) sola sunt romano ponlifici leseiuaia. b) La translation doit être motivée par une cause grave, à savoir, la nécessité, ou au moins l’utilité de l'Éghse. Benoît XIV, De synodo diœcesana, 1. XIII, c. XIV. Aujourd’hui, le soin de se prononcer touchant la légitimité des causes de la translation des évêques appartient à la Consistoriale. c) La translation doit s’effectuer selon un ordre établi : c’est ainsi que, en règle générale, la translation doit se faire d’une Église de moindre importance à uneÉglisede rang supérieur, 1. I, tit. VII, cl, 4 ; ce qui n’empêche pas que, pour de graves motifs, la translation ne puisse s’effectuer à uneÉglise de même rang, ou même à une Église de rang inférieur. Cf. Sebastianelli, op. cit., De rébus, p. 334. Enfin il est nécessaire, en principe, qu’intervienne le consentement, non seulement de ceux qui jouissent d’un droit de nomination, de présentation, ou d'élection, mais encore du sujet même qui doit être transféré. Benoît XIV, De synodo diœcesana, 1. XIII, c. XVI, n. 13.

Quels sont les effets juridiques de la translation ? Par le fait même, le sujet transféré perd tout droit visà-vis du bénéfice qu’il possédait auparavant, et acquiert tous les titres et droits inhérents au nouveau bénéfice qu’il reçoit ; c’est-à-dire pour l'évêque, à dater du moment où il est délié, en consistoire, par le souverain pontife, du lien qui l’unissait à son Église ; et cela, même avant l’expédition des lettres apostoliques, et sans que l'évêque en question ait déjà pris possession de son nouveau diocèse, selon un décret d’Urbain VIII, du 20 mars 1625. Ainsi donc, une fois que lui a été notifiée sa translation, l'évêque doit s’abstenir de tout exercice de la juridiction épiscopale, laquelle, en effet, passe au chapitre et au vicaire capitulaire, d’après la disposition du concile de Trente, sess. XXIV, c. xvi. De reform., mais dans l’intervalle qui s'étend entre la rupture du lien de la première Église et la notification