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ÉVÊQUES. ORIGINE DE L'ÉPISCOPAT


rcctement de Jésus-Christ ; leur mission s’adressait à l'Église entière sans restrictions ni limites ; comme une assistance spéciale du Saint-Esprit leur était promise, leur autorité était absolue et leur enseignement irréformable. Ils joignaient donc au ministère ordinaire un ministère charismatique qui leur était essentiellement personnel ; et même leur ministère ordinaire était d’une nature à part. A tous ces points de vue, ils n’eurent point et ils ne pouvaient pas avoir de successeurs. De leur vivant, ils gardaient toujours le droit d’intervenir au besoin dans les affaires des communautés chrétiennes, qu’ils les eussent fondées ou non. Voir Apôtres, t. i, col. 1658. Les évêques, établis par eux à titre temporaire ou définitif, restaient toujours leurs délégués et en quelque sorte leurs coadjuteurs. C’est à la disparition des apôtres que cette situation changea et que les évêques devinrent autonomes, tels que nous les représentent les lettres de saint Ignace. — 3. Le ministère charismatique. — La plupart des charismes avaient pour objet l’instruction et l'édification ou les œuvres de miséricorde spirituelle et corporelle, mais quelquesuns se rapportaient aussi au gouvernement de l'Église. Voir Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, t. I, p. 172-184. De là deux sortes de ministères : le ministère ordinaire qui résulte d’une délégation officielle de l'Église au moyen d’une désignation spéciale et d’un rite extérieur, et le ministère extraordinaire qui, bien que reconnu par l'Église, n’est pas conféré par elle mais par l’action intérieure et invisible de l’Esprit-Saint. Il n’est pas impossible qu’au moment de leur fondation, pendant un temps très court, certaines communautés n’aient possédé que le seul ministère charismatique. Mais si cet état embryonnaire a jamais existé, il a duré fort peu. L’apôtre fondateur ne tardait pas à intervenir et, naturellement, il désignait pour gouverner les détenteurs du charisme de gouvernement. Le ministère ordinaire et le ministère extraordinaire arrivaient donc à se confondre ou à reposer sur les mêmes têtes. D’ailleurs, les charismes cessèrent de bonne heure. La Doctrine des apôtres, vers la fin du i'^'e siècle, les suppose encore communs, x, 7-xin, 7 ; xv, 1-2 ; mais, après cette époque, il n’en est plus question. La perturbation que put occasionner ce dualisme ne dépasse donc point l'âge apostolique. Voir Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1912, t. ii, note V", p. 436-440.

Orientation.

La date de la plupart des documents dont nous aurons à nous servir (Pères des trois

premiers siècles et conciles antérieurs à Nicée) ou est absolument certaine ou se laisse établir avec une approximation suffisante. Presque toujours, une différence de quelques années en plus ou en moins est sans importance pour notre but. Peu importe, par exemple, dans la question actuelle, que les lettres d’Ignace d’Antioche soient de 107-108 ou seulement de 115. Mais, quand les dates extrêmes assignées par les critiques offrent un écart plus considérable, comme c’est le cas pour l’Apocalypse, pour la Doctrine des apôtres et pour le Pasteur d’PIermas, nous ne pourrons faire abstraction des controverses, l’interprétation étant subordonnée i la question de date. Il est deux classes d'écrits dont l’usage réclame la plus grande circonspection ; je parle des légendes clémentines et des premiers manuels de droit canonique. D’après Harnack, Die Chronologie der altchristl. Litleratur, Leipzig, 1904, t. ii, p. 518-540, le roman qui a pour héros Clément de Rome aurait été compilé entre 225 et 300, peut-être en 260, au moyen de deux sources hétérogènes datant l’une et l’autre des environs de l’an 200 : une Prédication de Pierre (KriÇ, jYfiara Uizpov) judéo-chrétienne et gnostique et des

Actes de Pierre (npptii nétoo-j) catholiques et antignostiques. Le roman à son tour aurait donné naissance à deux recensions, probablement du début du vie siècle : les Homélies clémentines et les Reconnaissances clémentines. Les recensions syriaque et arabe seraient plus récentes et les deux Epitomés que nous possédons ne seraient que des extraits des Homélies. Waitz, Die Pseudoklementinen, dans Texte und Unlersuch., Leipzig, 1904, t. xxv, fasc. 4, est d’accord en substance avec Harnack. Voir ClémenTiNs (Apocryphes), t. iv, col. 201 sq. Le cas des anciens manuels de droit canonique est encore plus compliqué. On admet généralement aujourd’hui que la Didascalie qui a servi de base aux six premiers livres des Constitutions apostoliques date du iii"e siècle et plus probablement de la seconde moitié. Harnack, Bardenhewer et maintenant Funk, La date de la Didascalie, Louvain, 1901, sont de cet avis. Les Canons ecclésiastiques des apôtres seraient de la même époque (Achelis, Ehrhard, Bardenhewer) ou peut-être du commencement du ive siècle (Harnack et Funk). Quant aux Constitutions apostoliques et aux écrits apparentés {Canons [arabes] d’Hippolyte, Testament [syriaque] du Seigneur, Constitution ecclésiastique d' Egypte) la date en est vraisemblablement plus tardive et touche peutêtre au v<e siècle. Dans ces conditions, ils tombent hors de notre cadre.

IL Terminologie. Sens et origine du mot « ÉvÊQUE » (Ininy.oTzo ;). — 1° Dans la littérature profane. — Le mot èTcc’irxo-o ; est commun chez les classiques, en prose et surtout en vers, au sens de « gardien, protecteur, patron » . Il se dit spécialement des divinités tutélaires ou vengeresses, par exemple, des dieux qui veillent sur l’observation des contrats. A Athènes, le mot avait un sens technique ; il désignait les commissaires que la république envoyait pour organiser les colonies ou les pays de conquête et que l’on peut assimiler aux harmostes de Lacédémone. C’est l’explication que donne le scoliaste d’Aristophane, Oiseaux, 1023 : 'KnliKOT.o :  ; r, x(j) ivjpo Tfi) xyâ|xa)), ax< « )v, et, d’après lui. Suidas et les autres lexicographes. Ce sens est confirmé par des inscriptions antérieures à la guerre du Péloponèse. Cf. Bœck, Corpus inscr. gr., n. 73 et 73 b. Ailleurs, le mot gardait son acception la plus générale de « surveillant, inspecteur » , etc. On l’a retrouvé dans quelques inscriptions un peu antérieures à l'ère chrétienne. Ainsi à Rhodes, parmi d’autres magistrats ou officiers de la cité, on compte une fois cinq, ibid., Inscr. Maris ^Egœi, n. 49, une autre fois trois IkîCTxoTTot. Ibid., n. 50. Une inscription découverte dans les ruines du temple d’Apollon Erethimius, ibid., n. 731, mentionne un ininv.oiio ;  : quoique la dernière lettre ait disparu le singulier est plus probable, car il est suivi d’un seul nom propre. La célèbre inscription de Théra, ibid., n. 329, a cela d’intéressant que deux sTrtTxoTroi y figurent comme chargés d’une gestion financière. Cf. Delssmann, Neue Bibclstudien, Marbourg, 1897, p. 57. Enfin le mot paraît dans une dizaine d’inscriptions copiées en divers endroits de l’ancienne Batanée (pays de Basan, Hauran actuel) et publiées par Lebas et Waddington. Ce dernier avait cru pouvoir assimiler les £7r[<jxoTroi nommés dans ces inscriptions aux agoranomes (chargés de fixer les prix du marché) dont parle Charisius, Digeste, IV, xviii, 7 : Item episcopi qui præsunt pani et céleris venalibus rébus, etc. ; mais cette hypothèse n’est pas fondée. C. Fossey a remarqué que dans ce groupe d’inscriptions le mot n’est employé que dans des textes relatifs à la construction d'édifices. Bu//e/in de correspondance hellénique, 1895, t. xix, p. 306. Une fois même le personnage en question est formellement appelé âjtt’dxoitoç ê'pytov, " surveillant des