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EVE

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XIV, 34. Voir S. Thomas, Sum. iheoL, II> II » , q. clxiv, in corp. et ad 2°"'.

III. Après lf. péché. — 1° Nom. — Aussitôt après la sentence divine qui rappelait sa future maternité, Adam donna un nom à sa compagne. Il l’appela Havvâh, Zmt, (Septante), ZtDOydvo ; (Symmaque), c’està-dire la « vie » ou la « mère » , parce qu’elle a été la mère de tous les vivants. Gen., iii, 20. Il n’y a pas lieu de dire avec beaucoup de commentateurs que cette dénomination est placée ici par prolepse, et qu’Adam n’a donné ce nom à sa femme que plus tard, après la naissance de leurs enfants, Gen., iv, 1, 2 ; on a vu dans ce fait un grand acte de foi de la part d’Adam. Condamné à la mort en punition de sa faute, Gen., iii, 19, il voit dans sa femme la source de la vie et il lui donne un nom qui lui rappellera qu’il vivra dans sa postérité et que sa race ne disparaîtra pas de dessus la terre. — 2° Vêtement et expulsion du paradis. — C’est par un anthropomorphisme évident qu’il est dit que Dieu fit à l’homme et à sa femme des tuniques de peau et qu’il les en revêtit. Selon la juste remarque d’Origène, Selecta in Gcnesim, P. G., t. xii, col. 101, il ne faut pas faire de Dieu le corroyeur et le tailleur d’Adam et d’Eve. Le vêtement a été voulu par Dieu comme plus approprié à la condition de l’homme pécheur, soumis à la convoitise et aux intempéries de l’air. Ce soin pris par Dieu, la sentence d’expulsion hors du paradis terrestre fut portée ; l’humanité justement punie n'était pas abandonnée sans protection bienveillante à son pénible sort. — 3° Premières conceptions et premiers enfantements. — Adam et Eve sortirent du paradis terrestre, étant vierges encore. A la naissance de son premier enfant, Eve s'écria joyeusement : « J’ai acquis lui homme avec Jahvé, » c’est-à-dire avec son assistance et sa grâce, et cette exclamation joyeuse devint le nom de l’enfant : Gain, qui signifie possession, acquisition. Voir t. i, col. 379. Le second enfant d’Eve nommé dans la Genèse, IV, 2, fut Abel. Après le meurtre d’Abel par Gain, un troisième fils, dont le nom nous' est connu, naquit à Eve : Seth, que Dieu lui donnait pour remplacer Abel. Gen., iv, 25. Au cours de sa vie, Adam eut d’Eve, et non d’une autre femme, dont il n’est pas parlé dans l'Écriture, des fils et des filles, Gen., v, 4, autres que les trois fils nommés. Il est vraisemblable qu’ils furent nombreux, tant en raison de la longévité d’Adam que de la nécessité de remplir la terre conformément à la bénédiction divine. Gen., i, 28. L'Écriture ne nous apprend rien de plus d’Eve. En dehors de la Genèse, Eve n’est nommée que trois fois dans la Bible : Tobie, viii, 8 ; II Cor., xi, 3 ; I Tim., ii, 13.

IV. Figure de l'Église et de la sainte Vierge. — Les Pères de l'Église ont reconnu dans Eve une figure prophétique à un double titre : 1° dans sa création ; 2° dans l’ordre du péché et de sa réparation. — 1° Dans sa formation d’une côte d’Adam, elle représentait l'Église sortant du côté ouvert de Jésus sur la croix. Voir t. i, col. 385-380. — 2° Dans l’ordre du salut et de la réparation du péché, Eve a été comparée à Marie, la mère du Sauveur, par contraste, plus que par ressemblance. Adam ayant été considéré par saint Paul et par les Pères comme la figure de Jésus, le second Adam, voir t. i, col. 384-385, il était tout naturel qu’Eve devînt, elle aussi, la figure de la mère du Sauveur, bien que saint Paul n’ait pas marqué ce caractère figuratif de la première femme. Si les Pères apostoliques ne l’ont pas signalé non plus, saint Justin, le premier au ip siècle, a comparé Eve avec Marie. Il exposait à Tryphon, Dial. cum Tnjphone, 100, P. G., t. vi, col. 709, 712, que le Sauveur Jésus devait être le fils d’une vierge pour que la désobéissance prit fin par la même voie qu’elle avait eu commencement sous l’excitation du serpent. Eve

était vierge inviolée, quand elle enfanta la désobéissance et la mort ; la vierge Marie les a détruites par sa réponse confiante à la parole de l’ange qui lui annonçait la naissance du Fils de Dieu. Saint Irénée compare aussi l’obéissance de la Vierge Marie à la séduction d’Eve. Cdie-ci, vierge encore, quoique mariée, a désobéi ; Marie, unie à un homme prédestiné et vierge, a été obéissante, et sibi et universo generi humano causa fæla est salutis… Sic autem et Evæ inobedientiæ nodus solutionem acccpit per obedientiam Mariæ. Quod enim alligavit virgo Eva incredulitatem, hoc virgo Maria solvit per fldem. Conl. hær., I. III, c. xxii, P. G., t. VII, col. 958, 960. Plus loin encore, 1. V, c. xix, n. 1, col. 1175-1176, le même Père compare Eve à Marie. La première a été séduite par un ange, la seconde a reçu d’un ange l’annonciation de sa maternité divine. La vierge Marie est devenue ainsi l’avocate de la vierge Eve. Le genre humain, astreint à la mort par une vierge, a été sauvé par l’intermédiaire d’une vierge ; l’obéissance d’une vierge a réparé la désobéissance d’une vierge. Les premiers linéaments

de la comparaison entre la première et la seconde Eve

I ont été diversement développés par les écrivains t ecclésiastiques postérieurs. Cf. S. Amphiloque, Oral., I I, in Christi nutalem, 4, P. G., t. xxxix, col. 40-41 ; I S. Épiphane, iïajr., lxxviii, 18, P. G., t. xlii.coI. 728 ! 729 ; S. Pierre Chrysologue, Serm., xcix, P. L., t. lii, i col. 479 ; S. Maxime de Turin, Homil., xv, P. L., I t. lvii, col. 254. La prudence, l’obéissance et la foi I de la seconde ont remplacé l’imprudence, la désobéisi sance et l’incrédulité de la première. Le mal qu’Eve I avait laissé introduire dans le monde en prêtant I l’oreille aux discours astucieux du serpent a été réparé par l’audition que Marie a donnée à la parole de l’ange Gabriel. Dieu qui a condamné Eve a couronné Marie de gloire. Comme la mort est venue par la première Eve, la vie est revenue par la seconde. Eve a été réintégrée en Marie comme Adam l’a été dans le Christ. Ce n’est que par Marie qu’Eve mérite le nom de mère des vivants. Les deux sexes qui avaient causé notre perte ont concouru à l'œuvre de notre salut. Eve s'était assujettie au serpent ; Marie n’a jamais été sous son empire ; l’inimitié entre elle et le serpent a été perpétuelle. Cette femme a broyé la tête du serpent tentateur. Tous accusent Eve ; tous louent Marie, qui est le paradis de délices, la mère de notre rédempteur et la terreur du démon. Voir C. Passaglia, De immæuledo Deiparæ conceptu, t. ii, p. 812-954 sq. ; J. Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, t. i, p. 370-371 ; card. Meignan, De l'Éden à Moise, Paris, 1895, p. 194-195.

V. Dans la littérature apocryphe et dans LA légende. — 1° Dans la littérature apocryphe. — La littérature apocryphe juive ou chrétienne s’est

occupée d’Eve et a suppléé au silence de la littéraI ture canonique sur le nombre de ses enfants, ses luttes

avec Satan, sa pénitence et son salut. — 1. Dans la littérature apocryphe juive. — a) Le livre d’Hénoch. — Hénoch, dans le livre des songes, lxxxv, 3, trad. F. Martin, Paris, 1906, p. 198, fait sortir Eve de terre, comme Adam, sous l’image d’une génisse. Il raconte, en continuant son symbolisme d’animaux, la naissance de Caïn et d’Abel, le meurtre d’Abel, la recherche de ce fils par Eve et la grande lamentation de celle-ci jusqu’au silence qui lui est imposé par Adam, la naissance de Seth, taureau blanc comme son père, et de nombreux fils et filles de couleur noire, qui ne sont pas agréables à Dieu. Ibid., 3-8, p. 198-199. Hénoch vit le paradis terrestre et l’arbre de la sagesse, pareil au caroubier, très beau et très odorant. L’ange Raphaël lui dit qu’Adam et Eve mangèrent de cet arbre, qu’ils connurent ainsi la science, xxxii, 3-6, p. 74-75. Ailleurs, lxix, 6, p. 151, l’ange Gabriel