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EUCHARISTIE D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE


téraux et émit l’idée que les deux sens étaient parfaitement compatibles. Ibid., p. 507.

La chose parut d’une telle importance à cause de ses conséquences pratiques que le deuxième président du concile, Pigliini, évêquc de Siponto, crut devoir prendre la parole, « bien que ce ne fût pas l’habitude, dit-il, que les légats ou les présidents exprimassent leur avis durant l’examen des articles ou des décrets. » Il parla uniquement de la communion sous les deux espèces et affirma que le passage allégué de saint Jean devait s’entendre d’une manducation spirituelle ; s’il y était question de la communion sacramentelle, ajouta-t-il, chacun serait tenu de faire ce qui y est ordonné, donc de comn ; unier sous l’espèce du vin ; car, même si l’on dit que quiconque reçoit le corps du Christ boit en même temps son sang, tout au moins devra-t-on avouer que Jésus-Christ aurait dit une chose vaine en distinguant et en disant : Nisi manducaverilis carnem… el biberitis sanguinem. .. Theiner, t. i, p. 517. Lippomano, évêque de Vérone et troisième président, parla dans le même sens. Ibid., p. 518.

3. Rédaction et discussion des canons.

Quand tous les Pères eurent donné leur avis, le légat Crescenzi résuma les discussions, annonça qu’on tiendrait compte des observations et nomma une commission chargée de rédiger les canons. Elle fut composée de huit membres : les archevêques von Heussenstamm de Mayence et Alepo de Sassari, les évêques Gregoranczi d’Agram, Musso de Bitonto, de Navarra de Badajoz, Ayala de Guadix, de Acuna y Avellaneda d’Astorga, et Foscarari de Modène. Theiner, t. i, p. 519.

Dès le lendemain, 1° octobre, la commission se réunit avec le légat et les présidents et rédigea dix canons. Le 2, nouvelle réunion ; les canons furent remaniés et on en porta le nombre à treize. En voici la teneur : « 1. Si quelqu’un dit que, dans le très saint sacrement de l’euch u’istie, n’est pas contenu vraiment, réellement et substantiellement le corps et le sang en même temps que l’âme et la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et, par conséquent, le Christ tout entier, mais qu’il y est seulement comme en signe ou en figure ou par sa vertu, qu’il soit anathème. 2. Si quelqu’un dit que, dans le très saint sacrement de l’eucharistie, il reste la substance du pain et du vin en même temps que le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; si, employant d’exécrables et profanes nouveautés de paroles, il dit que le Christ est impané ; s’il nie cette merveilleuse et singulière conversion de toute la substance du pain au corps et de toute la substance du vin au sang, après laquelle il ne reste que les ajjparences du pain et du vin, conversion que nos Pères et toute l’Église catholique ont très justement appelée transsubstantiation, qu’il soit anathème. 3. Si quelqu’un nie que le Christ soit contenu sous chaque espèce et sous chacune de ses parties, qu’il soit anathème. 4. Si quelqu’un dit qu’après la consécration, le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ ne sont pas dans l’admirable sacrement de l’eucharistie ; qu’ils n’y sont que pendant qu’on le reçoit, ni avant, ni après ; ou que le corps du Seigneur ne reste pas dans les hosties ou parcelles consacrées qui demeurent après la communion, qu’il soit anathème. 5. Si quelqu’un dit que le très saint sacrement de l’eucharistie a été institué pour la seule rémission des péchés, qu’il soit anathème. 6. Si quelqu’un dit que Notre-Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, ne doit pas être adoré dans l’eucharistie du culte qu’on appelle de latrie, qu’on ne doit pas l’honorer par une adoration extérieure et une fête solennelle spéciale ; ou qu’il n’est pas permis, selon le rite et la coutume pieuse et louable de la sainte Église, de le porter solennelle ment dans les processions ; ou qu’on ne doit pas l’exposer publiquement aux regards du peuple et que ceux qui l’adorent sont des idolâtres, qu’il soit anathème. 7. Si quelqu’un dit qu’il n’est pas permis de conserver la sainte eucharistie dans le sanctuaire, mais qu’il faut la consommer aussitôt après la consécration et la distribuer aux assistants ; ou qu’il n’est pas permis de la porter avec honneur aux malades ; ou que le prêtre qui célèbre n’a pas le droit de se communier lui-même, qu’il soit anathème. 8. Si quelqu’un dit qu’il est nécessaire au salut et prescrit par une loi divine que tous les fidèles du Christ communient sous les deux espèces ; ou que l’Église a erré jusqu’ici en communiant les laïcs et non les prêtres célébrants sous la seule espèce du pain, qu’il soit anathème. 9. Si quelqu’un dit qu’il est nécessaire de droit divin de donner la communion aux enfants, même avant qu’ils soient parvenus à l’âge de discrétion, qu’il soit anathème. 10. Si quelqu’un dit qu’on reçoit moins en communiant sous une seule espèce que sous les deux, ou qu’on commet une injustice envers les laïcs, ou que ceux qui communient sous une seule espèce sont frustrés du fruit même du sacrement, qu’il soit anathème. 11. Si quelqu’un dit que le Christ est donné à man’j ; er seulement d’une manière spirituelle par la foi, et non d’une manière sacramentelle, qu’il soit anathème. 12. Si quelqu’un nie que tous les fidèles du Christ et chacun d’eux, de l’un ou de l’autre sexe, lorsqu’ils sont arrivés aux années de discrétion, soient tenus de communier au moins une fois l’an à Pâques, selon le commandement de la sainte mère l’Église, qu’il soit anathème. 13. Si quelqu’un dit que la foi seule est une préparation suffisante à la réception du très auguste sacrement de la très sainte eucharistie, qu’il soit anathème. Et, de peur que ce sacrement des sacrements ne soit reçu indignement, pour la mort et la condamnation, le saint concile déclare que ceux dont la conscience est chargée d’un péché mortel doivent nécessairement recourir, avant de le recevoir, à la confession sacramentelle. Si quelqu’un osait enseigner, prêcher, affirmer opiniâtrement ou soutenir publiquement le contraire, qu’il soit par le fait même excommunié. » Theiner, t. I, p. 520. La seule comparaison de ces textes avec ceux des projets primitifs montre quel chemin avait déjà été fait vers une précision de formules de plus en plus grande ; et cependant il faudra encore plusieurs examens et plusieurs retouches avant qu’on obtienne la formule définitivement adoptée.

Le 3 octobre, copie des canons ainsi préparés fut donnée aux Pères, afin qu’ils pussent les examiner à loisir.

Mais le 6, jour où devait commencer la discussion, le légat Crescenzi fit part aux membres du concile d’une démarche qui avait été faite auprès de lui pour obtenir que l’on différât encore la publication des canons sur l’eucharistie. En effet, le comte de Montfort, l’un des ambassadeurs impériaux, et les envoyés de Ferdinand d’Autriche avaient essayé de démontrer au légat qu’il ne convenait pas de traiter une question de doctrine aussi importante avant l’arrivée de délégués protestants ; et, comme Crescenzi répliquait qu’on ne pouvait tarder plus longtemps, et que l’ordre logique des matières exigeait que l’on promulguât le dogme de l’eucharistie, le comte avait demandé qu’au moins l’on réservât la question de la communion sous les deux espèces, si l’on ne voulait rendre irrémédiable la séparation. Le pape, consulté, avait permis d’accorder un sauf-conduit aux protestants qui voudraient venir et de surseoir pour trois mois à la discussion des canons en litige. Sarpi, Histoire du concile de Trente, trad. franc., Amsterdam, 1751, 1. IV, n. 12. En faisant part aux Pères de ces