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ÉVANGILES APOCRYPHES


grecques assez différentes l’une de l’autre. Tischendorf a publié également une recension latine qui rattache les récits des deux rédactions grecques à celui des Évangiles canoniques. Dans tous les cas, il s’agit d’un recueil de merveilles accomplies par Jésus enfant, merveilles qui ont pour but de montrer ses connaissances surhumaines et son pouvoir divin. I ! s’en faut d’ailleurs que le portrait de Jésus soit flatté, car le jeune thaumaturge se sert de son pouvoir pour faire autant de mal que de bien. Renan a pu dire, sans exagération, que Jésus « figure, dans cet Évangile, comme luie sorte d’enfant terrible, méchant, rancunier, faisant peur à ses camarades et à tout le monde. » On se demande quelle édification pouvaient trouver dans un livre si trivial de fond et de forme les nombreuses générations chrétiennes qui l’ont lu.

Il est bien curieux que la seule citation qui nous reste de l'Évangile de Thomas en usageparmilesnaasséniens, Hippolyte, Philosoph., 1. V, 7, voir plus haut, déclare que, pour trouver Jésus, il le faut chercher parmi les enfants de sept ans. Le rapprochement entre cette phrase et les narrations de Thomas le philosophe a conduit les critiques à penser que l'écrit en question pourrait bien n'être qu’un remaniement de l'Évangile en usage dans les cercles gnostiques et auquel font allusion Origène et Hippolyte. D’autre part, Irénée, Cont. hær., i, 20, P. G., t.vii, col. 653, déclare que les marcosiens ont entre les mainsunemasse d'écrits apocryphes, qu’ils ont eux-mêmes fabriqués et qu’ils mettent en circulation pour réduire les simples. Il y a lu une anecdote sur le Sauveur qui ressemble de tous points à ce qu’on lit dans le récit de Thomas le philosophe, XIV, 2. Il est vrai que le caractère gnostique de la narration actuelle est peu accusé ; dès lors, au lieu d’admettre simplement l’identité de notre apocryphe et de l'écrit gnostique connu par Irénée, il semble plus prudent de voir dans le récit de Thomas le philosophe une compilation d’histoires, tirées d’un Évangile plus long, qui avait pris naissance dans des cercles hérétiques. Le coloris gnostique en aura été atténué par un reviseur catholique, heureux de conserver à la postérité les belles histoires de Jésus enfant. En tout état de cause, ce remaniement catholique ne remonterait pas plus haut que le iiie siècle.

Les textes dans Tliilo, Codex apocrijphiis Notii Testamenti, et dansTischendorf.Eyani/eiia apoeryp/ia. Le texte grec de Tischendorl a été réimprimé dans Ch. Michel, Êmuigiles apocryphes, t. I.

On trouvera une littérature sulTisanle et un excellent commentaire par Meyer, dans Hennecke, llnndbuch, p. 132-142.

Évangile arabe de l’enfance.

C’est une compilation

qui rappelle l'écrit précédent. Elle raconte, d’après le Protévangile, la naissance de Jésus jusqu'à la fuite en Egypte, c. i-ix, et d’après l'Évangile de Thomas, le séjour de Jésus enfant à Nazareth et à Bethléhem, c. xxvi-Lv ; le milieu est un recueil de traditions occidentales sur le voyage de la sainte famille en Egypte, les divers lieux qu’elle visita et les nombreux miracles que Jésus y accomplit. L’auteur a d’ailleurs modifié plus ou moins profondément ses sources. Au point de vue des idées, on remarquera le rôle prépondérant que joue la Vierge Marie dans les diverses narrations ; elle est déjà la médiatrice des faveurs accordées par le divin enfant, dont le portrait est d’ailleurs plus satisfaisant que dans l'Évangile de Thomas. Le livre est d’origine relativement récente ; composé en syriaque vers le v'e siècle, il ne subsiste plus que dans une traduction arabe ; mais il a joui chez les chrétiens de langue syriaque, surtout chez les nestoriens, d’une très grande faveur. Les musulmans l’ont également connu, et, pour leur édification, Kesseus

a incorporé nombre des légendes qu’il renferme dans son histoire des patriarches et des prophètes.

Le texte arabe avec traduction latine dans Thilo, Codex (ipocryphus ; trad. latine de ce texte dans Fabricius, Codex apocryplms, et dans Tischendorf, EyangeZia apocrypha. A la fin de son texte, Thilo donne de nombreuses notes empruntées au mythographe musulman Kesseus.Voir aussi Brunet, Les Évangiles apocryphes, Paris, 1849, p. 57-111 ; Variot, Les Évangiles apocryphes, Paris, 1878, p. 64-83 ; Hofmann, Das Leben Jesu nach den Apokryphen, Leipzig, 1851, p. 144-265, donne un commentaire suivi des principales narrations.

Histoire arabe de Joseph le charpenlier.

Après

un résumé très sommaire de la vie de saint Joseph, vient le récit de sa mort édifiante entre les bras de Jésus et de Marie. Le tout est mis sous la forme d’un discours de Jésus à ses apôtres. Quelques idées sont intéressantes, notamment celles qui sont relatives à la traversée que l'âme doit accomplir après la mort ; guidée par l’archange Michel ou par son ange gardien, elle pourra franchir sans encombre les flots de la mer de feu que doivent affronter toutes les âmes. A la prière de.Jésus, Michel et Gabriel viennent prendre l'âme de Joseph qu’ils emportent dans un vêtement lumineux. Le corps même du saint patriarche est semblablement l’objet de leurs soins ; il demeurera sans corruption jusqu’au banquet des mille ans. Jésus termine son récit par des réflexions sur la mort, châtiment du péché, que doivent subir tous les hommes. Elle et Hénoch, eux-mêmes, jadis enlevés au ciel, reviendront sur terre dans les derniers temps, pour y mourir. L’ensemble de cet écrit a une allure passablement archaïque ; les idées sur les anges, le millénarisme naïf, l’ignorance de l’assomption de la Vierge, tout semble attester une origine relativement ancienne, au jugement de Tischendorf. L’original a dû être écrit en copte et traduit plus tard en arabe ; la patrie est certainement l’Egypte où la fête de saint Joseph a été de bonne heure célébrée.

Le texte arabe avec traduction latine dans Thilo, Codex apocryphiis ; trad. latine dans Tiscliendorf, Evangelia apocrypha. Le P. Peeters, bollandiste, vient de publier une traduction française des deux rédactions, l’une copte, l’autre arabe, dans C. Michel, Évangiles apocryphes, t. i. Bon commentaire dans Hofmann, Das Leben Jesu nacli den Apokryphen, surtout p. 263-288. Variot, Les Évangiles apocryphes, p. 83-93 ; Brunet, Les Évangiles apocryphes, p. 17-57.

Transitus Mariæ.

On désigne sous ce titre un

récit de la mort et de l’assomption de la sainte Vierge, dont Tischendorf a publié une recension grecque intitulée : La dormilion de la Vierge, toO àyîou 'Iwâwoj Toû OsoXoyo’j Àôyo ; si ; Tr, v /.oî[j.r|17tv ~rç. OLyixi 0eoTO/iou, et deux recensions latines intitulées : Transitus Mariæ, Le texte original semble être le grec, dont les deux recensions latines s'écartent en plusieurs points importants. La Vierge, en priant auprès du Saint-Sépulcre, reçoit de l’ange Gabriel la nouvelle que sa mort est prochaine ; elle se retire à Bethléem où viennent la rejoindre les apôtres miraculeusement rassemblés. La Vierge meurt à Jérusalem au milieu des prodiges les plus éclatants et les apôtres célèbrent ses funérailles et l’ensevelissent dans le jardin de Gethsémani. Trois jours après, le corps de Marie est transporté par les anges dans le ciel. Dans le premier des remaniements latins, les apôtres viennent constater de visu la disparition du corps précieux de la Vierge. Cette histoire, qui a exercé une très grande influence aussi bien dans l'Église grecque que dans l'Église latine, serait, d’après quelques critiques, un remaniement catholique d’un ouvrage hérétique ; mais les preuves manquent à l’appui de cette affirmation, et rien n’empêche de voir dans notre texte le produit de la