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ÉVANGILES APOCRYPHES

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qu’il appelle l'édition de Sion et qui aurait été exécutée à Antioihe vers le début du ve siècle.

Le nom actuel de cet Évangile ne saurait être primitif ; pour ceux qui s’en servaient, c'était tout simplement l'Évangile ; le nom actuel lui a été donné par les chrétiens étrangers aux communautés de langue sémitique. Cet Évangile avait été composé en araméen occidental, la langue même que parlaient les contemporains de Jésus. Le fait que Clément d’Alexandrie et Origène l’ont cité semble indiquer qu’il en existait une traduction grecque avant l'époque de saint Jérôme. C’est du moins ce que prétendent Hilgenfeld, Handmann et Harnack ; Zahn soutient, au contraire, que la première traduction qui en fut faite est la double version latine et grecque de saint Jérôme.

Cette version est aujourd’hui perdue ; toutefois les citations éparses dans les Pères de l'Église, surtout dans les commentaires de saint Jérôme, permettent de restituer une vingtaine de fragments d'étendue très inégale. Zahn d’une part, Preuschen de l’autre, les ont organisés en prenant comme guide l'Évangile de saint Matthieu, dont l'Évangile des Hébreux se rapprochait beaucoup. On n’est pas certain toutefois que cet apocryphe débutât par les récits de l’enfance. Les expressions sont généralement celles de la Synopse, mais on y trouve plus encore que dans Marc le souci du détail précis et caractéristique. Le riche à qui Jésus vient de conseiller de vendre ses biens au profit des pauvres réfléchit en se grattant la tête, cœpit autem clives scalpere capiil suum et non plaçait ei ; Jésus ressuscité remet son suaire au serviteur du grand-prêtre. Le Saint-Esprit entraîne Jésus au désert, en l’enlevant par un des cheveux de sa tête. Les idées sont celles que se faisaient de Jésus les ébionites primitifs. Jésus est, avant tout, le Messie ; c’est au baptême que l’EspritSahit est pour la première fois descendu sur Jésus, lui conférant une fois pour toutes l’onction messianique : Fili mi, in omnibus prophelis cxspedabam te, ut ventres et requiescerem in te ; tu es enim requies mea, tu es filius meus primogenitus, qui régnas in sempiternum. Fils de l’Esprit, sans péché, Jésus devient ainsi le sauveur des malades et des pécheurs ; d’ailleurs, il n’entreprend rien contre la loi et les prophètes, qui doivent rester la règle de la vie chrétienne.

Pour ce qui est des relations de cet Évangile avec les Synoptiques, différentes solutions ont été proposées. Certains, Hilgenfeld, Zahn, veulent y voir l’original de notre Matthieu canonique ; mais cette hypothèse est universellement rejetée. Harnack, au contraire, considère notre apocryphe comme entièrement indépendant de la Synopse ; il serait une rédaction relativement primitive des traditions évangéliques qui circulaient dans les milieux judéo-chrétiens. D’autres enfin estiment que l'Évangile des Hébreux dépend de tous les Synoptiques : les diverses particularités s’expliquent si l’on admet que cet apocryphe a été écrit par quelqu’un qui utilisait les Évangiles canoniques de Matthieu et de Luc, en y joignant quelques traditions d’origine différente et relativement secondaire. Quoi qu’il en soit, tout le monde s’accorde pour le considérer comme très ancien ; il serait de la fin du i*"e siècle.

M. Schmidtke, Neue Fragmente und Untersnchungen zu den jiidenchristticlien Evangelien, dans Texte und Untersuc/ningen, Leipzig, 1911, t. xxxvii, fasc. 1, a imaginé une théorie toute nouvelle sur les rapports entre les Évangiles judéo-chrétiens. Les citations et références, rapportées jusqu'à présent à VÉvangilc des Hébreux, apparticndraient à deux Évangiles, complètement distincts : VÊvangile des Nazaréens et YÉvangile des Hébreux identifié avec l'Évangile des ébionites. Voir plus loin. h'Éuangile des Nazaréens ne serait autre chose qu’une traduction syriaque du

Matthieu grec canonique, exécutée avant 150 par les Nazaréens de Célésyrie. C’est pour s'être mépris sur le caractère de cet Évangile que Papias a mis en circulation la légende des Logia rédigés en hébreu par Matthieu. Hégésippe aurait connu lui aussi cette version syriaque de Matthieu, puis on en perd la trace jusqu'à Éusèbe qui l’a eue en miins et l’a placée dans la bibliothèque de Césarée. Apollinaire de Laodicée en aurait fait grand cas. et l’aurait citée fréquemment dans son commentaire sur Matthieu, aujourd’hui perdu. C’est de ce commentaire que proviendraient les variantes empruntées à tô 'lojîaVuov, et qu’on relève dans les manuscrits de l'édition dite de Sion. Mais saint Jérôme a confondu cette version syriaque de Matthieu avec VÉvangile des Hébreux dont il retrouvait les traces chez les exégètes antérieurs ; son erreur a entraîné celle des critiques d’aujourd’hui. L'Évangile des Nazaréens ne serait donc pas un apocryphe au sens propre du mot, mais un targoum araméen sur l'Évangile canonique. Sur l'Évangile des Hébreux. voir plus loin Évangile des ébionites.

Les diverses citations sont rassemblées dans E. Preuschen, Antilegomena, die Reste der ausserkanonischen Evangelien, 2e édit., Giessen, 1905, p. 3-9 ; et dans T. Zalin. Geschiclite des Neutestamentlicljen Kanons, t.ii, p. 686-701. Nombreux travaux sur cet Évangile ; les plus importants sont : Hilgenfeld, Novnm Testamentum extra canonein reccptiim, 1884, fasc. 4, p. 5-38 ; Nicliolson. Tlie Gospel accordinij to ttie Ilebrews, 1879 ; Handmann, Dus Hebràerevangeliunu 1888, dans Texte und Untersiiclmngen, t. v. fasc. 3 ; Zahn, loc. cit., p. 642-723 ; Harnack, Altcliri.stliclie Lilleratur, t. i. p. 6-10 ; t. II (Cluonologie), l, p. 625-651. On trouvera une bibliographie très complète dans Henneclse, Handbuch, p. 21-23.

2° L'Évangile des Égijpliens (ou selon les Égyptiens). — Clément d’Alexandrie, Slrom.. III, ix, 63 ; xiii. 92, édit. Stàhlin, p. 225, 238 : P. G., t. viii, col. 1168, 1192, mentionne un Évangile selon les Égyptiens, sur lequel les encratites appuîjut leurs théories et dont il cite lui-même quelques passages. Origène en parle d’une manière tout à fait incidente dans l’explication du premier verset de l'Évangile de saint Luc. Homit., i, in Luc., P. G., t. XIII, col. 1803. D’après Hippolvte, . Phitosoph., V, 7, P. G., t. xvi, col. 3130, les naasséniens s’appuyaient sur cet apocryphe pour soutenir leurs doctrines sur les transformations de l'âme humaine ; et Épiphane, Hær., lxii, 2, P. G., t. xlu col. 1052, nous apprend que les sabelliens trouvaient dans l'Évangile égyptien un soutien pour leurs erreurs.

Le fait, qu'à partir d’une certaine époque, cet apocryphe se rencontre surtout dans des communautés hérétiques, ne doit pas faire préjuger immédiatement de son caractère ; les textes mêmes de nos Évangiles canoniques n’ont-ils pas été interprétés par les hétérodoxes dans les sens les plus divers ? Pour apprécier sainement le caractère de l'Évangile selon les Égyptiens, il faut se rappeler que l’homélie connue sous le nom de Secunda Clementis cite, .xir, 2, comme parole du Seigneur un texte que Clément d’Alexandrie donne par ailleurs comme appartenant àl'Évangile des Égyptiens. Harnack. Chronologie, 1, p. 617 sq., a dressé le tableau des citidions évangéliques de la Secunda Clementis et conclu que plusieurs d’entre elles dérivent incontestablement de notre apocryphe. Ce fait, s’il était entièrement démontré, prouverait que l'Évangile égyptien a franchi de bonne heure les frontières de l’Egypte et qu’il était tenu à Rome en grande estime.

Les quelques citations qui en sont conservées ne permettent guère de déterminer d’une manière ferme le contenu et le caractère de cet écrit. Les passages rclevéspar Clément d’Alexandrie se réfèrent à un entretien de Salomé avec le Sauveur où celui-ci semblerait condamner l'œuvre du mariage. Mais le passage est