Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/161

Cette page n’a pas encore été corrigée
1621
1622
EVANGILE


denza archeological, 2, Leipzig, 1865, p. 440, un Egyptien (probablement un haut fonctionnaire) écrit à un autre (un prêtre sans doute) qu’ayant reçu la bonne nouvelle de la nomination de Gaius Julius Verus Maximus comme césar (vers 237-238 de notre ère), il fallait organiser une procession de déesses. Cf. A.Deissmann, Licht vom Osten, Tubingue, 1908, p. 266-269. Le mot £jaYYé), tov avait donc, dans le grec populaire, le sens de bonne nouvelle, et il était particulièrement employé dans le culte des empereurs. Par suite, il a été d’autant plus facilement adopté par les chrétiens hellénistes dans une signification religieuse spéciale.

IL Sens chrétiens. — Dans la langue chrétienne, le mot rLay-i’al'-ov a eu deux sens principaux : 1° celui de la prédication orale du salut apporté au monde par Jésus-Christ ; 2° celui de livres qui contiennent le récit de la vie et de l’enseignement du Sauveur Jésus. En d’autres termes, il a désigné : 1° l'Évangile oral ; 2° l'Évangile écrit.

1° L'Évangile oral. — 1. Origine de cette signification. — Notre-Seigneur, qui parlait araméen, n’a pas employé le mot grec evayyù.io’K Comme les évangélistes Marc et Matthieu, dans leurs relations grecques de sa vie publique, mettent plusieurs fois ce mot sur ses lèvres, on s’est demandé s’il correspondait à un mot hébreu ou araméen ayant le même sens, ou s’il n'était que la traduction de la pensée de Jésus par un terme usité postérieurement parmi les chrétiens de langue grecque, pour exprimer la prédication du salut apporté au monde par le Messie. Beaucoup de commentateurs ont pensé que Jésus avait employé lui-même le substantif hébreu besorâh, dérivé du verbe bàêar, dont le prophète Isaïe s’est servi plusieurs fois pour signifier l’annonce de la bonne nouvelle du salut messianique, XL, 9 ; lii, 7 ; lxi, 1 ; cf. Luc, IV, 18. Les Septante ont ordinairement traduit ce verbe par cùaYy=>c' !  ; £(19ai. Or, à la synagogue de Nazareth, Jésus déclara que ce dernier oracle d’Isaïe était réalisé alors en sa personne, Luc, iv, 21 ; et plus tard il y fit une allusion très claire, Matth., xi, 5 ; Luc, VII, 22, dans sa réponse aux envoyés de saint Jean-Baptiste. Si donc on admet l’authenticité de ces paroles (et les raisons d’en douter apportées par M. Loisy ne sont pas péremptoires), Notre-Seigneur lui-même a caractérisé sa mission comme étant l’annonce de la bonne nouvelle du salut messianique prédit par Isaïe. Gela étant, il aurait donc pu employer un mot hébreu ou araméen, correspondant exactement il £Ja-, 'Y£>, trjy. Toutefols, la preuve directe de l’emploi de cette expression araméenne n’est pas faite. En effet, des cinq passages, i, 15 ; viii, 35 ; x, 29 ; xiii, 10 ; xiv, 9, dans lesquels saint Marc met ce mot dans la bouche du Sauveur, aucun ne se retrouve en saint Luc, qui ne l’emploie jamais dans son Évangile, quoiqu’il reproduise plusieurs passages parallèles à ceux de saint Marc. De même, saint Matthieu omet deux fois ce mot dans les récits analogues. Cf. Matth., X, 39, et Marc, viii, 35 ; Matth., xix, 29, et Marc, X, 29. S’il le reproduit deux autres fois, xxiv, 14 ; XXVI, 13, on peut penser qu’il l’emprunte à saint Marc, dont il dépendrait. Marc, xiii, 10 ; xiv, 9. L’attention du critique doit donc se porter principalement, sinon exclusivement, sur les témoignages de saint Marc. Or, comme de tous les évangélistes, il emploie le mot i-joLy^uio-j le plus souvent (sept fois sans compter la finale, xvi, 15 ; saint Matthieu, quatre fois, saint Luc et saint Jean, jamais), comme il est seul à l’employer absolument et sans épithète, viii, 35 ; x, 29 ; xiii, 10 ; xiv, 9, à l’exemple de saint Paul, Rom., x, 16, tandis que saint Matthieu parle de l'Évangile du royaume, iv, 23 ; ix, 35 ; xxiv, 14, il est légitime de penser que le mot correspon dant à vjayyD.ir)-/ n’a pas été prononcé par Jésus et qu’il a été emprunté à saint Paul par saint Marc, un compagnon de cet apôtre, pour exprimer, d’ailleurs, la pensée du Sauveur sur la prédication du royaume de Dieu, dont l'établissement sur terre apportait aux hommes le salut messianique prédit par les prophètes et présenté par Isaïe sous l’image d’une bonne nouvelle. Cf. G. Dalman, Die Worte.Jesu, Leipzig, 1898, p. 84-85 ; J. Weiss, Das atteste Evangelium, Gœttingue, 1903, p. 29-31 ; R. A. Hoffmann, Das Marcusevangelium und seàie Q « eZ/e/j, Kœnigsberg, 1904, p. 19-20 ; M.-J. Lagrange, Évangile selon saint Marc, Paris, 1911, p. cxuii, ' 211, 255, 346, 423. C’est un des points sur lesquels il est légitime d’admettre le paulinisme littéraire de saint Marc.

S’il n’est donc pas certain que Jésus lui-même ait employé le mot besorâh pour caractériser sa mission comme une bonne nouvelle, celle du salut apportée aux hommes, le terme t-jenyrino-j qui, dans le grec hellénistique, avait ce sens et était appliqué au culte de l’empereur, a été adopté par les chrétiens issus de la gentilité pour énoncer une idée exprimée équivalemment par le divin Maître et pour proclamer que l’avènement de Jésus et de son royaume annonçait joyeusement une ère nouvelle et le salut de l’humanité.

2. Son emploi et sa signification précise.

Nous le trouvons sur les lèvres de saint Pierre pour désigner la prédication faite aux païens, Act., xv, 7, et sur celles de saint Paul à Milet, pour désigner l’objet de la mission qu’il a reçue de Jésus-Christ, à savoir, de rendre témoignage à l'Évangile de la charité de Dieu. Act., XX, 24. Dans ses Épitres, hormis celle aux Hébreux où le mot ne se rencontre pas, cet apôtre l’emploie plus de soixante fois. Saint Marc s’en sert sept ou huit fois et saint Matthieu quatre fois seulement. On le lit encore I Pet., iv, 17, et Apoc., xiv, 6, mais, en ce dernier endroit, avec le sens particulier d'Évangile éternel. Partout ailleurs, il signifie la prédication chrétienne elle-même, ou l’objet direct de cette prédication, en d’autres termes, la bonne nouvelle du salut messianique répandue partout, ou son contenu. En effet, l'Évangile, ou le message du salut, doit être prêché parmi toutes les nations, Marc, xiii, 10 ; au monde entier, xiv, 9 ; à toute créature, xvi, 15. Cf. Matth., XXIV, 14 ; xxvi, 13.

Cependant, différents qualificatifs qui l’accompagnent déterminent son origine, son objet, ses destinataires et sa fin ou ses résultats. Originairement, il est l'Évangile de Dieu, Marc, i, 14, la bonne nouvelle que Dieu envoie aux hommes et que Jésus, son envoyé, doit prêcher. Cf. Act., xx, 24 ; I Pet., iv, 17. Saint Paul a été mis à part en vue de cette bonne nouvelle, qui vient de Dieu, dont Dieu est l’auteur, pour l’annoncer. Rom., i, 1 ; cf. Rom., xv, 16 ; II Cor., XI, 7 ; I Thess., ii, 8, 9. Comme objet, il a le royaume de Dieu, sa venue et son établissement sur la terre et au ciel, Matth., iv, 23 ; ix. 35 ; xxiv, 14 ; mais surtout le chef du royaume, Jésus-Christ luimême, I Cor., IX, 12 ; II Cor., ii, 12 ; ix, 13 ; xii, 14 ; Gal., I, 7 ; Phil., i, 27 ; I Thess., iii, 2 ; II Thess., i, 8, sa personne, qui est non seulement le Christ ou le Messie, mais encore le Fils de Dieu. Rom., i, 9 ; Marc, i, 1 ; cf. Gal., i, 16 ; iv, 4 : II Cor., i, 19 ; iv, 4, 5. Cet Évangile, qui doit être annoncé à tous, est le même pour tous, que Pierre prêche aux circoncis et Paul aux incirconcis. Gal., ii, 7. Enfin, au point de vue de ses résultats, il est l'Évangile du salut, Eph., i, 13, et l'Évangile de la paix, qu’il apporte et qu’il produit. Eph., vi, 15.

Tout en prêchant le même Évangile que les autres apôtres, à savoir, le Christ crucifié et ressuscité, I Cor., XV, 1-11, saint Paul avait cependant son Évan-