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EUSTATHIENS — EUSTATHIENS D’ANTIOCHE


eustathiens, donné par le Libellas synodiciis, peut être regardé comme le sommaire des canons du concile de Gangres, qui sont au nombre de vingt, suivis d’un épilogue souvent compté comme un 21*^ canon dans les manuscrits et les diverses éditions. jMansi, t. ii, col. 1099-1122. Outre les désordres signalés ci-dessus, quelques autres semblent insinués par certains de ces canons. Ainsi, l’on y condamne ceux qui prennent à leur profit les oblations faites à l'église (can. 7), ou qui en disposent sans le consentement de l'évêque et de ceux qu’il en a chargés (can. 8) ; ceux qui méprisent les agapes (ou repas de charité donnés par de riches chrétiens pour les pauvres) et qui ne veulent point y participer (can. 11). Le port du manteau monastique fait l’objet du canon 12, dont la teneur montre bien que le concile condamne seulement les excès occasionnés par cet habit, c’est-à-dire les pensées d’orgueil €t de superstition qu’il inspirait, et non l’habit luimême. « Si, sous prétexte d’ascétisme, un homme revêt le peribolaion [le pallium des moines et des philosophes], et si, se croyant juste par ce fait même, il méprise ceux qui vivent dans la piété et portent, cependant, des habits de dessus (fir^çovç) et s’habillent comme tout le monde, qu’il soit anathème. » Mansi, t. II, col. 1101. Notons que ce canon paraît bien confirmer l’identification de l’Eustathe du concile avec Eustathe de Sébaste. Celui-ci, en effet, au rapport de Socrate, H. E., 1. II, c. xliii, P. G., t. lxvii, col. 352 sq., avait porté le manteau des philosophes et prescrit à ses disciples de le porter comme insigne extérieur de leur ascétisme. Les canons 15 et IG précisent certaines conséquences des faux principes eustathiens concernant le mariage. « Si quelqu’un abandonne ses enfants et ne les élève pas, s’il ne leur inspire pas, autant qu’il est en son pouvoir, la piété qui leur convient, mais si, sous prétexte d’ascétisme, il les abandonne, qu’il soit anathème » (can. 15). De même sont condamnés les enfants qui, toujours sous couleur de piété, « abandonnent leurs parents, ne leur rendent pas l’honneur qui leur est dû, supposant que par là la piété des parents n’en sera que plus en honneur » (can. 16). Le mépris des eustathiens pour les synaxes des martyrs a été diversement interprété. Fuchs a imaginé entre eustathiens et ariens quelques points de ressemblance, et comme ces derniers repoussaient le service divin pour les morts, il a pensé que les eustathiens avaient partagé cette crreur.BfôZzoihek der Kirchenvcrsammlungen, t. ii, p. 318. Loin d’avoir avec les eustathiens certaines affinités, les ariens formaient avec eux un contraste complet, comme serait le laxisme en présence du rigorisme. Saint Épiphane dit des ariens qu’ils rejetaient la prière pour les morts ; mais il ne dit pas qu’ils rejetassent les fêtes en l’honneur des martyrs. Hær., Lxxv, 3, P. G., t. xLii, col. 505. Il y a une notable différence entre la prière en l’honneur d’un bienheureux et le re.quicin pour le soulagement d’un défunt. On ne sait pourquoi les eustathiens refusaient d’honorer les martyrs ; peut-être que, se considérant comme « aints, ils se croyaient supérieurs aux martyrs, dont la plupart n’avaient été que des chrétiens ordinaires, dont quelques-uns même avaient vécu dans le mariage, ce qui pour eux était un signe évident de non-sainteté. » Hefele, op. cit., p. 1042.

L’histoire ecclésiastique est muette sur le sort ultérieur de cette secte hijpcrascctique, selon le mot de E. Venables, Did. of Christian biography, art. Eiislailiius of Sebasle, Londres, 1880, t. ii, p. 387. Sozoniène, loc. cit., rapporte qu’Eustathe se serait personnellement soumis aux décisions du concile et aurait même quitté le manteau monacal dont le port semble avoir occasionné plusieurs des désordres condamnés par le concile de Gangres. Il n’est fait mention d’Eustathe

ni des eustathiens dans aucun des anciens catalogues d’hérétiques.

Mansi, Concil, t. ii, col. 1095.1122 ; Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, Paris, 1703, t. ix, p. 85-87 ; Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, 2e édit., Paris, 1865, t. iii, p. 514-518 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 1029 ; Duchesne, Histoire ancienne de l'Église, Paris, 1907, t. ii, p. 382-383.

S. Salaville. 2. EUSTATHIENS D’ANTIOCHE, partisans de saint Eustathe d’Antioche qui, après la déposition de celui-ci (330), demeurèrent fidèles à son souvenir et refusèrent de se rallier aux évêques eusébiens et ariens d’abord, puis même à saint Mélèce (360) et aux évêques méléciens. Leur persistance occasionna un schisme qui cessa en partie sous l'épiscopat d’Alexandre en 417, mais ne disparut complètement qu'à la fin du ve siècle, lorsque les reliques de saint Eustathe furent apportées à Antioche au temps de l'évêque Calendion. Voir Eust.the d’Antioche. Nous devons ajouter ici, avec dom Leclercq, Histoire des conciles, Paris, 1907, t. i, p. 646, n. 2, que ces divisions et ces tiraillements d’Antioche avaient une cause plus profonde que les questions purement personnelles concernant Eustatlie ou Mélèce. « Derrière les questions de personne on savait que la véritable question en jeu était celle de l’unité numérique de la substance divine et de Và[i.oo-'j(yioi nicéen, car on en revenait là toujours et quand même. C’est que rôfxooijiTtoç nicéen entraînait directement la consubstantialité du Père et du Fils, consubstantialité inséparable de l’unité de Dieu. Eustathiens et eusébiens recommençaient le conflit étouffé en 325 lorsque les Pères du concile, dans leurs réponses à Eusèbe de Césarée, avaient écarté de la génération comme de la substance divine l’idée de division, de séparation, de composition à un degré quelconque. Eusèbe avait reçu le coup ît caché son mécontentement, parce que l’heure eût été mal choisie pour le manifester ; mais, acculé comme il l'était à reconnaître que la génération du Fils ne se fait ni par production ni par multiplication de substance, mais par communication ou co-possession d’une seule et même substance, il se trouvait réduit à confesser l’unité numérique. Il le fit du bout des lèvres et avec des interprétations, des sous-entendus qui étaient des restrictions, se réservant de revenir à son système lorsque le moment serait plus favorable. Il le jugeait tel vers 330-331 ; mais démasqué depuis longtemps par Eustathe, il se trouvait avoir maintenant à louvoyer et à biaiser avec le parti entier et irréconciliable des eustathiens. C'était un point sur lequel ceux-ci s’entendaient presque tous. » Leclercq, op. cit., p. 646, n. 2.

Un critique récent, F. Cavallera, a proposé de ne voir dans le conflit créé par le schisme d’Antioche qu’un conflit purement disciplinaire. Le schisme d’Antioche (iv-v siècle), Paris, 1905, p. 323. Voici comment il conclut l’ouvrage qu’il a consacré à l'étude de cette affaire : « On a vu quels préjugés, quelles circonstance ? malheureuses et imprévues, quelles influences de personnes ont créé, puis alimenté le conflit, en entretenant une manière différente de comprendre la discipline ecclésiastique. Occidentaux et Orientaux n’ont pu s’entendre sur des ordinations épiscopales faites en violation des lois canoniques, ni sur les concessions à accorder aux nécessités d’une situation inextricable. Le fond du débat est là tout entier ; les autres considérations doivent être regardées comme accessoires, s Ibid., p. 299. Ainsi donc, les questions théologiques n’auraient qu’un rôle accessoire dans l’origine et Ja persistance du schisme antiochien, dans l’opposition des deux partis eustathien et mélécien.