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EUSTATHE D’ANTIOCHE (SAINT^


femme parut devant les évêque ?, tenant dans ses bras un enfant dont Eustathe, dirait-elle, était le père. Eustathe se borna à demander, conformément aux règles canoniques, qu’elle produisit ses témoins. Mais les eusébiens, qui avaient machiné cette odieuse accusation, déclarèrent l’évêque d’Antioche suffisamment convaincu. Théodoret ajoute, ibid., col. 969, que plus tard, au cours d’une grave maladie, l’infâme accusatrice déclara, en présence d’un certain nombre de prêtres, qu’elle avait calomnié Eustathe : son enfant était bien d’un Eustathe, expliqua-t-elle, mais d’un forgeron et non point de l’évêque. Ibid.

Quelle valeur attribuera ces renseignements fournis par Théodoret ? Mgr Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, Paris, 1907, t. ii, p. 162, note 3, se contente d’écrire, après les avoir résumés : « Tout cela est fort suspect et sent la légende. » Déjà Montfaucon, dans sa préface à l’homélie de saint Jean Chrysostome In Eiistathium, P. G., t. l, col. 597-598, arguant du silence d’Athanase et de Chrysostome, s’était également montré fort sceptique. Telle n’est pas l’opinion de F. Cavallera. « Plausible au premier abord, écrit-il, (ce scepticisme ] ne semble pas cependant justifié. Indépendamment de Socrate qui parle en termes vagues et de Sozomène plusprécis, trois auteurs représentantchacun trois sources différentes rapportent expressément ces accusations : l’anoméen Philostorge et deux orthodoxes alTiliés chacun à un parti opposé de l’Église u’Antioche, Théodoret, qui a recueilli les traditions dans l’entourage de Flavien, saint Jérôme, Apologia adoersus libros Rufini, iii, 42, P.L., t. xxiii, col. 488, à qui Paulin a pu raconter toute l’intrigue. Par Paulin et l-"lavien nous remontons à l’époque même des événements, à des témoins absolument contemporains. On peut donc alTirmer que l’on est au moins en présence de la tradition unanime des orthodoxes d’Antioche. Le silence de Chrysostome paraîtra moins probant contre cette affirmation, si l’on observe qu’il ne dit pas un mot, dans son homélie, des prétextes allégués : il s’adonne tout entier à faire ressortir la vraie cause de la déposition, le zèle d’Eustathe pour la foi de Nicée, et à rappeler les préceptes de concorde qu’il a laissés à ses disciples. » Cavallera, Le schisme d’Antioche, p. 59. Voir dans le même ouvrage, p. 59-61, d’autres allusions plus ou moins claires à ces faits dans des textes contemporains, notamment dans la lettre rédigée au concile de Philippopoli, P. L., t. x, col. 674. « Il n’y a pas à tirer argument des chroniqueurs postérieurs… : un récit légèrement romanesque et présentant d’une façon plus vivante les détails du procès a de soi leurs préférences. » Cavallera, op. cit., p. 62, en note. Cf. Acta sanctoritm, lac. cit., n. 22.

Quoi qu’il en soit de cette accusation concernant les mœurs d’Eustathe, ce ne fut point la seule que ses ennemis firent peser sur lui : il y avait aussi des accusations concernant son attitude politique, et d’autres concernant sa doctrine taxée de sabellianisme.

Pour le premier de ces deux nouveaux chefs d’accusation, il y a deux versions : celle de saint Athanase et celle de Théodoret. D’après saint Athanase, Historia arianorum, 4, P. G., t. xxv. col. 697, Eustathe aurait manqué à ses devoirs envers la mère de Constantin. Aiaêà).).£Txi K(ov(TTavT ! V(i) tm paaiXeï, Ttpûçairiç te ItzivoEÏTat (o ; T/j no^p’TTotTiua ; vopiv. « Les termes sont vagues et peuvent s’entendre aussi bien d’actes que de paroles. Ce témoignage est absolument isolé, mais il est d’un contemporain, d’un homme généralement bien informé des choses de son temps, en relations étroites avec le parti eustathien d’Antioche sous ("onstance. Il est impossible de rejeter son affirmation, ni d’en mesurer la portée. Il n’y a qu’à l’enregistrer. .. On pourrait admettre qu’agissant pour Eustathe comme ils le firent plus tard pour Athanase, les semi ariens ont imaginé devant l’empereur une accusation nouvelle où celui-ci était directement intéressé. » Cavallera, op. cit., p. 62. Mgr Duchesne, loc. cit., écrit qu’en cette accusation « il pourrait bien y avoir un fond de vérité ; » et il propose l’explication suivante : » Hélène visita l’Orient au temps d’Eustathe. On savait qu’elle était très dévote à saint Lucien, le célèbre prêtre d’Antioche, dont le corps, jeté à la mer devant Nicomédie, avait été porté par les courants — par un dauphin, dit la légende — précisément sur le rivage de Drépane, où l’impératrice était née et où, sans doute, elle avait une résidence. C’était son martyr à elle ; elle lui fit élever une somptueuse basilique. Lucien avait laissé à Antioche des souvenirs litigieux : les ariens l’honoraient extrêmement ; leurs adversaires témoignaient moins d’enthousiasme. Il est possible qu’à ce propos Eustathe ait laissé échapper quelque parole imprudente. Saint Ambroise, plus tard, ne se gênera pas pour dire qu’Hélène avait été fille d’auberge, siabularia, ce qui, vu les usages du temps en fait d’hospitalité, voulait dire beaucoup de choses. Au temps de Constantin, il n’était pas sage de remontera ces origines. » Duchesne, op. cit., p. 162-163. E. Venables, art. Eustathius, dans Dictionary of Christian biography, t. II, p. 383, renvoie de même au mot de saint Ambroise, De obit. Thcodori, 42, P. L., t. xvi, col. 1399.

La version de Théodoret est itoute différente de celle de saint Athanase, sans que pour cela elles s’excluent l’une l’autre. Théodoret rapporte explicitement le second grief indiqué seulement par Sozomène, H. E., II, 19, qui le déduit probablement d’Eusèbe. Vita Constantini, iii, 59. « Après avoir dit qu’Eustathe fut déposé comme adultère, Théodoret ajoute, un peu plus bas, que les évêques firent exiler Eustathe par l’empereur comme coupable d’adultère et de tyrannie. H. E., v, 20. L’abandon d’Antioche par les évêques explique suffisamment ce second grief. Gênés par la résistance des partisans d’Eustathe au sein du concile et dans la ville, ils en firent un nouveau crime à l’évêque d’Antioche, crime que Constantin devait encore moins pardonner. Eustathe fauteur de troubles dans une cité considérable comme Antioche, il y avait de quoi émouvoir l’empereur ! Que le mot TÙpawov prenne bien ce sens, cela ressort en particulier d’un passage analogue de Théodoret, H. E., v, 23, à propos de Flavien d’Antioche (381-404).). Cavallera, ^. cit., p. 6263. Pour ce dernier cas, saint Ambroise, Ëpist., i.vi, P.L., t. XVI, col. 1171, se sert du terme exlex, transposition latine du grec Tjoawoç.

Aux accusations morales et politiques se joignaient les accusations doctrinales. Socrate, H. E., i, 24, est le seul à mentionner ce grief. « Mais il indique les sources où il puise et par lui nous remontons aux semi-ariens auteurs de la déposition : Georges de Laodicée a précisé ce point dans son éloge d’Eusèbe Émisène. « Kyros, (1 évêque de Bérée, accusa Eustathe de sabellianisme ; mais Kyros, ajoute Georges, accusé du même crime « l’année suivante, fut à son tour déposé. » Socrate voit dans cette double affirmation une certaine incohérence et se hâte de conclure qu’il y a un autre motif tenu caché. La critique de Socrate est juste. Il est improbable que le successeur d’Eustathe sur le siège de Bérée ait porté cette accusation, et l’on comprend mal qu’il soit, après une pareille infamie, chassé lui-même de son propre siège et toujours cité par saint Athanase, Apol. de fiiy., 3, et Historia arianorum, 5, P. G., t. xxv, col. 648, 700, en compagnie de sa victime comme l’un des orthodoxes expulsés par les ariens. Quelqu’un, d’ailleurs, était mieux désigné que Kyros pour cette accusation, puisque depuis longtemps il l’avait jetée dans le public : c’était Eusèbe de Césarée. Quel que soit l’accusateur, le sabellianisme, désigné dans quel-