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EUSÈBE DE NICOMÉDIE


Nicomédie. Le grand obstacle, qui s’opposait à la réintégration d’Arius, était l’évêque d’Alexandrie, il fallait coûte que coûte le soumettre ou le briser. Constantin, mis au courant des graves imputations qu’à l’instigation d’Eusèbe les mélétiens répandaient contre Athanase, voir t. i, col. 1803, 2145, reçut la visite inopinée de l’évêque d’Alexandrie qui, parvenu

se justifier, reçut finalement de l’empereur une

lettre où il était traité d’homme de Dieu. Apol. cont. arianos, 61, 62, P. G., t. xxv, col. 357-362. Néanmoins, les accusations se corsèrent sans être pour autant plus véridiques ou mieux fondées. Le parti eusébien voulut alors en connaître conciliairement et convoqua Athanase à un synode, à Césarée, en 334. Avec raison Athanase déclina une telle juridiction. Mais Eusèbc fit habilement entrevoir à l’empereur qu’à l’occasion de ses triccnnalia, que de grandes fêtes religieuses devaient marquer par la dédicace de la basilique du Saint-Sépulcre à Jérusalem, on pourrait régler préalablement dans un concile tous les différends de l’Église d’Alexandrie et amener ainsi, dans cette portion de l’empire, la pacification religieuse tant souhaitée. Constantin acquiesça et fixa à Tyr le lieu de la réunion pour l’année 335. Athanase fut sommé de s’y rendre ; il partit en juillet avec 49 évêques d’Egypte ; c’était peu en présence du nombreux parti eusébien, que l’évêque de Nicomédie tenait en main. Toutes les vieilles accusations reparurent ; bien qu’elles eussent été confondues, les mélétiens, fortement encouragés par-dessous main, les maintinrent impudemment. Et, lâchement, Eusèbe de Césarée, qui présidait, consentit sinon à en faire état, du moins à ordonner une enquête. Athanase, se voyant indignement joué, fit alors défaut, put s’échapper et se rendit auprès de l’empereur. Les membres du concile le condamnèrent alors par contumace, et au retour de la commission d’enquête, soit à Tyr, soit à Jérusalem, ils maintinrent leur décision, déposèrent Athanase et lui défendirent de reparaître à Alexandrie. Par contre, ils réintégrèrent les mélétiens, ces excellents auxiliaires des vengeances d’Eusèbe de Nicomédie. ApoZoj/ia cont. arianos, 72-83, P. G., t. xxv, col. 378 sq.

Les fêtes de la dédicace du Saint-Sépulcre à Jérusalem furent marquées par une autre décision tout aussi scandaleuse : les eusébiens admirent à leur communion Arius et ses partisans ; ceux-ci n’avaient plus qu’à rentrer à Alexandrie, ils étaient canoniquement réhabilités. S. Athanase, De synodis, 22, P. G., t. xxvi, col. 720. Mais les eusébiens avaient compté sans l’énergie indomptable d’Athanase ; celui-ci s’était fait entendre de Constantin, et Constantin manda d’office à sa cour tous les membres du concile de Tyr pour y être confrontés avec l’évêque d’Alexandrie. Apol. cont. arianos, 86, P. G., t. xxv, col. 402, 403 ; Epist. heort., Clxronicon sijriacum, P. G., t. xxvi, col. 1353. Force fut bien d’obéir à l’ordre impérial ; mais les chefs seuls, parmi lesquels les deux Eusèbe, se rendirent à Constantinople. Prévoyant sans peine que leur sentence de déposition contre Athanase serait tenue pour non avenue, si elle n’avait d’autre justification que les résultats fort suspects d’une enquête qui n’avait pas été contradictoire, ils changèrent de tactique et pour influencer à coup sûr la décision de l’empereur, aux reproches d’abus de pouvoir ils substituèrent une accusation d’ordre politique qui devait faire d’Athanase un criminel d’État. Athanase, prétendirent-ils, avait menacé d’empêcher le transport des blés d’Alexandrie à Constantinople, pour affamer ainsi la capitale. C’est de cette manière du moins qu’Athanase explique le revirement subit de l’empereur, alléguant le témoignage de cinq évêques égyptiens, qui avaient surpris le sinistre projet des eusébiens. Apol. cont. arianos, U, 87, P. G., t. xxv, col. 265, 405. Constan tin ajouta-t-il foi à une si monstrueuse accusation, comme le pense Théodoret, ou voulut-il en finir avec un évêque qui passait pour la cause de tant de troubles, et avoir enfin la paix religieuse, comme l’ont cru Socrate et Sozomène ? Peu importe ; le fait est que, le 5 février 336, il exila Athanase à Trêves. Voir t. i, col. 1803-1805. Cf. Mgr Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, 2e édit., Paris, 1907, t. ii, p. 184.

5° Pendant les deux dernières années de Constantin.

— Eusèbe de Nicomédie, de plus en plus estimé de l’empereur, travaille en faveur d’Arius. Le faire réintégrer à Alexandrie, il n’y fallait guère songer, quoi qu’on en eût décidé à Jérusalem ; les catholiques étaient trop montés contre celui qu’ils regardaient comme la cause de la disgrâce de leur évêque ; il convenait donc d’attendre ; mais on pouvait essayer à Constantinople, et c’est ce que firent les eusébiens. Ils se heurtèrent pourtant à une résistance imprévue, celle de l’évêque Alexandre. Un ordre impérial allait peut-être la faire céder, quand survint la mort subite d’Arius. Voir t. I, col. 1806. Alexandre mourait à son tour, vers la fin de 336. Qui mettre à sa place ? Les eusébiens proposèrent Macédonius, qui devait plus tard se rendre tristement célèbre ; mais ce fut Paul qui fut élu, pour peu de temps, il est vrai, grâce aux manœuvres insidieuses d’Eusèbe de Nicomédie, qui déjà avait jeté son dévolu sur ce siège.

Arius étant mort, Eusèbe de Nicomédie n’avait plus qu’à honorer sa mémoire, si tant est qu’il s’en préoccupât désormais. D’autre part, parmi les soutiens de Nicéc, les plus dangereux étaient hors de combat, Eusthate parce qu’il était déjà remplacé par un eusébien, Athanase parce qu’il était en exil ; mais restait Marcel d’Ancyre, dont il semblait qu’on pourrait plus facilement avoir raison parce que, au point de vue doctrinal, il prêtait le flanc h la critique. Sans doute, ce Marcel avait écrit un ouvrage contre l’arien Astérius, où il avait quelque peu malmené les deux Eusèbe et quelques-uns de leurs amis. Raison de plus de s’en débarrasser. L’affaire pouvait être aisément amorcée par la conduite qu’il avait tenue àTyr ; carnon seulement il avait refusé de s’associer à la condamnation d’Athanase et à la réhabilitation d’Arius, mais encore, grief sérieux aux yeux de l’empereur, il s’était abstenu de paraître aux fêtes de la dédicace à Jérusalem. Socrate, H. E., i, 36 ; Sozomène, H. E., ii, 33, P. G., t. Lxvii, col. 172, 1029. Il est vrai qu’il avait fait hommage de son livre à Constantin ; mais l’empereur avait soumis ce livre à l’examen des évêques assemblés à Constantinople après les fêtes de Jérusalem. Or, ceux-ci y découvrirent, disaient-ils, des traces indéniables de sabelHanisme. L’occasion était trop favorable pour la laisser échapper. Ils prononcèrent donc, pour cause d’hérésie, une sentence de déposition contre Marcel d’Ancyre, qu’ils notifièrent à l’empereur, aux évêques orientaux et à l’Église d’Ancyre, où il fut remplacé par un certain Basile, appelé à jouer dans leur parti un rôle assez marqué.

6 » A la morl de Constantin. — Les trois champions du concile de Nicée avaient été ainsi évincés par Eusèbe de Nicomédie, le dernier notamment pour cause d’hérésie. C’était donc le triomphe complet d’Eusèbe, et c’était presque du même coup la défaite du consubstantiel. Eusèbe n’avait plus, semble-t-il, qu’à jouir en paix du succès insolent de ses odieuses manœuvres. Un honneur lui était réservé, celui de baptiser le premier empereur chrétien. Après la mort de Constantin, survenue le 22 mai 337, Eusèbe de Césarée prit la plume pour écrire sa vie, en manière de panégyrique, en quatre livres, mais « où le meurtre de Crispus et celui de Fausta n’ont pas laissé trace. L’auteur a trouvé le moyen de raconter les conciles de Nicée et de Tyr, avec les événements ecclésiastiques qui s’y