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EUSÈBE DE NICOMÉDIE


prononcée par Alexandre contre Ariiis fut maintenue, et que l’erreur arienne fut condamnée par l’anathème qu’on prononça contre les principales expressions de l’hérétique. « Quant à ceux qui disent : il fut un temps où le Fils n’était pas, ou il n’était pas alors qu’il n’était pas encore engendré, ou il a été fait du néant, ou ceux qui disent du Fils de Dieu : il est d’une autre hypostase ou essence, ou créature, ou changeant et muable, l’Église catholique les anathématise. » Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 54 (17). Le terme (ii.rjo-jrs : r, c, consubstantiel, fut choisi à dessein pour bien marquer que le Fils n’appartient pas à la catégorie de créé, mais qu’il possède la même nature, la même essence que le Père. S. Athanase, De decretis nie. syn., 20, P. G., t. xxv, col. 452 ; Episl. ad Afros, 9, t. XXVI, col. 1045. Il n’était pas dans l’Écriture, rien n’est plus vrai, mais il était fondé sur elle et justifié par elle. Du reste, il n’était pas nouveau. Déjà, au iiie siècle. Denys d’Alexandrie, auquel le pape, son homonyme, reprochait de ne pas reconnaître le Fils comme jp.ovj<7 : oi, protestait qu’il l’acceptait, tout en remarquant qu’il n’est pas dans l’Écriture. S. Athanase, Z>e </ecre/(s nie. syn., 25 ; De sententia Dionysii, 18, P. G., t. xxv, col. 462, 506. Les deux Eusèbe le connaissaient bien, puisque celui de Césarée, dans sa lettre à ses diocésains, Episl., 7, P. G., t. xx, col. 1541, reconnaîtra après le concile qu’il a cru devoir l’accepter parce que plusieurs évêques et écrivains, savants et illustres, s’en étaient servis en parlant du Père et du Fils, et que celui de Nicomédie l’avait déjà employé au dire de saint Ambroise. Loc. cit. Au concile même, il fallut l’accepter comme l’expression orthodoxe de la foi. « L’empereur fit savoir qu’il y tenait, dit Mgr Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, 2e édit., Paris, 1907, t. ii, p. 155. Ce fut pour beaucoup un argument capital. Les résistances lléchirent, même celle d’Eusèbe de Césarée, même celle des évêques de Nicomédie et de Nicée, ainsi que de tout le parti lucianiste. Tout le monde signa, sauf les deux libyens, Théonas et Secundus. « Philostorge prétend que, sur le conseil de l’ex-impératrice Constantia, ils usèrent de fraude en substituant dans leur signature ô|xoioj(710 : à ô(xorjy<Tioc ; mieux vaut en croire saint Athanase qui dit qu’ils signèrent sans réserves. De decretis nie. syn., 3, 18. De la part d’Eusèbe de Nicomédie, cela ne peut guère surprendre, car, prélat intrigant et désireux par-dessus tout d’être bien en cour, il tenait à la faveur de Constantin comme il avait joui de celle de Licinius. Et puis, pour son esprit souple et fécond en ressources, une telle signature ne devait guère tirer à conséquence, ^eela ne fempêchant point de garder devers lui ses sentiments intimes, sauf à les montrer à la première occasion favorable. Voir t. i, col. 1796-1797.

2° Peu après le concile, Eusèbe de Nicomédie est exile. — Constantin, le concile fini, put croire, en célébrant ses vieennalia, qu’il avait donné la paix religieuse à son empire d’Orient. Il était loin de compte. Eusèbe de Nicomédie et Théognis de Nicée, en effet, manquèrent de prudence. Ils reçurent chez eux les méléliens d’Egypte, mandés par l’empereur ; ils tentèrent même de les soutenir et de plaider leur cause, dans l’espoir non dissimulé d’être aidés par eux dans la campagne qu’ils se llattaient de mener en faveur d’Arius. Mal leur en prit. Constantin, irrité de leurs louches manœuvres, et se souvenant à propos de la conduke d’Eusèbe de Nicomédie pendant ses démêlés avec Licinius, les exila en Gaule, trois mois après le concile. Dans la lettre qu’il écrivit à cette occasion à l’église de Nicomédie pour qu’elle eût à se choisir un nouvel évoque, Socrate, H. E., i, 9, P. G, , t. lxvii, col. 98, 99 ; Théodoret, H. E., i, 19, P. G., t. lxxxii, col. 9Cl : riélase de Cyzique, Historia concilii nicœni, I, 10 ; iii, l, P.G., t.Lxxxv, col. 1219-1222, 1356, 1357,

il oublie qu’il avait pardonnéXà Eusèbe son intimité avec Licinius et rappelle quelques-uns de ses méfaits, antérieurs. « Quel est, dit-il, celui qui a enseigné ces erreurs au simple peuple ? C’est Eusèbe que vous connaissez, Eusèbe qui a participé aux actes de cniauté de votre tyran. Car il n’est pas douteux qu’il’ait été le favori du tyran… Je sais même de preuve certaine que, lorsque j’avais affaire à l’année de mesennemis, il envoyait des espions contre moi et prêtait son ministère au tyran. Je n’en puis douter, car j’ai saisi alors des prêtres et des diacres de sa suite. Mais je laisse de côté les injures qu’il m’a faites et que je ne rappelle que pour le couvrir de honte. Je n’ai qu’une crainte et qu’une pensée, c’est qu’il vous entraîne dans la participation de son crime. Par ses conseils et sa doctrine perverse, votre conscience s’est éloignée de la vérité. » Théodoret, H. E., i, 20, P. G., t. lxxxii, col. 965-969 ; Gélase de Cyzique, Hist. conc. nie, i, 10, P. G., t. Lxxxv, col. 1220. C’est moins sur des injurespersonnelles que sur des motifs de doctrine que s’appuie l’empereur pour expliquer sa rigueur à l’égard d’Eusèbe de Nicomédie. Mais, par un revirement imprévu dans sa politique religieuse, Constantin allait occasionner plus de mal que de bien. Voir 1. 1, col. 1798. 3° Eusèbe de Nicomédie rentre d’exil.

Après

l’énergique intervention de l’empereur, les opposants du concile de Nicée étant exilés, la paix religieuse semblait assurée pour longtemps ; il n’en était rien. En ordonnant, après trois ans, le rappel d’Eusèbe de Nicomédie et en lui rendant son siège, Constantin fit œuvre de clémence, mais aussi d’imprévoyance ; il donnait un chef et une âme à la réaction qui allait se dessiner contre le concile de Nicée. Il se peut qu’en agissant ainsi, et rien n’est moins invraisembla ! ble, il ait cédé aux suggestions et aux prières de sa-I sœur, Constantia. Celle-ci gardait malgré tout le-I souvenir de son ancien confident et conseiller, Eusèbe, i dont ne cessait de l’entretenir un prêtre de Nicomédie, . I ami fidèle de l’évêque exilé. Sur le point de mourir, , elle voulut revoir son frère et lui recommanda ce prêtre comme un homme dévoué au bien de la religion et de l’État, digne d’être écouté ; puis elle le mit en garde contre ses procédés rigoureux en matière de gouvernement ecclésiastique, qui pouvaient lui aliéner dessympathies et des concours précieux. De ce nombre était apparemment l’évêque exilé de Nicomédie, sa peine avait été assez dure ; une mesure gracieuse à son égard ne pouvait être qu’opportune et habile. Il se peut aussi qu’à l’occasion de la consécration delà nouvelle Hélénopolis qui remplaça Drapane en Bithynie et pendant laquelle on célébra de grandes fêtes en Fhonneur de Lucien d’Antioche vénéré comme un martyr, Constantin ait cru devoir se relâcher de S’a rigueur à l’égard des anciens disciples de Lucien, , et notamment d’Eusèbe de Nicomédie. Cf. Gwatkin, Studies for arianism, 2e édit., Londres, 1900, p. 138 n. 3 ; Batiffol, Éludes d’Iiagiograpbic arienne. La passion de saint Lucien d’Antioche, dans le Compte rendu dw congrès scientifique international des catlioliques, 1891, II" section, p. 181-184. Bref, pour ces motifs ou pour d’autres, Constantin rapporta son décret de bannissement et Eusèbe rentra à Nicomédie. Philostorge, . Il, 7, P. G., t. Lxv, col. 470 ; Socrate, H. E., i, 15 ; Sozomèup, H. E., ii, 16, P. G., t. lxvii, col. 110, 974. Socrate et Sozomène citent bien une lettre d’Eusèbe et de Théognis aux principaux évêques pour les prier de solliciter leur rappel. Il y est dit, entre autres choses, qu’Eusèbe et Théognis ont été condamnés par eux, ce qui est contraire à la vérité ^ qu’ils ont signé le symbole de Nicée, mais non les anathèmes contre Arius, chose dont il n’est pas question dans les actes et dont saint Athanase n’aurait pas manqué de faire état pour montrer l’identité des senti-