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EUSÈBE DE DORYLEE

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d’une manière acceptable, atlendu qu’il avait signé une profession de foi, qu’on lui avait envoyée d’Antioche, et qu’il avait reproduite dans une de ses lettres, EpisL, XXXIX, P. G., t. Lxxvii, col. 176-177, comme conforme à ses sentiments. Il y était dit : « Nous professons que Xotre-Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, Dieu parfait et homme parfait, pourvu d’une âme intelligente et d’un corps, est né du Père avant les siècles, selon la divinité, et, à la fm des jours, pour nous et notre salut, de la sainte Vierge, selon l’humanité : qu’il est consubstantiel au Père selon la divinité et à nous selon l’humanité, car deux natures se sont unies, 8-jo tp’Jtjswv â'vdxj ;  ; yî-'ovs, etc. » Eutychès ne pouvait donc invoquer l’autorité du patriarche d’Alexandrie, et comme il persistait à maintenir malgré tout sa manière de voir, il démontrait le bien fondé de l’accusation portée contre lui par Eusèbe de Dorylée. En conséquence, il fut déposé de la prêtrise, ainsi que de sa charge d’archimandrite, et excommunié. Il protesta auprès du patrice Florent, qui en avertit Flavien, et prétendit avoir fait ainsi appel de la sentence synodale. Grâce à son influence, il obtint de Théodose II la convocation d’un concile, dont l’empereur fixa la tenue à Éphèse pour le 1° août 449.

En attendant, comme il prétendait que les actes du synode de Constantinople avaient été falsifiés, il obtint qu’une enquête officielle vérifiât le fait. Eusèbe de Dorylée insista alors pour que le cas d’Eutychès et toute autre question que celle de l’authenticité des actes fussent réservés au prochain concile. L’enquête n’aboutit pas, et l’espoir d’Eutychès fut déçu. Il fallut donc s’en remettre au futur concile, où il comptait bien avoir gain de cause, grâce à l’intervention prépondérante de Dioscore, patriarche d’Alexandrie.

3° Au concile d'Éphèsc, en 449. — Le pape saint Léon le Grand, tenu au courant des événements d’Orient, écrivit à Flavien le tome célèbre Lectis dilcctionis, Epist., xxviii, P. L., t. liv, col. 755 sq., où il formulait nettement la doctrine de l’incarnation, mal entendue par Eutychès : deux natures, dans l’unité d’une seule personne ; deux vraies natures, capables d’agir et agissant chacune pour son compte, d’accord bien entendu, et en parfaite coopération. Ce n'était pas seulement la condamnation d’Eutychès, mais encore la réprobation de la théorie alexandrine dans la forme excessive et exclusive qu’on lui donnait alors. Cf. Nestorius, Le livre d’Hétaclidc, trad. Nau, Paris, 1910, p. 298.

Lorsque Dioscore ouvrit le concile d'Éphèse, le 8 août 449, les évoques, qui avaient siégé comme juges lors du procès fait à Eutychès à Constantinople, purent assister à la revision, mais à la condition de ne pas émettre de suffrage. Quant à l’accusateur, Eusèbe de Dorylée, défense lui fut faite d’y paraître : tels étaient, disait-on, les ordres impériaux. Aussi lorsque, en vue de réhabilitcr Eutychès, on vint à lire les actes du synode de Constantinople, Flavien, soutenu par les légats du pape, réclama la présence d’Eusèbe de Dorylée, l’accusateur de l’archimandrite. Ce fut en vain ; le comte Elpidius allégua les ordres de l’empereur. En outre, pendant la lecture des actes, un incident se produisit à l’endroit où Eutychès avait été sommé de professer les deux natures. « Eusèbe au feul s'écriat-on. Qu’on le brûle vivant ! Qu’on partage en deux celui qui divise le Christ ! » L’assemblée, dûment préparée, manifestait ainsi ses sentiments ; la sentence, qui allait suivre, ne pouvait faire doute pour persomie. D’une pari, en effet, le condamné de Constantinople fut reconnu orthodoxe et rétabli dans sa dignité de prêtre et d’archimandrite ; (f’aulre part, Dioscore déclara que le juge Flavien et l’accusateur Eusèbe de Dorylée

méritaient la déposition. J’en appelle, dit aussitôt Flavien ; conlradicitiir, cria le diacre Milaire, l’un des légats tiu pape. Sans tenir compte de ces réclamations, Dioscore usa de menaces et de violences. Il obtint la signature de ses collègues apeurés et lâches. Voir t. iv, col. 1371-1372. Flavien et lùisèbe furent mis en prison. Liberatus, Breinariiim, xii, P. L., t. lxviii, col. 1005 ; Nestorius, Le lime d’Héraclide, p. 309, 322, 326.

Le diacre Hilaire put échajjpcr à cette réunion inqualifiable, que Léon I" appela plus tard un brigandage ; il retourna à Rome, emportant l’appel écrit de Flavien de Constantinople, et raconta les faits en témoin oculaire. Eusèbe aussi avait protesté contre une condamnation qui l’avait frappé sans avoir été entendu et envoya deux de ses clercs à Rome pour en appeler au pape. Plus heureux que Flavien, qui mourut pendant qu’on le conduisait en exil, il réussit àfuir et se réfugia à Rome, où Léon le reçut comme une victime de Dioscore. Il y était encore en avril 451, car le pape signale sa présence dans sa lettre à l’impératrice VncéY’t, Episl., lxxix, 3, P. L., t. liv, col. 912, et le recommande à Anatole, successeur de Flavien sur le siège de Constantinople, comme l’un de ceux qui, pour le soutien de la foi, avaient couru beaucoup de dangers et subi la persécution. Tip/s/., Lxxx, 4, (/)((/., col. 915.

IV. Son action contre Dioscore.

Victime de son zèle pour la foi, Eusèbe de Dorylée, soutenu par le pape, avait à venger son honneur et à se faire rendre solennellement justice. Il se rendit donc au concile de Chalcédoine, où l’on devait reviser le « brigandage » d'Éphèse ; mais il adressa préalablement à l’empereur Marcien, qui venait de succéder à Théodose II, une requête contre Dioscore, qu’il déclarait étranger à la foi catholique et coupable d’avoir renforcé une hérésie pleine d’impiété, réclamant justice contre les procédés injustes du patriarche d’Alexandrie à l'égard de Flavien, et à son propre égard. « Dans ces affaires, écrit Mgr Duchesne, Histoire ancienne de l'Église, Paris, 1910, t. iii, p. 431, note 1, Eusèbe a toujours le rôle d’accusateur. Chaque fois qu’il paraît, il a en poche une plainte écrite contre quelqu’un. Rôle utile peut-être, mais ingrat. Son goût personnel a dû être ici au service de son zèle. » Ce jugement paraît beaucoup trop sévère ; car si Eusèbe de Dorylée a dénoncé Nestorius, puis Eutychès, son rôle a pu être ingrat, mais non sans courage ni sans utilité ; il était, en tout cas, dicté par un zèle indéniable pour la pureté de la foi ; et s’il accuse maintenant Dioscore, avec de moindres dangers à courir, il est vrai, c’est encore le souci très naturel, chez un évêque, de sauvegarder l’orthodoxie, qui le pousse, mais c’est aussi le sentiment de sa dignité et la nécessité d’une réhabilitation canonique après la déiiosition injuste dont il avait été victime deux ans aujiaravant. Le concile de Chalcédoine le comprit ainsi, car rien n'était plus conforme au droit. A la première session, le 8 octobre, il fit lire la requête adressée par Eusèbe de Dorylée à l’empereur Marcien. Hardouin, Concil., t. ii, col. 70. A la I II' session, le 13 octobre, le promoteurvét lus fit observer qu’Eusèbe de Dorylée avait présenté une requête au concile contre Dioscore. Eusèbe y parlait dans l’intérêt de la foi catholique, pour la défense de Flavien et pour la sienne propre, demandant que l’on cassât tout ce qui avait été fait contre lui et contre Flavien au faux concile d'Éphèse, que l’on prononçât l’anathème contre l’hérésie d’Eutychès et que l’on infligeât à Dioscore la juste peine de ses crimes. Hardouin, t. II, col. 311 ; Mansi, t. vii, col. 51. Il convenait de donner suite à une telle demande. Cette j)Iainte d’Eusèbe de Dorylée, suivie de trois autres qu’avaient formulées des clercs d’Alexandrie contre leur patriarche, motiva, pour sa part, la sentence de déposition, que le légat du pape, Paschasinus, pro-