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EUSÈBE D’ALEXANDRIE — EUSÈBE DE CÉSARÉE

apostoliques qui sont d’origine syrienne, et on sait maintenant qu’Eusèbe n’a jamais été en relation avec Macaire d’Alexandrie, puisque nous avons montré que la phrase de deux mauvais manuscrits : « Questions de Macaire d’Alexandrie au grand Eusèbe, » est écrite, dans tous les autres manuscrits : « Questions du bienheureux Alexandre au grand Eusèbe, » Revue de l’Orient chrétien (1908), t. xiii, p. 410-413 ; nous avons donc une certaine latitude qui nous permet de chercher notre Eusèbe vers la Syrie (et non en Égypte), parmi les auteurs qui n’étaient pas évêques, mais il n’est pas possible, pour l’instant, d’arriver à le déterminer avec certitude. Si nous remarquons d’ailleurs qu’un certain Jean le Notaire se donne comme l’auteur de la biographie d’Eusèbe d’Alexandrie, il nous semble possible que ce Jean le Notaire ait composé la didascalie et ait imaginé le nom d’Eusèbe, déjà célèbre par ailleurs, pour lui donner crédit. L’ordre du manuscrit unique, édité par Mai, n’a pas été conservé par l’éditeur, et le manuscrit lui-même avait déjà bouleversé l’ordre primitif, puisqu’il plaçait le commencement de la biographie après sa fin.

Voici donc, en somme, comment on peut, pour l’instant, se représenter la genèse de l’ouvrage : Un auteur du ve au vie siècle, Jean le Notaire, a imaginé qu’un certain Eusèbe devenait évêque d’Alexandrie (première partie de la biographie) ; il a supposé ensuite qu’un laïque, nommé Alexandre, venait le consulter sur divers points de dogme et de morale et il nous a exposé ses propres vues sous le nom d’Eusèbe (i, ii, IV, VI, VII, VIII, x, XVI, XXII et peut-être iii, v, ix). Après cela, il a raconté la mort d’Eusèbe et l’intronisation d’Alexandre comme son successeur (fin de la biographie) et il termine par : « Tels sont les discours du bienheureux Eusèbe, tels ses mérites et ses combats. Il a dit tout cela en réponse aux interrogations d’Alexandre. Ce qu’il a dit à l’Église, nous l’avons déjà écrit en un livre. Son ouvrage sur la discipline monastique est à part… » Il n’y aurait donc plus lieu de chercher Eusèbe d’Alexandrie et l’ouvrage pseudépigraphique, édité jusqu’ici sous son nom, recevrait le nouveau titre suivant : La didascalie de Jean le Notaire, attribuée par lui au pseudo-Eusèbe d’Alexandrie. Cette didascalie a d’ailleurs été interpolée plus tard, comme nous l’avons dit, d’un certain nombre d’homélies. L’activité de Jean le Notaire, d’après la finale citée plus haut, ne s’est même pas bornée à la présente didascalie, mais il a encore composé au moins deux autres ouvrages sous le nom d’Eusèbe.

J. C. Thilo, Ueber die Schriften des Eusebius von Alexandrien, Halle, 1832, édite quatre homélies ; A. Mai, Spicilegium romanum, Rome, 1843, t. ix, p. 1-28, 652-713 ; Nova Patrum bibliotheca, Rome, 1844. t. ii, p. 499-528 ; Migne reproduit l’édition de Mai, P. G., t. lxxxvi, col. 287-462 ; F. Nau, Notes sur diverses homélies pseudépigraphigues et sur les œuvres attribuées à Eusèbe d’Alexandrie, dans la Revue de l’Orient chrétien (1908), t. xiii, p. 406-434.

F. Nau.

3. EUSÈBE DE CÉSARÉE. I. Vie. II. Œuvres.

I. Vie. — Né en Palestine vers l’an 265, Eusèbe étudia aux écoles chrétiennes de Césarée, sous le savant prêtre Pamphile. Le maître et le disciple se lièrent d’une étroite amitié : Eusèbe tint à honneur de joindre le nom de Pamphile au sien ; durant la persécution de Maximin, il le suivit, prisonnier volontaire, au fond des cachots. C’est là qu’ils composèrent ensemble l’Apologie d’Origène. Après le martyre de Pamphile (309), Eusèbe se réfugia à Tyr, puis en Égypte, où il fut arrêté. On ignore la durée de sa détention ; mais à la paix de l’Église, probablement en 313, Eusèbe monta sur le siège de Césarée. La faveur de Constantin vint l’y trouver et lui valut, durant un quart de siècle, une influence considérable, en somme peu heureuse, sur les affaires ecclésiastiques. Confesseur très convaincu de la foi chrétienne, historien d’une érudition sans égale sur les premiers siècles de l’Église, Eusèbe manqua, pour son malheur, des deux qualités qui furent la gloire d’un Athanase, la profondeur de la spéculation théologique et la fermeté de caractère à l’égard du pouvoir civil devenu chrétien. Il ne comprit jamais toute la portée de la doctrine du Logos, toujours prêt à voir dans l'homoousie un retour au modalisme de Sabellius. Voir t. i, col. 1781, 1782. Au concile de Nicée (325), il parut à la tête du tiers parti, à égale distance d’Arius et de saint Athanase, et proposa un symbole d’accommodement. Voir t. i, col. 1794-1796. Mais l’empereur Constantin s’étant déclaré contre Arius, Eusèbe se résigna à souscrire le symbole du concile, proclamant la consubstantialité du Verbe avec le Père. Voir t. i, col. 1797. Jamais, cependant, il n’adopta dans ses écrits le terme d’ὁμοούσιος ; jamais il ne se sépara des partisans d’Arius, et peut-être ne fut-il pas étranger au revirement qui se fit dans la politique de Constantin, ni aux mesures de rigueur contre les tenants de la foi de Nicée. Voir t. I, col. 1800-1802. Il prit part au synode d’Antioche (330) qui déposa l’évêque de cette ville, saint Eustathe, l’un des plus vigoureux adversaires de l’arianisme, et dix ans plus tard, au synode de Tyr (335) qui prononça une semblable sentence contre le chef des orthodoxes, saint Athanase. Voir t. i, col. 1802, 1803-1804. Il mourut l’an 340. Il a été un historien, un apologiste et un exégète ; il ne fut pas un théologien original et profond. Ses idées dogmatiques ne sont pas claires. Il dépend d’Origène et penche vers une sorte de subordinatianisme, qui fait de Jésus un second Dieu, dépendant du Père, une créature de Dieu, formée de toute éternité par la volonté du Père. Il tient aussi le Saint-Esprit pour une créature du Fils.

II. Œuvres. — 1o Historiques. — Les ouvrages d’Eusèbe formaient une véritable encyclopédie sacrée ; mais c’est par ses travaux historiques qu’il rendit d’éminents services ; la Chronique et l’Histoire ecclésiastique lui méritèrent le titre d’ « Hérodote chrétien » et de « Père de l’histoire ecclésiastique ». L’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe a été traduite en latin par Rufin. On en a aussi une version syriaque et une version arménienne. La Chronique, P. G., t. xix, παντοδαπὴ ἱστορία selon le titre original, se divise en deux parties, la Chronographie, qui résume l’histoire de chaque peuple d’après ses monuments propres, et le Canon des temps, rapprochement synchronique de ces histoires particulières. Cet essai d’histoire universelle a exercé sur les historiens postérieurs une influence incalculable. Saint Jérôme le mit à la portée de l’Occident par sa version de la seconde partie de la Chronique, avec une continuation de l’an 325 à l’an 379. La première partie nous est connue par une version arménienne. Du texte grec de l’ouvrage, il ne subsiste que des fragments. L’Histoire ecclésiastique, dans la 1re édition, retraçait en neuf livres les fastes de l’Église, de la naissance de Jésus-Christ à la double victoire de Constantin sur Maxence (312) et de Licinius sur Maximin (313). Eusèbe y joignit par manière d’appendice un l. X, qui va jusqu’à la victoire de Constantin sur Licinius (323) et la réunion de tout l’empire sous le sceptre du vainqueur. Ce n’est nullement un récit complet avec la juste proportion des épisodes et l’enchaînement logique des événements ; nous y avons, en revanche, dans toute la force du terme, un travail d’après les sources, un trésor hors de prix de documents de toute sorte sur l’antiquité ecclésiastique : extraits d’ouvrages perdus, pièces officielles littéralement empruntées aux archives de l’État. Qu’Eusèbe ait délibérément altéré les faits, pure calomnie. Plus sujets à caution sont les deux