Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/70

Cette page n’a pas encore été corrigée
1407
1408
DISCERNEMENT DES ESPRITS


l’esprit humain qui, allié de l’amour-propre, est si sensible à ce qui contrarie la nature. Il en résulte donc que la patience ne peut provenir que de l’esprit divin, .l’ajoute à ce propos qu’une grande marque de l’esprit droit et divin, c’est la patience, la résignation et la conformité à la volonté de Dieu dans les aridités, dans les désolations, dans les ténèbres et dans les tentations, même dans celles qui sont extraordinaires et que Dieu a coutume de permettre pour cerlaines âmes qu’il veut élever au sommet de la perfection. » Scaramelli, op. cit., c. viii, n. 108, p. 162. — La mortification intérieure volontaire qui, non contente de supporter avec patience les privations envoyées ou permises par Dieu, s’en impose encore de nouvelles librement ; la sincérité accompagnée de simplicité qui sort de la droiture d’intention ; la liberté d’esprit qui vient de ce que l’âme s’étant dépouillée de toute habitude mauvaise et de toute attache aux biens terrestres n’éprouve de ce cùté aucune entrave aux mouvements spirituels ; un vif désir d’imiter Noire-Seigneur. Le Sauveur étant le martyr de l’amour des âmes, désirer l’imiter, c’est aller contre l’esprit diabolique, s’élever au-dessus de l’esprit humain et suivre l’esprit divin ; enfin la charité douce, obligeante et désintéressée, qu’inspire l’imitation du Sauveur.

4° Des données précédentes, il est facile de tirer et nous le ferons en quelques lignes, les marques de l’esprit diabolique. Celles-ci, en effet, sont aux antipodes et il suffit pour les obtenir de prendre le contrepied des marques de l’esprit divin. On reconnaîtra donc l’action du démon sur l’esprit, par les erreurs ou hérésies qu’il suggérera, par le goût des choses inutiles, légères et inconvenantes, par l’obstination dans les idées, par la vanité ou l’orgueil, l’indiscrétion qui ne garde pas la juste mesure et n’observe ni le temps ni le lieu convenables. Le spiritisme présente nettement tous ces caractères. Qu’on lise le Livre des esprits d’AUan Kardec, on y trouvera de nombreuses hérésies ou erreurs graves sur la nature des anges, créatures spirituelles, sur leur distinction d’avec les hommes, sur l’origine de l’âme humaine que, loin d’admettre la métempsycose, nous professons créée par Dieu au moment de la conception de chacun, sur l’union de l’âme et du corps, union substantielle et non transitoire et accidentelle, sur le péché originel, sur la grâce dont la doctrine spirite ignore l’existence et la vie, sur les sanctions de l’autre inonde où l’éternité de l’enfer est niée parles spirites, etc., etc. Cf. J.-A. Chollet, La contribution de l’occultisme à l’anthropologie, Paris, 1909. Les esprits manquent encore de sérieux et de morale. On lira dans l’ouvrage de Pierre Janet, L’automatisme psychologique, IIe partie, c. iii, Paris, 1899, p. 410, 411, deux pages qui montrent leur frivolité et leur indécence.

Dans la volonté l’esprit diabolique se manifeste par l’inquiétude, le trouble et la confusion, par l’orgueil ou une fausse humilité, par le désespoir, la défiance ou une fausse sécurité, par l’obstination dans la désobéissance, par la mauvaise intention dans les œuvres, l’impatience dans les peines, le soulèvement des passions, par la duplicité, la feinte et la dissimulation, par l’attachement à ses habitudes et aux choses temporelles, par l’éloignement de Jésus-Christ, l’absence de charité ou le faux zèle. Cf. Scaramelli, op. cit., c. ix ; liona, op. cit., c. vi.

XIV. Les modes ouverts de l’action divine or dia-BOLIQUE. — Il est indispensable au discernement de connaître les divers procédés employés par Dieu ou le démon pour agir sur l’âme, et par conséquent de fixer les modes de l’action divine ou diabolique. Les modes du démon, en particulier, sont variés suivant qu’il s’adresse à des pécheurs ou à des débutants ou bien â des âmes déjà avancées dans les voies de la vie chré tienne et même de la perfection. Avec ceux-là il agit d’habitude à découvert, avec celles-ci il se cache, se transfigure en ange de lumière et se sert de nombreuses illusions : nous avons donc à examiner successivement la tactique ouverte et la tactique cachée du démon. Les procédés divins étant la contrepartie de l’attaque diabolique seront décrits simultanément par opposition. 1° Un double principe nous guidera pour déterminer les procédés de l’action supranaturelle diabolique et divine. Le premier principe, c’est que soit le démon, soit Dieu, agissent toujours conformémentà leur nature et à leur fonction, le premier de tentateur, le second de rédempteur. En qualité de tentateur, le démon peut être comparé, ainsi que le faisait saint Ignace, 1° semaine, règle xiv, à un « général d’armée » qui entreprend et soutient la guerre contre nous. Il a pour aide et pour armée, l’ensemble des esprits mauvais et des hommes pervers et corrupteurs. La citadelle qu’il veut prendre est la conscience humaine. Le Christ oppose au démon sa grâce qui est une énergie de lutte, sa doctrine qui est une stratégie, son Église qui est militante. En qualité d’être déchu et de vaincu du Christ, le démon ne peut mettre au service de sa fonction de tentateur qu’une puissance affaiblie, débile, mais obstinée. Il n’a, en effet, de droit, aucun pouvoir sur nous ; le pouvoir de fait qu’il exerce contre nous, lui vient de notre mollesse et de nos défaillances. C’est pour cela que saint Ignace le compare « à une femme » pour « son caractère faible mais opinâtre. » 1°> semaine, règle xii. De ces deux idées de « général d’armée » et de « femme » découlent les caractéristiques de l’action diabolique. — 1. La première caractéristique est la lutte perpétuelle contre nous, mais une lutte dont le principal objectif sera de développer en nous ce qui fait la force du démon, c’est-à-dire la mollesse et les défaillances et pour cela « l’ennemi infernal emploie d’ordinaire les charmes de la volupté et toutes les amorces des sens. » t" semaine, règle i. En un mot, il cherche à nous désarmer. L’esprit divin est caractérisé, au contraire, par le souci de nous fortifier et de nous rendre vigilants et prudents, afin de nous épargner toute surprise. — 2. L’autre caractéristique de l’action du démon sera, puisqu’il est faible, de nous envelopper dans les ténèbres et de nous isoler. Il arrivera à ce but par le silence. L’âme qui garde le silence, en effet, et ne communique pas ses inclinations ou tentations à un directeur, perd les lumières et les forces qu’elle aurait puisées dans la direction ; abandonnée à elle-même, aveuglée, elle est à la merci de l’ennemi. Le démon a mille moyens de suggérer le silence : la honte, la défiance, l’antipathie, la confiance en soi, la persuasion que ces choses sont légères, que leur communication sera à charge, etc. Ibid., règle xiii. L’inclination à se confier, à s’ouvrir, à découvrir toutes les insinuations du démon ou de la nature mauvaise est au contraire une marque de l’action divine. — 3. Quand il ne peut nous désarmer ni nous isoler et ainsi nous vaincre sans combat, le démon se résigne à combattre, mais alors il emploie une double ruse : il cherche en nous lr défaut de la cuirasse, il nous attaque par les points faibles, par les brèches que lui offre notre tempérament physique et moral, flatte nos passions ; puis il nous étudie dans nos premiers contacts avec lui afin de redoubler d’audace quand nous faiblissons ou de se replier prudemment devant nos résistances. Dieu, dans ces circonstances, nous éclaire sur nos défauts afin de nous mettre en garde sur les points menacés, et aux premières entreprises du démon nous anime à la vaillance pour nous rendre immédiatement maîtres de l’ennemi. Ibid., règle xiv.

2° Le second principe qui nous fournira de nouvelles règles de discernement, c’est que le démon et Dieu s’inspirent, dans leur conduite envers l’âme, des dis-