Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/63

Cette page n’a pas encore été corrigée
1393
1394
DISCERNEMENT DES ESPRITS


dérangement ; elle est triste et abattue ; la tiédeur et la torpeur paralysent son action ; elle en est presque venue au point de douter de la clémence de Dieu son créateur et de s’abandonner au désespoir. Désolation, consolation : ce sont deux termes opposés ; ainsi les pensées et les affections qui proviennent de l’une et de l’autre sont diamétralement contraires.

Que faire maintenant, quand on a reconnu l’existence d’un réel état de désolation spirituelle ? Quels moyens prendre ? Saint Ignace en indique quatre : 1° ne rien supprimer ou changer aux résolutions antérieures ou à l’état de vie ordinaire ; 2e ajouter plutôt quelques prières, ou pratiques de pénitence ; 3° s’entretenir dans les pensées d’espérance et de confiance en Dieu ; 4° s’armer de patience.

Cinquième règle. — Tant que dure l’état de désolation, il ne faut délibérer sur rien ni rien changer soit à ses résolutions, soit à son état de vie. On doit s’en tenir aux propos que l’on a formés le jour précédent par exemple, ou lorsqu’on ressentait la consolation divine. La raison en est que l’âme consolée est guidée par le bon esprit, au lieu d’obéir à ses propres inspirations, tandis que, dans la désolation, c’est l’esprit du mal qui agit sur elle et jamais aucun bien ne se fera sous la conduite d’un tel guide.

Sixième règle. — Quoique, dans la désolation, on doive se garder de rien changer à ses résolutions antérieures, il sera cependant utile de prendre et de multiplier les moyens de sortir do cet état pénible. Ainsi, on priera davantage, on examinera plus attentivement sa conscience, on fera quelques pénitences.

Septième règle. — Aussi longtemps que dure la désolation, nous devons nous encourager par cette pensée que Dieu nous abandonne ainsi de temps en temps à nous-mêmes pour nous éprouver et voir comment nous résisterons aux assauts de notre ennemi, avec nos forces naturelles. Il n’y a pas à douter que la victoire ne nous soit possible, car le secours de Dieu ne nous fera jamais défaut, bien que nous ne sentions pas sa présence. Dieu nous a bien retiré ces ardeurs sensibles de charité dont nous étions pénétrés d’abord, mais il nous a laissé la grâce suffisante pour faire le bien et opérer notre salut.

Huitième règle. — Rien n’est utile comme l’esprit de patience, lorsqu’on eet troublé par la désolation. La patience est l’ennemi propre et direct de cet esprit qui nous inquiète et nous agite. 11 faut aussi appeler l’espérance à notre aide et penser que la consolation reviendra bientôt. Il ne saurait manquer d’en être ainsi ; surtout si l’on se conforme aux indications données dans la sixième règle.

Après la nature et les remèdes de la désolation, ses causes relies nous sont données par la neuvième règle.

Neuvième règle. — La désolation provient ordinairement d’une des trois causes qui suivent ; 1° Nuus avons mérité d’être privés des consolations divines à cause de notre tiédeur et de notre paresse spirituelle pour suivre les exercices et remplir nos devoirs de piété ; 2° Dieu veut nous éprouver. La désolation montrera ce que nous sommes et comment nous servons le Seigneur même lorsque la consolation et les dons spirituels nous sont refusés ; 3° C’est une leçon qui nous démontre, à n’en pouvoir douter, que nos propres forces ne suffisent pas pour acquérir ou garder la ferveur de la dévotion, la véhémence de l’amour, l’abondance des larmes ou toute autre consolation ntérieure. Ce sont autant de dons purement gratuits, et nous ne pourrions nous les attribuer comme venant de nous-mêmes, sans un péché d’orgueil et de vaine gloire, et sans compromettre notre salut.

Il ne suffit pas de traiter la désolation spirituelle ; la consolation elle-même exige des soins ; car, bien qu’elle soit l’indice de la présence et de l’action divines, elle n’est pas inamissible et elle peut présenter quelques périls à cause de l’astuce du démon qui profitera d’elle pour nous tenter d’orgueil ou de présomption. Enfin, elle contient des germes de guérison pour les états ultérieurs possibles de désolation.

Dixième règle. — Lorsque l’àme est consolée, c’est le moment de prévoir la conduite à tenir au retour de la désolation. On fait alors provision d’énergie et de force dame pour surmonter plus aisément les attaques futures.

Onzième règle. — Lorsque les douceurs de la consolation affluent dans l’àme, il est à propos de s’abaisser soi-même, de s’humilier autant que l’on peut. Il faut penser alors combien on sera faible et lâche, quand viendra la désolation si le secours de la grâce divine se fait un peu attendre. Au contraire, au milieu

des angoisses de la désolation, on doit s’affermir dans cette pensée que l’on peut beaucoup avec la grâce de Dieu et que l’on triomphera aisément de tous ses ennemis pourvu qu’on mette toute son espérance dans la puissance de Dieu.

Les trois dernières règles sont des comparaisons par lesquelles saint Ignace s’efforce de dénoncer au débutant les trois principaux caractères du démon et de son action ; le démon, sous des apparences de force et d’opiniâtreté, est faible et facile à mettre en fuite. Il n’est fort que de notre faiblesse. Il craint la lumière et suggère le silence aux personnes qu’il tente. Il est habile et cherche toujours le défaut de la cuirasse afin de nous prendre par là.

Douzième rrule. — Notre ennemi est faible mais opiniâtre. On peut le comparer à une femme qui cherche querelle à son mari. Si elle le voit ferme et décidé à lui résister quoiqu’elle fasse, tout son courage tombe et elle s’en va. Si, au contraire, il se montre timide, prêt à céder, son audace’grandit d’autant et elle ose tout. C’est ainsi que le démon se trouve ordinairement sans force aucune contre ceux qui, dans les combats spirituels, ne le craignent pas et repoussent sans faiblir toutes ses tentations. Mais si l’on tremble, si l’on perd courage dés la première attaque, il n’y a pas de bête féroce plus cruelle et plus acharnée à la poursuite de sa proie que cet ennemi. A tout prix, il veut notre perte ; elle seule peut assouvir sa fureur obstinée.

Treizième renie. — Nous pouvons encore comparer le démon à un homme de mœurs corrompues qui veut entraîner au péché quelque pure jeune fille ou quelque honnête femme. Il met tous ses soins à ne rien laisser paraître de ses desseins pervers. Il redoute surtout que la jeune fille découvre à son père, ou l’épouse à son époux, ses honteuses manœuvres, car il sait bien que ses efforts deviendraient vains s’ils étaient dévoilés. Le démon fait de même ; il tient à ce que l’âme qu’il veut circonvenir et perdre tienne secrètes ses inspirations dangereuses. Il s’indigne surtout et souffre cruellement lorsque ses tentations sont révélées soit au confesseur, soit à quelque directeur habile dans la science de conduire les âmes, car il sait que ses pièges ne serviront plus de rien.

Quatorzième règle. — Le démon se conduit encore comme un habile général qui assiège une place forte pour s’en emparer et la livrer au pillage. Ce général étudie avec soin la conflguration des lieux ; il examine les remparts et s’attaque à l’endroit qu’il reconnaît le plus faible. Ainsi le démon examine minutieusement l’âme dont il veut faire sa victime. Il cherche à bien connaître quelles vertus morales et tbéologiques font sa principale force ou lui manquent, au moins jusqu’à un certain point. Quand il a reconnu le côté laible, il porte là tous ses efforts, parce qu’il espère s’introduire dans la place par ces endroits bien gardés et causer ainsi notre ruine.

La seconde série de règles s’adressent à des âmes plus élevées en spiritualité et déjà entrées dans la vie illuminative.

Ici encore le principe est le même : ce qui distingue l’action de Dieu, c’est qu’elle s’exerce avec douceur et produit la joie : l’action du démon, au contraire, procède avec violence et dureté et engendre la tristesse et le trouble. La septième règle et la première sont consacrées à ce principe :

Septième règle. — Le bon et le mauvais esprit cherchent l’un et l’autre à s’insinuer dans l’âme de ceux qui font des progrès dans le bien. Mais le bon esprit procède avec douceur ; son action est paisible, suave, il pénètre l’àme comme l’eau pénètre l’éponge. L’esprit mauvais, au contraire, agit avec rudesse, désordre et violence, on croirait le bruit de la grêle tombant sur un rocher. Pour ceux qui deviennent chaque jour plus mauvais, il arrive exactement le contraire. La raison en est dans la disposition de l’àme et sa ressemblance avec l’un ou l’autre esprit. Si l’ange ou le démon trouve une âme qui lui soit opposée, il cherche à y pénétrer avec une sorte de violence dent il est aisé de s’apercevoir. Si au ci ntraire les dispositions de cette âme ressemblent aux siennes, la porte lui est ouverte, il entre tranquillement, comme dans sa propre maison.

Première règle. — C’est le propre de Dieu et des bons anges de répandre dans l’àme sur laquelle ils agissent, une joie spirituelle véritable, lis dissipent comme par enchantement, la tristesse et le trouble causés par le démon. Celui-ci, au contraire, emploie toutes sortes de sophismes spécieux pour détruire cette joie précieuse quand il la trouve dans une âme.